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lundi, 11 février 2013

Muse et râteau ?

Nous marchions lentement le long du boulevard Montmartre vers le boulevard de Bonne-Nouvelle, je l’écoutai attentivement tandis qu'elle parlait d’une voix douce parfois masquée par le bruit des quelques voitures qui passaient. Eh oui, en 1966, les grands boulevards n’étaient pas encore envahis nuit et jour par un flot ininterrompu de voitures.
Elle m’apprit qu’elle allait au lycée Lamartine qui, à cette époque, était encore un « Lycée de jeunes filles ».
Comme les miens, ses parents avaient décidé qu’elle suivrait des études classiques.
Là où elle frappa un cœur déjà fendillé, c’est quand elle me demanda tout à coup « Vous aimez Rimbaud ? »
Je pensai aussitôt, souvenir oblige, à « Ophelie » en poussant un soupir.
Un an et demi d’études et de flirts avaient bien sûr passé et si la dernière mésaventure n'était plus vive, son cadavre était encore encombrant...
Dans un de mes rares éclairs de lucidité, je me dis que j’avais un talent inné pour croiser ce qu’il me fallait absolument éviter.
A mon soupir, elle ajouta « Vous n’aimez pas ? Vous connaissez ses poèmes ? Je vous agace ? »
Au lieu de me taire, ou dire le « mais non, vous ne m’agacez jamais » que la prudence commandait, je lui dis stupidement mais fort heureusement mezzo voce
« Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles, 
   la blanche Ophélia flotte comme un grand lys. »
A peine eus-je fini que je regrettai cet accès de niaiserie pédante.
T
out aurait pu s’arrêter là, tranquillement si elle n’avait ajouté de sa voix douce
« Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
   On entend dans les bois, lointains, des hallalis. »
Elle avait dit ça avec un je ne sais quoi dans la voix qui fait qu’on attend la suite.
Je lui dis « continuez, s’il vous plaît, continuez »
Elle continua, elle hésitait, trébuchait, de temps en temps, mais comme souffleur, j’étais assez bon et ça semblait lui plaire.
Nous arrivions à l’angle du boulevard de Bonne-Nouvelle et du début de la rue d’Hauteville, face à la boutique « Pronuptia » aujourd’hui disparue, lorsqu’elle arriva au « Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles, la blanche Ophélia flotter, comme un grand lys. » qui clôt « Ophélie ».
- C’était très chouette, hein ? Merci beaucoup.
- Comment ça, merci beaucoup, on est déjà arrivé ?
- Oh non ! Merci beaucoup, c’était pour « Ophélie », d’habitude on ne parle que du « Dormeur du val », plus rares sont ceux qui  connaissent et aiment Ophélie.
- Ah bon... J’avais peur que nous soyons arrivés.
- Mais non, on n’est pas arrivé, j’habite presque rue Lafayette !
Ah ! L’art de sauter sur les occasions de s’enfoncer...
- Finalement, c’est très bien, j’ai besoin d’un délai supplémentaire.
- Pourquoi donc ?
Et l'art de prendre de l'élan pour ramasser une gamelle…
- Il me faut bien trouver un prétexte plausible pour vous revoir, non ?
Elle ne dit rien.
Elle tenait toujours mon bras et regardait ses ballerines en marchant.
Nous avions parcouru une cinquantaine de mètres sans un mot quand elle dit doucement « Vous avez trouvé un prétexte ? »
J’étais bien obligé de dire quelque chose.
Je la regardai, elle me paraissait si attentive et si belle sous la lumière du réverbère que je pensai « tant pis pour moi » et lui dis à voix basse « j’ai vraiment envie, très envie et même besoin, de vous revoir, ça peut marcher comme prétexte ? »
Elle sourit « J’en ai entendu de bien plus stupides, au moins celui-là est flatteur… Mais à part ça ? Qu’allons-nous faire ? »
Je me gardai prudemment de lui parler de tout ce qui me venait à l’esprit en la matière.
Je connaissais, hélas trop bien, les dangers du cinéma pour le proposer.
En plus, avec le coup du cinéma, les filles voyaient venir les garçons de loin.
Je lui demandai si un après-midi au Louvre la tenterait.
Ça la tentait. Elle demanda « La grande galerie ou les sculptures ? »
Je préférais la grande galerie mais les sculptures permettaient d’errer dans une espèce de labyrinthe qui me plaisait bien.
De plus, il y avait à l’époque si peu de monde dans les musées qu’on y pouvait déambuler dans le calme et rester devant une œuvre qui plaisait sans être obligé de passer rapidement à la suivante, poussé par la foule.
Nous marchions lentement, je la regardai et proposai « Les sculptures ? » et elle acquiesça.
Nous approchions de la fin de la rue d’Hauteville et n’avions de montre ni l’un ni l’autre aussi nous continuâmes jusqu’à la rue Lafayette pour voir la pendule de l’angle du boulevard Magenta et de la rue Lafayette.
Il n’était pas onze heures, Cendrillon et moi pûmes continuer à échanger de menus propos.
Plus je la regardais, plus ça se fendillait derrière mes côtes.
Lectrices chéries, vous n’avez jamais eu dix-sept ans ? Oui, oui, je vous entends ricaner à propos de « cœur d’artichaut »…
A onze heures moins cinq, elle me dit « à demain, treize heures au Louvre, devant la Victoire de Samothrace ? », fit un pas, hésita un instant puis revint et me tendit la joue.
Le grain de beauté n’était pas une poussière.
Malgré sa finesse, sa peau résista.
Ce n’était pas non plus de la batiste.
C’était beaucoup plus doux…

 

samedi, 09 février 2013

Elle, ma muse...

Oui, j’aurais perdu énormément.
Il s’agissait là d’une très jolie fille et d’un garçon qui n’était certes pas Quasimodo mais qu’on ne pouvait pas non plus confondre avec Adonis.
Je la regardais –discrètement- comme un gâteau.
J’étais même –pour un instant encore- assez sensé pour juger de la minceur de mes chances.
Vous savez combien, lectrices chéries, la difficulté n’a jamais fait fuir votre serviteur.
Vous savez bien aussi, lectrices adorées, que quand je parle d’une « très jolie fille » c’est qu’il s’agit d’une de ces petites merveilles biologiques qui m’ont toujours fait « craquer ».
Que c’est le genre de fille pour laquelle votre Goût adoré est prêt à tout sacrifier.
A commencer par sa quiétude, sa jugeote et son rythme cardiaque…
Non, « l’autre » n’était pas rousse.
Du moins pas vraiment.
Ses cheveux avaient cette couleur châtain assez chaude et des reflets légèrement cuivrés que l’éclairage plutôt doux, dispensé par la lampe depuis la table, ensoleillait.
« L’autre » avait aussi quelque chose de bien plus inquiétant.
Elle avait un petit grain de beauté en haut de la pommette droite.
Le contraste était tel avec sa peau que je dus mettre mes mains dans mes poches pour ne pas tenter de retirer cette petite tache de sa joue comme on chasse une poussière noire sur de la batiste blanche.
J’aurais tué pour caresser une peau si fine.
Un autre piège absolument déloyal m’était tendu par la petitesse des fauteuils.
Assise face à moi à cette petite table, j’avais un mal fou à ne pas fixer ce que dévoilait sa mini-jupe.
Le proverbe qui dit « on ne prend pas deux fois les oiseaux dans le même nid » se révéla donc parfaitement bidon.
Le coup du « pour que ça morde, faut changer d’appât » se planta lamentablement itou.
Néanmoins, « l’autre », c’était un peu succinct comme identité.
Je la regardai et tentai de deviner comment ce serait pris puis j’osai.
- Comment vous appelez vous ?
- Et vous ?
- Vous répondez toujours à une question par une autre question ?
Elle sourit car elle était vraiment gentille et lâcha timidement « Anne-Marie , mais vous êtes plutôt direct ! »
- Vous auriez préféré que je vous dise « c’est à vous ces beaux yeux » en ajoutant, « c’est quoi vot’ petit nom »?
Mauvaise comme la gale, elle rit « Comme l’aurait fait celui qui m’a invitée tout à l’heure ? Oh non ! »
Du coup, j’évitai de prendre l’air malin, celui qui, justement, montre qu’on ne l’est pas.
Toujours se méfier des fines mouches, elles vous piquent sans qu’on y prenne garde…
Elle m’assura que Patrice n’était pas si courant mais lui plaisait.
Les « aaahhhh » de satisfaction quand les haut-parleurs susurrèrent « J’avais dessinéééé, sur le sableeeuuu » attirèrent notre attention.
Je me demandai si j’allais oser lui demander une autre danse lorsqu’elle lâcha, avec un culot de commissaire, « je veux bien vous accorder celle-ci mais après il faut que je rentre à la maison ».
Je restai estourbi par un culot pareil ! Le « je veux bien vous accorder celle-ci » m’avait assis !
Une fille qui condescend à accepter une invitation qu’on n’a pas lancée est capable de tout.
Surtout du pire.
L’idée d’avoir encore pour quelques minutes ses bras autour de mon cou me plaisait beaucoup, vraiment beaucoup, énormément, plus encore.
Je l’assurai, avec un vague sourire « ne vous en faites pas, votre sacrifice ne sera pas vain ! »
Elle eut la bonté d’ajouter une lueur amusée au regard bleu qu’elle me jeta.
Aïe ! A ce regard bleu et amusé, je sentis poindre les ennuis
Pour échapper à ce sort funeste, je lui saisis la main et l’entraînai avant qu’elle ne changeât d’avis.

Dans cette affaire, je grappillai encore « deux minutes trente-cinq de bonheur »…
J’ajoutai, me jetant à l’eau pour la seconde fois de la journée, « Allons-y, je vous raccompagne ».
Ça dut la soulager car elle eut un tel sourire qu’on aurait dit que la lampe de la table s’était éteinte.
Après avoir brièvement salué nous amis respectifs, nous remontâmes jusqu’au vestiaire où elle prit sa veste et son petit sac à main tandis que je récupérai mon blazer.
Vous savez, ces blazers bleu- marine avec un écusson sur la pochette, genre « collège anglais » à la mode ces années là.
Elle habitait vers le haut de la rue d’Hauteville, pas très loin de la rue Lafayette.
Elle acquiesça à ma proposition d’y aller à pied.
La nuit était douce et c’était toujours ça de gagné.
Ça me donnerait le temps de trouver le courage et une raison sensée de lui demander de la revoir.
Endurci comme je me pensais après la mésaventure précédente, j’étais sûr d’avoir un cœur de pierre.
Hélas, quand arrivés sur le trottoir elle me prit le bras, le fameux pincement annonciateur de problèmes cardiaques me fit penser que la « pierre de cœur », ça se fendille quand même facilement…

vendredi, 08 février 2013

Slow motion...

Au fait, aujourd'hui, mon blog a sept ans.
L'âge de raison.
Il faut bien que de nous deux, au moins un l'atteigne...

Reprenons donc...

D’avoir été si près de « l’autre » pendant cette danse m’avait ramolli l’entendement.
Pendant que Percy Sledge nous expliquait que « quand un homme aime une femme, il ne peut penser à rien d’autre », –ce que j’avais pu vérifier- , j’appréciais la peau délicieusement douce et tiède de ses bras autour de mon cou.
Sans parler de ses cheveux, au parfum de shampooing récemment rincé, qui me chatouillaient le nez et me donnaient envie d’y plonger mon visage.
J’avais dû pendant toute la danse, me cramponner à mon éducation pour ne pas embrasser ces avant-bras laissés imprudemment à portée de mes lèvres.
Un long entraînement à la veste m’avait appris à réfréner mes envies…
Je me rappelai trop tard, comme chaque fois que je succombais, pourquoi on prêtait si volontiers aux filles le rôle de tentatrices.
Tandis que nous revenions à notre table, je regrettais déjà l’odeur de sa peau, un léger parfum de savon et une vague fragrance d’après-rasage qu’elle avait dû piquer à son père.
Eh oui, comme à la maison, la lotion « Aqua Velva » servait apparemment à tout le monde…
Plus ce très léger petit je ne sais quoi « très à elle » qui ajoutait une touche d’intimité discrète.
D’où le silence qui commençait à s’installer de part et d’autre de la table.
Elle tenta une nouvelle fois de boire du diabolo fraise.
Elle renonça avec une  grimace de celles que l’on fait quand on goûte un raisin trop vert.
Pour meubler, j’osai «  Je vais aller vous chercher autre chose, qu’aimez vous ? »
Elle parut un peu soulagée et me dit préférer des boissons plus douces, telles la grenadine ou la menthe et opta pour le « Vittel grenadine ».
Je me précipitai jusqu’au comptoir, craignant que dans cette boîte pleine de musique et de concurrents, un instant d’inattention la fasse disparaître.
En attendant sa grenadine, je la regardai, je la voyais de dos, assise à la table, très droite sur le petit fauteuil, les mains jointes sur ses genoux, ses cheveux châtains relevés en un chignon assez lâche qui dégageait un cou fin ( ouais, bon…) et délicat.
Malgré la densité de la foule et la bousculade permanente, je réussis à ramener à notre table un verre de grenadine sans l’avoir renversé, sans l’avoir échappé et mieux encore, sans en verser par inadvertance un filet dans le cou de celle dont j’espérais bien me rapprocher en d’autres occasions que la danse.
Elle me regardait avec attention, trop d’attention, j’en étais gêné car je n’aime pas qu’on me dévisage. Je sais trop bien ce qui cloche chez moi.
Je me sentis rapetisser sous son œil d’entomologiste. Un œil de siamois curieux mais bleu foncé.
Et là, soudain elle m’assène « qu’avez-vous à l’œil ? Que vous est-il arrivé ?», me tuant le moral d’un coup net.
Evidemment, la seule chose que je n’aurais pas voulu qu’elle vît, elle l’avait remarquée sur le champ.
Alors que j’avais très envie de danser d’autres slows avec elle puis de la raccompagner, le défaut rédhibitoire d’un visage qui n’était déjà pas angélique l’avait immédiatement frappée.
Inutile de dire que l’idée même de la revoir plus tard et dans d’autres endroits me sembla à l'instant totalement farfelue…
Je n’avais pas très envie de lui raconter mon approche calamiteuse des sciences physiques.
Ça m’avait déjà esquinté la figure, il ne me semblait pas indispensable de laisser penser que ça m’avait aussi abîmé la cervelle…
Plutôt que lui répondre, je lui dis « parlez moi plutôt de vous. » et le lui dis doucement, de peur de faire fuir brutalement l’instant.
Mais « l’autre » ne voulait pas. Elle voulait d’abord savoir pourquoi et comment je m’étais mis dans cet état. Je le lui relatai donc brièvement.
Elle pouffa « Mon dieu,  mais que vous étiez bête !  Vous auriez pu penser que les mèches peuvent être longues… » puis poursuivit plus sérieusement « Vous avez eu de la chance de n’être pas devenu aveugle ! ».
Elle avait raison, je n’aurais jamais vu son visage.
Et j’aurais perdu énormément…

jeudi, 07 février 2013

Interlude...

 Ce soir, dans le bus, revenant de chez Léontine, l’amatrice de cocktails et de champagne, nous étions tranquillement en train de papoter, Heure-Bleue et moi.
Assis côte à côte, devisant de choses et d’autres, notamment de Léontine dans une forme qui nous fit craindre d’être dans la boîte et elle derrière, voilée de crêpe.
Nous passons alors devant le lycée Lamartine, imprudent je lâche « Eh oui, le lycée Lamartine… »
Et là, Heure-Bleue, soudain attentive:
- Dis donc, celle-là, tu as… Consommé… ? (l’interrogation traînante n’est pas aisée)
- Ben… euh… Un petit peu…
- Hum… comme celles qui sont « presque vierges », un « petit peu enceintes », sans doute…
Elle fait le compte.
Entre celles dont j’ai parlé, celles dont je n’ai pas parlé -oui, Heure-Bleue et une autre sont interdites- et celle dont je suis en train de parler, il en reste peu.
Et Heure-Bleue, après explications à propos de mes nombreuses amours, me jette « ben tu ne vas pas pouvoir tenir longtemps ton blog avec ça… »
Lectrices chéries, j'ai peur, Heure-Bleue ne semble plus
jalouse.
Enfin, j'ai surtout peur qu'elle pense ne plus risquer que l'on lui  « soulève » son Goût...

mercredi, 06 février 2013

Diabolo fraise…

Je ne voyais plus mon copain, collé sans doute à sa copine. La danse, c’est vraiment la mine.
C'est à ce moment, qu'au bas de l’escalier menant à la sortie apparurent deux filles se tenant par le bras.
L’une manifestement habituée, l’autre, plus empruntée, semblait avoir été traînée de force dans une ambiance qui ne lui plaisait pas.
L’habituée déposa un baiser sur la joue de l’autre et partit à la rencontre d’autres habitués.
« L’autre »  regarda autour d’elle et se dirigea vers la table la moins encombrée et où on pouvait prendre place.
La table encombrée d’un diabolo fraise.
La table de votre Goût adoré.
« L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme » me souffla Victor à l’esprit.
« Je peux ? » demanda « l’autre » d’une voix timide.
« Je vous en prie. » dit votre serviteur de la voix qui plaît tant à « mialjo ».
(Pour la voix, à l’époque je ne savais pas, sinon j’en aurais profité à fond).
« L’autre » regarda mon verre, allait dire quelque chose mais en fut empêchée par l’apparition d’un empêcheur de draguer en rond.
Ce concurrent outrecuidant, ce brun calamistré de frais, au pantalon collant et vêtu d’une de ces monstrueuses chemises à jabot de dentelle qui faisaient leur apparition et bientôt fureur allait embarquer ma peut-être future camarade.
Le verbe haut et la grammaire approximative, il avait, comme dit Flaubert « cette admirable nature de charlatan où il y avait du coiffeur et du toréador ».
Prenant son élan, le toréador regardant « l’autre » avec « oun oeil dé vélours » , jeta avec emphase « si tu voudrais bien m’accorder cette daaaanse… », laissant traîner la fin de l’invite de l’air du type qui offre un cadeau.
Comme il m’arrive d’être grossier avec moi-même, je me dis « Merde ! Il va tout foutre en l’air ! ».
Puis, comme il m’arrive de réfléchir, trop rarement hélas, je me dis que si elle était charmée par une sirène de ce genre, la perte ne serait pas grande.

En l’entendant, elle eut l’air poignardée, levant les yeux au plafond tandis que je laissais échapper un « sshhhh ».
Il venait manifestement de signer son arrêt de mort.
Ce qu’elle confirma d’un « non, merci » glacial. Dès qu’il eut le dos tourné, elle haussa les épaules d’un air agacé.
- Vous avez entendu ?
- Oui, il aurait dû dire « Si que mademoiselle voudra bien m’accorder cette danse », non ? 
« L’autre » me jeta un regard indécis.
Puis sourit et lâcha « si je ne vous avais pas vu tiquer en entendant l’autre, je m’enfuirais aussitôt.»
Elle regarda mon verre –enfin ! –
- Qu’est-ce que vous buvez ?
- Un diabolo fraise.
- Ça a quel goût ?
J’hésitai, puis poussai mon verre vers elle. Après tout, on verrait bien.
- Je vais plutôt aller en chercher un au bar.
- Et si vous n’aimez pas ça ?
- Alors vous en boirez peut-être deux…
Elle se leva, je souhaitai de tout mon cœur qu’elle revienne à la table.
Quelques minutes plus tard elle revint avec son verre, y trempa ses lèvres et frissonna.
« C’est bien trop acidulé pour moi ! ».
Et à son tour elle poussa son verre vers moi « Vous voulez bien ? ».
C’est là que le sort se montre parfois gentil avec ceux qui doivent se consoler.
Percy Sledge, sortant des haut-parleurs, se mit à chanter  «  When a man loves a woman ».
Alors je me jetai à l’eau, je pris la main de « l’autre » en disant « Si tu voudrais bien m’accorder ce slow ? ».
Elle sourit gentiment,  se leva, me reprit la main et avoua « à part le slow, je ne sais rien danser ».
Elle parut satisfaite de mon « Moi non plus… ».
Les effets du diabolo fraise me surprendront toujours…