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lundi, 02 novembre 2020

Devoir de Lakevio du Goût N°55

devoir de Lakevio du Goût_55 .jpg

J’en ai vu, des femmes et des hommes comme ça, sur des marches.
Je ne sais pas ce qu’ils faisaient là.
Peut-être le savez-vous.
Alors à lundi.
Pour qu’on le sache tous…

***

Pourquoi n’arrive-t-il pas ?
Il m’a dit « Je reviens, ne t’inquiète pas ma chérie ! »
Tout est prévu.
Je trépigne d’impatience.
C’est le printemps, nous partons en week-end et nous allons enfin nous marier…
En plus c’est exactement comme je l’ai toujours rêvé !
Nous avons publié les bans,
Il a vingt-deux ans, j’ai vingt ans, toute cette vie à passer ensemble…
J’en tremble d’avance.
Il est si doux, si prévenant.
Il va arriver tout à l’heure, je le sais.
Il me l’a juré, m’a embrassée, me l’a encore juré.
Mon dieu ce baiser, j’en frissonne encore…
Et je l’attends… Il est en retard…
Mais il va venir j’en suis sûre.
Mais qu’est-ce qu’il me veut celui-là, qui me dit « Il faut rentrer maintenant, c’est l’heure du dîner… Allez, donnez-moi la main… On va rentrer… »

***

- Monsieur ?
- Oui mon garçon ?
- Qu’est-ce qu’elle a la dame ?
- Elle a quelque chose de cassé dans le cerveau, alors je m’occupe d’elle…
- C’est pour ça qu’elle vient s’asseoir sur les marches tous les jours ?
Le petit garçon semble étonné qu’une dame malade puisse s’asseoir tranquillement sur les marches de pierre en face de chez lui alors il insiste.
- Pourquoi elle est malade ?
- Parce que, il y a longtemps, bien avant que tu ne viennes au monde, elle avait un fiancé.
- Ben ! Toutes les dames ont un fiancé !
- Non, pas toutes mais celle-là, elle en avait un et il lui est arrivé malheur.
- Ah ?
- Et depuis, tous les jours elle sort, elle s’assoit sur les marches et elle attend…
Il lui a dit « Attends-moi, je reviens avec la voiture et on part en week-end. »
Alors, depuis trente-deux ans maintenant, elle met son imperméable, prend son sac à main, s’assoit sur les marches et attend qu’il arrive…
- Tout le temps ?
- Oui, tout le temps, tous les jours à dix heures, jusqu’au soir.
- Même quand il fait froid ?
- Oui… Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente ou fasse soleil elle est là.
- Mais pourquoi ?
- Elle l’aimait et quand il est mort, elle est morte de l’intérieur…
- Ah ! C’est ça qui lui a cassé le cerveau alors…
- C’est sûr…
- Monsieur ?
- Oui, mon garçon ?
- Alors pourquoi maman elle dit toujours « C’est beau l’amour » ?
- Peut-être parce ton papa est toujours revenu…
Je me suis tourné, ai attrapé la main de ma cousine et nous avons remonté lentement les marches.
Je fais semblant de ne pas voir qu’elle se retourne à chaque marche, vérifiant qu’il n’arrive pas...
Elle l’attend...
Elle l’attendra jusqu’à la fin de ses jours, j’en suis sûr...

samedi, 31 octobre 2020

Là où il y a de l'hygiène, apparemment y a pas de plaisir...

Je dois dire que les connaissances de nombre de Français en matière de maladies infectieuses me semblent quelque peu lacunaires.
Je l’ai déduit de ce que j’ai vu en faisant quelques courses et en passant commande pour les suivantes.
Oui lectrices chéries.
Je savais déjà que la jugeote est la qualité la plus partagée de l’humanité.
Ce qui fait qu’il n’y en a finalement que peu par individu…
« Mais quoi diable notre Goût chéri nous raconte-t-il ça ? » vous esbaudissez-vous.
Eh bien parce qu’après avoir échoué dans une tentative d’achat sur la place, Monop’ m’annonce avec une larme au coin de l’écran « En rupture de stock ».
Oui, platement, cruellement, comme ça, à nous qui faisons des efforts démesurés pour assurer les dividendes des actionnaires !
Déception, et risque délicat, lectrices chéries.
La livraison est assurée pour mardi prochain.
Soit, dans quatre jours.
De quel produit s’agit-il qui nous plonge dans le désespoir en espérant que nous ne seront plongés que dans le désespoir ?
Eh oui ! Vous avez deviné !
Je le sais, rien qu’à supputer vos ricanements…
Nous voulions simplement acheter du « papier toilette »
Nous avons dû nous rabattre sur un papier de luxe.
Il s’en fallut de peu que l’écran ne flambât en affichant le prix.
Je me suis demandé si, pour ce prix-là, on ne livrait pas des carrés faits d’une feuille de nylon délicatement parée d’une enveloppée de cachemire « quatre fils »…
Mais non, ne rêvez pas, c’est juste du papier très cher.
D’où mon souci du début à propos de l’ignorance des gens en matière de maladies infectieuses.
Personne ne sembla avoir averti le peuple de France que nous luttions contre une épidémie de  Covid-19, pas contre une épidémie de « gastro » !
Mon dieu qu’ils sont bêtes…

vendredi, 30 octobre 2020

55ème devoir de Lakevio du Goût

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55ème devoir de Lakevio du Goût
J’en ai vu, des femmes et des hommes comme ça, sur des marches.
Je ne sais pas ce qu’ils faisaient là.
Peut-être le savez-vous.
Alors à lundi.
Pour qu’on le sache tous…

jeudi, 29 octobre 2020

Ausweis.

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On nous l’a dit très fort « Vous êtes consignés ! »
Puis, plus doucement « Sauf que… Et… Ainsi que… Mais… »
Il nous a dit en substance « La vie est plus importante que les considérations financières ! »
Comme il faut bien éviter une hécatombe, il faut donc rester chez soi.
Tout en travaillant quand même.
Donc chacun chez soi.
Sauf les enseignants qui doivent enseigner dans les écoles.
Sauf les élèves qui doivent être enseignés dans les écoles.
Sauf les maçons qui doivent maçonner, les livreurs livrer, les caissières encaisser, les usines tourner et surtout les soignants soigner.
Ceux qui doivent travailler chez eux – « télétravailler » - n’ont pas forcément de la chance.
Pour avoir exercé mon métier à la maison, je sais que le débordement du temps de travail sur la vie de famille est fréquent et ne va pas sans problèmes quand ça devient fréquent.
Bref, il faut quand même aller au charbon pour les uns et à l’école pour les autres…
Une nouvelle mauvaise passe se dessine dont ne sait comment on se sortira car c’est bien connu : Une mauvaise passe, c’est un piège.
C’est un peu comme une femme amoureuse.
Mais en moins agréable…
Il est facile d’y entrer et on a beaucoup de mal à en sortir...
Bref, on est parti pour l’incertitude habituelle.
Mais en pire…

lundi, 26 octobre 2020

Devoir de Lakevio du Goût N°54

devoir de Lakevio du Goût_54.jpg

Cette photo de Walker Evans semble nous dire quelque chose.
Elle me rappelle quelque chose.
Mais quoi ?
Peut-être un film...
Ou autre chose.
Si vous avez une idée, dites le lundi.

J’ai vu pour la première fois cette photo de Walker Evans en allant à une exposition au Centre Beaubourg.
J’y ai vu des photos, certaines épouvantables, d’autres attendrissantes mais celle-ci m’a sauté à la mémoire.
Pas parce que cet homme est un bel homme à l’air malheureux.
C’est tout autre chose, quelque chose de quasiment insignifiant mais qui a attiré mon regard et m’a tiré par le fil de ma mémoire.
Car c’est bien ce qui s’est passé.
Ce n’est pas moi qui ai tiré le fil pour ramener un souvenir, non, c’est le détail qui m’a tiré par la mémoire et entraîné dans les méandres d’un passé par moments mouvementé.
Le détail ? L’agrafe de la salopette de l’homme.
Mon père avait une salopette comme ça.
J’ignorais tout de la rudesse de l’époque.
Je ne la voyais que rarement, cette salopette car mon père mettait un point d’honneur à être habillé en « homme normal » quand il sortait de l’usine Boulevard Sérurier.
Comme pour beaucoup d’ouvriers de l’époque, la « gamelle » restait souvent à la maison pour cause de vacuité et, ces jours-là, le déjeuner se résumait à faire un tour sur le boulevard en mangeant une demi-baguette…
Il est toutefois arrivé qu’il revint à la maison « en bleu ».
Ma mère détestait autant que lui qu’il fût dans la rue autrement qu’en « homme normal ».
Il y avait de bonnes raisons à ça car quand mon père arrivait « en bleu » c’est que quelque chose de désagréable se profilait à l’horizon.
Ce jour-là, celui où l’agrafe de la salopette m’a frappé, je me le rappelle bien parce que j’ai encore honte de ce que j’ai pensé.
Ce soir-là, donc, mon père est arrivé à la maison, a posé son « sac-seau » par terre et a dit « Ma poule ! Je travaille de nuit samedi et dimanche… »
Et il n’était pas content parce que le dimanche était le seul jour de la semaine où il se reposait.
Et j’ai eu le culot de dire quelque chose comme « Youpee ! C’est bien, papa ! »
- Pourquoi ça, mon fils ? 
- Ben, peut-être que maman pourra acheter un gâteau.
Je mentais effrontément mais mon père m’a passé la main dans les cheveux.
Ma mère a dit « Lemmy ! Il a plein d’épis ! J’ai un mal fou à le peigner ! »
Je rougis encore à me rappeler ce que j’ai réellement pensé à ce moment-là.
Vous ne le savez pas mais le dimanche, « mon » dimanche, était régulièrement gâché par la sieste de mon père épuisé après des nuits de neuf heures agrémentées de deux ou trois « heures sup’ ».
Mon père avait alors besoin du football à la radio pour dormir.
L’émission commençait toujours par la chanson « Chantons pour le sport » par André Dassary.
Dès que j’entendais
« Chantons pour le sport !
   D'un cœur joyeux, chantons l’essor de la jeunesse
   Qui se moquant de la gloire,
   Vole vers la victoire ! »
je savais que mon dimanche était mort.
Mon père dormirait tout l’après-midi et je ne pourrais rien faire d’autre que lire.
J’avais tout essayé.
Rien n’y faisait.
Je baissais la radio petit à petit mais dès que le niveau devenait trop faible, il se réveillait en sursaut et disputait tout le monde…
Ma mère remontait le son de la radio et mon père se rendormait...
Depuis ?
Depuis, mon père me manque.
Pas les salopettes ni le sport à la radio, seulement mon père…