mercredi, 28 septembre 2022
Ô Rom, unique objet de mon ressentiment…
Mais non, ce n’est pas du racisme ni une forme quelconque de xénophobie.
Je serais mal placé pour me livrer à ce genre de bêtise, une grande part de ma vie de forçat ayant consisté en de nombreux voyages dans des pays par essence étrangers vu que les autres pays ne sont pas la France.
Deux éléments motivent ma note d’aujourd’hui.
D’abord un articulet qui m’a sauté à la figure hier, disant que la France est un pays raciste.
Généralisation évidemment hâtive et qui pourrait s’appliquer au monde entier car chaque pays comporte son lot de racistes et de xénophobes, marque de la crainte courante de ce qu’on ignore sans y réfléchir plus avant.
Le plus surprenant de l’articulet étant que le « racisme » majoritaire en France, contrairement aux espoirs de l’extrême droite, ne concerne pas « les immigrés », « les Noirs » ni même « les Arabes ».
Non, l’étranger le plus détesté en France est le Rom.
Une longue habitude des transports publics parisiens et mon affection pour les quartiers qui m’ont vu grandir, m’a fait croiser suffisamment de ces Roms pour m’aider à comprendre le sentiment, si ce n’est de détestation, du moins celui de méfiance à leur égard.
Hélas, ma confiance innée en l’humanité, qui inclut donc les Roms, m’a coûté trois téléphones, deux cartes Visa et le portefeuille plein de cartes de crédit de la lumière de mes jours.
Pourquoi vous parlé-je ce ça aujourd’hui ?
Parce que la note d’Adrienne ce matin a éveillé quelque chose chez moi.
Sa note comporte une remarque en roumain.
Et alors ? Vous interrogez-vous lectrices chéries.
Eh bien, sa réflexion m’a rappelé une pancarte lue sur la vitrine d’une boutique d’achat de bijoux à Tel-Aviv « Aici vorbim romaneste », soit « Ici on parle roumain ».
Je me suis dit alors « si on voyait cette pancarte dans une vitrine d’achat de bijoux à Paris, il y entrerait plus de policiers que de Roms… »
Alors qu’en Israël, ce genre de chose ne surprend personne car nombre de boutiquiers manipulent au moins quatre alphabets mais n’allez pas croire qu’Israël est un vivier d’intellectuels de haut niveau.
Bien sûr, comme partout il y en a.
La pratique de la circulation dans les rues de Tel-Aviv ou Jérusalem vous convainc rapidement que ça ne concerne, comme partout ailleurs, que peu de monde…
10:26 | Commentaires (5)
lundi, 26 septembre 2022
Devoir de Lakevio du Goût No138
Cette toile d’Émile Friant m’a frappé car elle me dit quelque chose.
Mais quoi ?
La discussion semble animée autour de ce pichet de vin.
Sur quoi peut-elle bien porter ?
À lundi…
Ça me rappelle quelque chose.
À Nina aussi, je suppose...
Non, ce n’est pas l’Algérie où je n’ai jamais mis les pieds.
C’est plutôt du côté d’Albi, là où ma grand’ mère paternelle vivait avec ses autres enfants.
Le seul qui s’était exilé à Paris était mon père.
Il était arrivé bien avant les autres…
De fait, cette toile me rappelle les discussions sans fin avec des cousins, les Martinez, les G. de G. très fortunés et très « collet monté » mais qui se « dessalaient » en présence des « autres ».
Tous, même mon père reprenaient cet accent et ces mots qu’il m’a fallu traduire.
Comme « mais entention ho ! » pour « mais attention hein ! »
C’était une langue à part, qu’ils appelaient selon leur état de fortune « sabir » ou « pataouète ».
Mon père, qui la manipulait parfaitement quand les circonstances s’y prêtaient, m’en traduisait certaines tournures.
D’autres, il les gardait pour lui, refusant d’enseigner « des gros mots » à son fils.
Comme « La purée de nous otres ! ».
D’autres passaient plus volontiers quand on arrivait à « attraper » la prononciation adéquate.
« Tchi a ontondu, hein ? » pour « tu m’écoutes, hein ? » quand un ordre était signifié, avec de « on » prononcé curieusement que je n’ai entendu que chez certains juifs d’Afrique du Nord ou certains Arabes d’Algérie et qui pouvait aussi bien remplacer le « en » que le « in ».
Le « juif d’Afrique du Nord » étant circonscrit à deux bleds, Constantine et El Kantara pour les uns, Oran et Mostaganem pour les autres.
Mon père prononçait parfaitement ce son « on » étrange que je n’ai entendu plus tard que chez un Tunisien avec qui j’ai travaillé et qui « causait pied-noir » quand il était énervé.
C’était de fait plus une langue qu’un accent qui pouvait aussi bien enfanter des phrases comme « Qu’est-ce que tchi as oncore envonté ! » que « Tchu m’as bien ontondu ! »
Le tout agrémenté de « Moi j’te l’dis » pour appuyer ou pire, de « C’est vré c’que j’dis » qui annonçait un arrangement avec la vérité…
« La purée de nous otres ! Qu’est-ce qu’y m'fait r’monter ce tableau ! J’te jure ! »
Avec ce « u » prononcé entre « u » et « i »...
09:36 | Commentaires (19)
samedi, 24 septembre 2022
Jour de repas sage...
Ça fait longtemps que nous en avons envie.
Seulement voilà, le Covid-19 nous empêche depuis plus de deux ans d’aller manger un « döner » là où il est vraiment bon.
D’un commun accord, un ami, Heure-Bleue et moi avons décidé de faire un couscous pour nous consoler.
Un couscous pour trois, ça fait bizarre alors nous avons invité une autre amie à le partager.
Pour me remonter le moral avant une séance d’épluchage de légumes à décourager un marmiton, je vais plutôt vous parler de « döner ».
Heure-Bleue m’a précisé souventes fois « Je ne peux pas manger ce genre de chose autrement que sur une assiette » car, ajoute-t-elle « sinon je ne sais pas manger élégamment ».
Elle a oublié qu’avant la découverte de ce « döner » de la rue des Petites Écuries, celui de la rue des Batignolles nous voyait déjeuner comme des clochards sur un banc de la place où se trouve l’église Sainte Marie des Batignolles.
Il faut néanmoins que je vous le dise : Il est impossible de manger un sandwich quelconque élégamment.
Que ce soit un « sec-beurre-cornichons » ou un döner.
Bon, d’accord, il y a pire que le döner.
La « pita-houmous-schwarma » par exemple qui vous flanque des gouttelettes de houmous pleines d’huile d’olive sur le plastron pendant que vous essayez vainement de rattraper le bout de poulet qui vient d’arriver sur votre pantalon, histoire d’y laisser une autre tache…
Pour le döner, je peux néanmoins dispenser quelques lumières, aidé par une longue expérience qui m’a coûté un bras en pressing.
D’abord, tout d’abord, éviter de faire comme Heure-Bleue qui tient absolument, malgré les objurgations de votre Goût préféré, à commencer par mordre dans cette merveille par le milieu.
Erreur ! Tragique erreur qui voit chaque fois se réaliser la prophétie de votre serviteur.
La déformation du petit pain laisse échapper de chaque côté des lèvres bien-aimées un tas de petits morceaux de veau.
Veau délicieux lui aussi mais qui sera irrémédiablement perdu.
Il finira, après avoir constellé de taches de gras le chemisier de la lumière de mes jours et un bref passage par le devant de sa jupe, sur le sol.
Parfois, avant d’arriver per terre, un orphelin décorera tristement la chaussure d’Heure-Bleue.
Il convient donc tout d’abord de faire attention et de se pencher sur sa serviette de papier.
Surtout ne pas tenter d’amener à sa bouche cet échafaudage instable.
Ensuite, tourner la tête pour commencer, en ayant pris grand soin de maintenir le döner aussi parfaitement horizontal que possible, de commencer à mordre dedans par un bout !
Et continuer, un peu comme si vous faisiez un zig-zag vertical, de façon à conserver un flanc aussi droit que possible.
Reste un dernier piège, hélas.
Non, vous n’échapperez pas à la rondelle d’oignon, vicieusement planquée qui, accrochée à vos dents lors d’une morsure enthousiaste, entraînera la moitié du reste de viande hors du petit pain.
C’est là que le conseil de se pencher sur sa serviette prend tout son sens.
Vous pourrez récupérer, avec les doigts certes, le veau qui vous narguera sur le morceau de sopalin.
Ne lui en veuillez pas ! Pensez une seconde à ce qui serait arrivé si, dans un souci d’élégance masticatoire, vous aviez alors amené le döner jusqu’à ta bouche. Bien droite sur votre chaise comme votre maman vous l’a seriné toute votre enfance.
Ce « Tiens toi droite ! » qui a gâché vos repas pendant des années.
Imaginez l’effet de l’avalanche de petits bouts de veau délicieux que non seulement vous ne pourriez pas déguster mais qui, vicieusement, auraient pourri vos habits.
Et ne me cherchez pas d’histoires car celui qui serait capable d’avancer des arguments irréfutables pour que j’écrive « aurait pourri » plutôt que « auraient pourri » est prié de se faire connaître et de démontrer que le sujet est « l’avalanche » plutôt que « petits bouts de veau » non mais...
10:37 | Commentaires (14)
vendredi, 23 septembre 2022
138ème Devoir de Lakevio du Goût
11:05 | Commentaires (4)
mercredi, 21 septembre 2022
Première fois et autres surprises.
Adrienne parle aujourd’hui de Delerm.
Quand j’ai commencé à lire la notre d’Adrienne je me suis demandé « Parle-t-elle de Philippe ou de Vincent ?
Avançant dans la note, j’ai lu « nourritures terrestres », librairie « Tropismes » à Bruxelles.
J’ai cru comprendre alors qu’elle parlait de Philippe Delerm et de livres.
J’ai pensé aussitôt « Tiens, elle est comme nous, elle entre dans une librairie comme un enfant dans une pâtisserie, il lui faut absolument ressortir avec des bouquins, un paquet de bouquins alors qu’elle en a déjà deux piles à lire… »
Puis j’ai continué la lecture et je me suis dit « Tiens, cette fois elle parle de « première fois ».
Je me suis dit « après le père, le fils… »
C’est alors que cette affaire de « première fois » m’a fait rêvasser.
Mais non ! Pas à « ça » !
Bon, il m’arrive d’y penser mais ce n’était pas à « ça » que je pensais.
Je pensais à toutes ces découvertes, de celles que l’on fait quand on met le nez hors de chez soi.
Entre le moment où on se met à marcher sans être attaché à une main, celle de sa mère ou celle de son père.
Ce moment merveilleux où pour la première fois de sa vie on goûte ce sentiment inconnu qu’est la liberté.
La liberté d’aller quelque part sans y être emmené.
Ce moment où on choisit ce qu’on regarde plutôt qu’être poussé à regarder par ceux chargés de nous faire grandir.
Ce fut aussi cette première fois inquiétante où on me laissa seul dans une entrée inconnue et qu’une dame, inconnue elle aussi, me prit par la main et me mena dans une cour qui me parut immense.
Ce fut la « première fois » la plus marquante de mon existence.
Du moins à ce moment-là…
Ce jour-là, pour la première fois, j’ai vu des yeux bleus !
Oui ! Bleus ! Tout bleus !
Pour la première fois de ma vie, une petite-fille, aussi perdue que moi, aussi petite que moi, était la petite fille la plus différente de moi que j’ai jamais vue.
Comme elle était petite et perdue, elle m’a regardé et s’est approchée.
Je me le rappelle bien.
Elle n’a rien dit et s’est simplement tenue à côté de moi, une minuscule valise de carton, bleu lui aussi, à la main.
Je l’ai regardée, elle m’a regardé.
Elle avait la peau de la figure très blanche mais je n’ai pas osé lui toucher la figure alors que j’en mourais d’envie.
La dame nous a dit comment nous mettre en rang « par deux » devant une porte et de nous tenir par la main.
La petite fille et moi nous sommes tenus par la main.
Puis nous sommes entrés et assis côte à côte sur un petit banc fixé à une petite table.
La dame s’appelait « Madame Alain » et la petite fille s’appelait « Malika ».
Ça, c’était une sacrée « première fois » !
09:20 | Commentaires (9)