samedi, 14 novembre 2020
Syndrome d’étouffement.
Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à avoir une dent contre ma mère.
Je vous en avais déjà parlé, chères psys gratos qui m’accompagnent depuis 2006.
Je dois avouer que vous me consolez.
Ça prouve méchamment, façon « schadenfreude », que le malheur des unes fait le bonheur de l’autre.
Entre celle qui fut abandonnée et qui le jette encore aujourd’hui à la figure de feue sa mère et d’autres qui ont eu à en souffrir le manque, il semble que les femmes embêtées par leur rejeton soient plus nombreuses qu’il n’y paraît.
Cette note de la lumière de mes jours m’a permis de relire l’histoire de Christian qui eut l’heur de ravir le palpitant de la femme de ma vie.
Il est heureux que mon palpitant, endurci par nombre de chagrins d’amour comme il sied à tout garçon des « sixties », ne ressente plus qu’occasionnellement aujourd’hui la crainte de l’abandon.
Comme le souvenir de ce Christian chez Heure-Bleue, reste coincé dans ma cervelle le souvenir d’une petite fille dont je vous ai déjà parlé.
Mais, contrairement à la mère d’Heure-Bleue, à défaut de ressentir le syndrome d’abandon, ma mère m’a fait ressentir le syndrome d’étouffement.
C’est apparu soudain un jour que ma mère vint me chercher à l’école maternelle.
Nous étions comme toujours en rang dans la cour, la maîtresse nous appelant au fur et à mesure de l’arrivée des mères ou des grandes sœurs.
Mon dieu le regard méfiant que maman me jeta en arrivant dans la cour de récréation !
Comme chaque fois que nous étions en rang, Malika me tenait la main.
J’étais si occupé à regarder les yeux bleus de Malika que la maîtresse dut répéter mon nom au moins trois fois avant que je regarde autre chose.
Je crois bien que ce fut la première fois que je vis un sentiment inconnu de moi sur le visage de ma mère.
Elle nous regardait tous à la maison, selon l’humeur, avec amour, agacement, tendresse ou une forte envie de distribuer des taloches.
Mais ce jour de l’école, son regard m’a frappé et reste vissé dans un coin de ma mémoire.
Ces quelques embryons de choses inconnues de moi.
Ces choses que je n’ai su habiller de mots que plus tard.
Il y avait bien sûr la surprise de la découverte d’yeux autres que bruns, d’une joue autre que mate qui me sembla alors si douce que j’eus envie de la toucher du bout des doigts.
Il y eut aussi ce regard bleu et plein de gentillesse posé sur moi.
Un regard étranger s’était posé sur moi qui semblait curieux d’en savoir plus tandis qu’elle serrait ma main dans la sienne.
Et puis il y eut ce regard de ma mère sur Malika.
Je crois bien que c’est la première fois que j’ai vu ma mère regarder quelqu’un comme il arrivait que mes sœurs et moi nous regardions quand l’un de nous estimait indu un supposé avantage accordé à un autre.
Je sais depuis que ça s’appelle « le pincement de la jalousie ».
Plus tard, ce fut tout bêtement infernal, ma mère était persuadée que j’étais pourchassé par des filles à la vertu discutable qui jetaient leurs habits dès qu’elles me voyaient.
Je dois dire à mon grand regret que la réalité était assez éloignée des cauchemars de ma mère.
Jusqu’à sa mort, ma mère fut certaine que je ne pouvais aimer aucune autre femme qu’elle.
Il y eut des jours comme ça, où être abandonné ne me paraissait pas la blessure décrite par Heure-Bleue.
09:55 | Commentaires (7)
vendredi, 13 novembre 2020
57ème devoir de Lakevio du Goût.
Le regard de cette Lydia Délectorskaya m’interpelle, comme on dit chez les psys.
À moins que ce ne soit sa chevelure ou son teint ou son « col Claudine »…
Cette Lydia qui resta une vingtaine d’années devant le regard de Matisse vous inspire-t-elle ?
Lundi j’en saurai sans doute plus sur ce que vous en pensez, si vous en avez tiré une histoire ou si elle vous a simplement rappelé quelque chose ou quelqu’un.
À lundi donc…
07:50 | Commentaires (4)
jeudi, 12 novembre 2020
Bonjour tristesse…
Adrienne m’a lu.
Merci Adrienne, merci beaucoup !
Tu me demandes qui est Michel Droit.
Comment te dire…
C’était un écrivain, évidemment.
Assez connu et manipulant aussi bien la langue française que ses relations pour être élu à l’Académie Française.
Ce qui, hélas pour lui, ne l’a pas rendu plus immortel que le commun des mortels.
C’était aussi un journaliste qui, fort de son ancien statut de Résistant, fut le questionneur préféré de Charles de Gaulle.
Pire, ça ne lui suffit pas.
Il crût bon de s’exprimer à la radio chaque fois qu’un politicien d’importance était rappelé ad patres.
Bon, en réalité, probablement en signe de respect pour l’ancien questionneur de de Gaulle, on le rappela sur les ondes de l’ORTF quand un homme politique mourait.
À cette époque lointaine qu’étaient les années ante XXIème siècle, même important, un homme politique mourait.
Il ne disparaissait pas ni ne nous quittait, il mourait.
Tout simplement.
S’il disparaissait, c’est des bulletins d’information, mais pas si vite que ça, beaucoup moins vite que ne se succédent les « stars » qui ne sont que des étoiles filantes aussi fugitives que fuligineuses…
Bref, Michel Droit a donc meublé les bibliothèques – assez peu -, les pages du Figaro – beaucoup plus - et les ondes de l’ORTF – beaucoup trop -.
Il avait cette particularité regrettable, quand il parlait dans un micro, de rendre tout ce qu’il disait d’une tristesse et d’un ennui profonds.
Je l’ai entendu faire l’apologie du monde « pré-soixante-huitard » comme n’importe quel représentant de la droite la plus rétrograde.
Et, tel Georges Pompidou annonçant la mort de de Gaulle, Michel Droit, qui se la pétait quand même un peu, avait une propension à singer l’élocution d’André Malraux qu’on nous rappelle régulièrement ces temps-ci où, faute d’hommes de réelle valeur, on remplit le Panthéon de femmes et d’hommes dont certains sont morts depuis longtemps…
Tout ça pour te dire que devant un micro, cet homme devenait particulièrement chiant et guérissait illico le jeune homme que j’étais de la moindre idée de devenir conservateur.
Cet expert de la rhétorique réactionnaire m’a ennuyé et beaucoup amusé à l’époque où il moquait ceux de ma génération et nous prenait pour une bande de « jeanfoutres » peu sérieux et semeurs de désordre.
Voilà, Adrienne, ce que je sais de Michel Droit.
Je suis heureux que tu m’aies posé la question sinon mon blog serait resté désespérément vide aujourd’hui.
12:32 | Commentaires (12)
mercredi, 11 novembre 2020
L’amuse-gueule, ma Muse aussi.
Ce matin, j’étais dans le lit, en train de mourir tranquillement d’un crise cardiaque quand j’eus l’idée malencontreuse de me plaindre à haute voix.
La lumière de mes jours, au lieu d’être inquiète a pesté.
Bon, elle n’a pas tort en ce sens que je supporte mal le confinement et plus encore d’être frappé de maux que je n’ai jamais connus.
Bref, je supporte mal le confinement et plus encore de n’avoir plus vingt ans.
Donc, la lumière de mes jours me demande de quoi je souffre.
De crise cardiaque évidemment.
Je vais mourir dans la minute, c’est sûr.
Elle me demande ce que je ressens exactement.
Je le lui décris.
« Tu as une douleur intercostale ! Simplement ! J’en ai souvent et je ne te le dis même pas ! Alors dors Minou !!!! »
Je me suis tourné.
Retourné.
Remis dans l’autre sens.
Puis levé…
J’ai regardé à la fenêtre.
C’est le 11 Novembre.
Le ciel est gris.
Une pluie fine tombe.
Le temps semble s’être mis à l’unisson du pays tout entier qui pleure la disparition du plus illustre de ses citoyens.
Une foule silencieuse se presse au pied de l’immeuble.
Les hommes, le regard baissé pour cacher leur chagrin accompagnent leurs femmes aux yeux pleins de larmes.
Tous sentent déjà le pays partir à vau-l’eau, abandonné par celui qui s’est donné tout entier à la lourde tâche de le guider à travers les écueils de l’histoire de la blogosphère.
Vous ne me trouvez pas extra dans le rôle de Michel Droit, lectrices chéries ?
09:49 | Commentaires (15)
mardi, 10 novembre 2020
Mon dieu quel malheur, d'avoir un mari bricoleur...
Adrienne a parlé ce matin d’un « voisin bricoleur ».
Le voisin bricoleur est une sorte de peste.
Un peu comme la petite sœur d’Heure-Bleue qui, dans une maison ne voit jamais un abri chaleureux et confortable mais un carrelage à laver, un tapis à brosser, des vitres à nettoyer, une cuisine à ranger et dans des chaussures des fauteuses de traces.
Elle brique et range du matin au soir, sans trève ni repos.
Sa maison sera une tombe bien rangée...
Le « voisin bricoleur » ne voit souvent que des étagères à scier, des clous à planter, des chevilles à insérer dans des murs récalcitrants et des trous à percer.
Bref, le « voisin bricoleur » vous pourrit la vie, surtout la vie des dimanches qui n’est déjà pas terrible…
Mais ce « voisin bricoleur » m’a rappelé un autre voisin bricoleur.
De voiture celui-là, un voisin dans l’immeuble de ma jeunesse à la Porte de Clignancourt…
Un des voisins, celui du deuxième étage, avait une épouse plutôt gironde mais à la vertu discutable.
Comme toujours dans ces cas-là, tout le monde le savait sauf lui.
Même moi je le savais car j’avais selon l’expression maternelle « les oreilles qui traînent ».
Ce voisin, Monsieur M. mais le Monsieur M du deuxième, pas celui du troisième avec ses deux filles et son fils, ni le « Monsieur M » patron de James Bond, avait acheté, pour meubler les dimanches de sa famille, une Panhard « Dyna » d’occasion.
D’occasion car dans le quartier, les seuls à pouvoir s’offrir des voitures neuves étaient les boulangers et les voyous.
Cette Dyna donc, si le quartier l’a entendue, je ne suis pas sûr que quelqu’un l’ait vu rouler.
Le « père M. » passait, à peine le printemps arrivé et le soleil revenu, ses dimanches non pas « dans » mais « sous » la voiture.
Il animait le passage de bruits de tapotement, de clefs heurtant le métal, de jurons et de « ssshhhh » quand il s’écorchait une main.
Je le regardais de la fenêtre du quatrième, ses jambes dépassant de la voiture, sortant de sous la voiture en une reptation bizarre qui faisait dire à mon père que ce voisin amusait « s’il faisait ça à la mère M., elle serait drôlement contente… »
Ma mère, qui avait l’oreille extrêmement fine, arrivait d’un pas vif et engueulait mon père car « quand même Lemmy, tu as des enfants ! Des filles en plus ! »
Il n’arrangeait rien en ajoutant « C’est justement parce que j’ai fait des enfants que je sais que la mère M. aimerait bien que… »
Ma mère lui collait une tape sur le bras, haussait les épaules et retournait à son occupation en bougonnant.
Nous, on continuait à regarder « le père M. » bidouiller sa voiture.
Vers cinq heures, ma mère est arrivée et nous nous sommes serrés à la barre d’appui.
« Le père M. » se mettait enfin au volant et tentait de démarrer la « Dyna ».
Devant la mauvaise volonté de ce moteur, il soulevait le capot. Et manipulait avec douceur des pièces inconnues de moi.
La voiture démarrait alors dans un bruit de tôles froissées que je n’ai jamais entendu sortir d’une autre voiture.
Mon père a commencé « tu vois bien que j’avais raison ma poule, la mère M démarrerait comme ça s’il … »
Ma mère l’aurait piétiné. Elle lui redonnait une tape sur le bras, il disait « Aïe ! » pour de faux et ça s’arrangeait.
Au moins pour un temps.
Ce n’est que plus tard que j’ai saisi le sel de ces réflexions.
Il n’empêche qu’il n’avait pas tort.
Si Mr M. s’était préoccupé de sa femme avec le soin qu’il apportait à sa « Dyna », il ne se serait peut-être pas promené avec une paire de cornes qui amusa le quartier pendant des années.
Je me demande si je ne tiens pas de mon père cet « esprit mal tourné » qui agace parfois, si ce n’est souvent, Heure-Bleue...
10:02 | Commentaires (11)