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lundi, 16 juillet 2018

La gare demeure mais ne se rend pas...

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Quand j’ai vu cette fille sur le quai, j’ai cru être revenu dans les années soixante.
On aurait dit ma grande sœur.
Même l’autorail qui arrivait avait l’allure des vieilles « Michelines », ces autorails Michelin qui se traînaient bruyamment.
Je la regarde, cette fille.
Attentivement.
J’ai l’impression qu’elle est hors du temps avec sa robe « sixties » et son cardigan.
Mon dieu qu’elle a l’air sage !
Je suis sûr qu’elle rêve.
Mais à quoi ?
À quoi peut-on rêver sur ce quai ?
Je suis sûr que les rails ne mènent nulle part. Même moi qui me demande ce que je fais là ne sais pas où je vais.
En y réfléchissant un peu, je n’ai aucune preuve de mon existence.
Ce paysage fermé où le regard est rapidement arrêté par les arbres ou de vagues côtes plutôt proches est étroit.
À part cette fille et moi, pas un être animé aux alentours, pas même un oiseau.
L’autorail lui-même semble vide, un train fantôme.
Je n’ai même pas un bouquin pour passer le temps dans cette « Micheline » qui ahane en approchant.
Je cligne des yeux, juste pour vérifier que tout ça existe bien autour de moi.
Mais non, ce n’est pas un rêve. Elle est toujours là.
Tandis que l’autorail s’approche, je me lève et marche vers le bord du quai.
La fille reste immobile, son sac derrière elle. Va-t-elle l’oublier ?
C’est quand même fou cette ressemblance. Je sais bien que c’est impossible, ma grande sœur a maintenant… Bref, ce n’est plus une jeune fille.
Mais quand même…
L’autorail s’arrête, je m'avance vers elles elle qui doit avoir l’habitude puisque la porte est juste là, face à elle.
Je vais vers elle et je demande « Anne ? »
Elle tourne la tête.
Non, c’est une autre jeune fille, une jeune fille inconnue, une qui me regarde avec le même air que celui qu’avait ma sœur dans les années soixante.
Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose.
Ce couillon qui klaxonne me réveille.
Bon, au moins il fait beau ce matin.
Il faut que je fasse le devoir de Lakevio.
Je sens que ça va être comme un boulot du lundi le genre « Rebuté au contrôle en fabrication »…

vendredi, 13 juillet 2018

La verticale de l'été...

Vous avez toutes, lectrices chéries, entendu parler du sens de l’orientation d’Heure-Bleue.
Vous savez donc qu’elle n’a qu’une boussole pour la guider dans Paris.
Vous la jetez n’importe où, elle est perdue.
Mais si, rue de Palestro alors qu’elle réfléchit à la meilleure façon de se tromper elle regarde autour d’elle, elle vous dira rapidement « Ah oui ! Il y a le Monop’ de Réaumur-Sébastopol ! »
En revanche, si on lui dit que non, il n’y a pas d’autres station de bus depuis République, elle soutient mordicus que si, qu’on ne l’a pas vue, etc.
Hier encore, nous revenions de chez le médecin qui nous a dit qu’à part nos « trucs de vieux », nous allions plutôt bien.
Nous avons remonté la rue de Bretagne jusqu’au square du Temple puis justement jusqu’au Monop’ du métro Temple, histoire de donner des frissons à notre banquier.
Nous sommes donc repartis à pied pour prendre le 20 à République, sur le boulevard Saint-Martin.
Las ! Le siège de l’abribus était occupé par un SDF.
Vous connaissez la lumière de mes jours, non seulement elle est bégueule mais sa peau attire irrésistiblement d’autres bestioles que votre serviteur et qui, comme lui, ne pensent qu’à la mordiller.
Effrayée et dégoûtée à l’idée que d’autres que moi goûtassent sa peau diaphane, elle me dit « Minou, on va à la station d’après ? »
Bien entendu, j’acquiesçai sur le champ, bien que « la station d’après » fut d’abord une zone commerciale cosmopolite où le moindre vendeur de montre ou de téléphone vous pousse illico à vérifier que votre montre est toujours à votre poignet et votre smartphone toujours dans votre poche et pas dans la sienne…
Nous avons donc marché.
Puis marché et encore marché.
- Minou on a dû rater un arrêt…
- Non ma Mine, il n’y a pas d’arrêt entre République et le feu là-bas.
- Mais je te dis !
- Non… L’arrêt est là-bas, on le voit, il est juste avant le feu.
- Mais non, on en a raté un, regarde en bas de la rambarde.
- L’arrêt après celui où il y avait le clodo, c’est « Porte Saint Martin »…
Nous sommes donc arrivé « à la station d’après » où deux jeunes filles patientaient.
J’ai demandé à la première :
- S’il vous plaît, mademoiselle…
- Oui ?
- Dites moi, y-a-t-il une station de bus depuis République ? 
- Je ne sais pas, j’arrive juste à Paris…
- Bienvenue à Paris.
J’ai demandé à l’autre jeune fille qui a secoué la tête en disant à la lumière de mes jours « Non, non, il n’y a pas de station entre République et ici. »
Fâchée avec les plans de ligne et le sens de circulation des bus, il m’a fallu expliquer à Heure-Bleue que non, les bus ne prenaient pas les sens interdits à « rebrousse poil » et qu’entre Opéra et République, le 20 prenait les rues du Quatre Septembre et Réaumur dans un sens et les « Grands Boulevards » dans l’autre sens.
Ça nous a occupés jusqu’à  la gare Saint-Lazare…

jeudi, 12 juillet 2018

La peinture sur soi...

Au fait ! Je ne vous ai pas dit, lectrices chéries !
D’enchaînement en digressions mémorielles, il m’est venu un souvenir étrange.
Pourquoi diable me suis-je rappelé que la lumière de mes jours, sur les conseils d’Imaginer, m’avait convaincu d’aller traîner un dimanche matin au « Marché Ornano » parce que d’après Chéri, « celui de la rue du Poteau est très cher ».
Nous y sommes donc allés.
J’ai constaté que les choses n’avaient pas tellement changé depuis mon enfance.
Sauf les prix peut-être.
Le fait aussi que sur le « trottoir d’en face », les étals de commerce de bouche avaient été remplacés par des « barnum » de fripe bas de gamme.
Nous nous étions arrêtés devant maints étals puis, je ne sais pourquoi, devant un bazar.
C’est ce bazar dont je me suis souvenu ce matin.
Je ne sais plus à propos de quoi, Heure-Bleue m’a parlé de « Fête des Mères » dans l’après-midi d’hier.
Et ce matin, en repensant à cette histoire de « Fête des Mères » ce bazar m’est revenu à l’esprit.
Il s’appelle aujourd’hui « Ornano Affaires » mais il existe depuis avant ma naissance, il s’appelait « Bazar Ornano » et vendait des tas de choses.
Ce jour de « Fête des Mères », j’ai traversé le boulevard Ornano en faisant bien attention.
Il n’y avait pas encore de feux rouges et une voiture passait de temps à autre, il fallait donc faire très attention.
J’ai traversé, en tenant très fort les quelques pièces au fond de ma poche.
Je suis resté longtemps devant l’étalage sur le trottoir.
Il y avait un tas de merveilles comme des réveils et des tournevis mais ce n’était pas pour ça que j’étais venu.
Je voulais offrir quelque chose à ma mère.
Un beau cadeau. Pas un truc utile, elle en avait déjà plein, comme des fers à repasser et un moulin à légumes, tout ça.
Alors j’ai regardé, il y avait des caisses pleines de vaisselle de faïence.
J’ai pensé à une cafetière.
Mais c’était grand, donc cher.
Je suis allé vers des choses plus petites et moins chères.
Et là, j’ai vu.
Un petit pot, un broc miniature, tout blanc.
J’étais sûr qu’on pouvait mettre le café dedans.
En plus, ça tombait juste avec les sous que j’avais.
Alors je l’ai acheté. Je l’ai échappé en traversant le boulevard mais il est tombé sur ma chaussure alors il ne s’est pas cassé,  je l’ai essuyé avec ma manche et je suis remonté à la maison.
Je l’ai tendu à ma mère en lui disant « Bonne fête maman, tiens c’est pour mettre du café. »
Elle m’a serré dans ses bras en disant « viens ma chair, viens mon sang ! » alors j’ai été bien embêté mais elle m’a fait un bisou.
Elle a regardé et dit « mais c’est un petit pot à crème ! »
Mais elle a eu l’air content quand même.
Voilà à quoi m’a fait penser ce lien étrange entre la « Fête des Mères » et le marché Ornano.
Mais c’est peut-être parce qu’Imaginer est venue boire un café à la maison mardi et que c’est elle qui nous avait dit de faire le marché là-bas…

mardi, 10 juillet 2018

Vertige de l’amour.


Une lectrice chérie prétendait hier que je ne m’étais pas foulé l’encéphale pour le devoir de Lakevio.Certainement cette histoire de maison de retraite et d’odeur de pipi.
Honnêtement, pour être déjà allé dans des maisons de retraite, sauf celle où mon beau-père avait été placé dans un élan de générosité dicté par l’urgence de la situation, eh bien, l’odeur de pipi est terriblement présente.
Plus présente que le personnel censé s’occuper des prisonniers pensionnaires.
Bon, pour ma mère, je ne sais pas, ma sœur cadette ne m’en a rien dit.
Ma mère y est partie, malgré mon opposition, à la fin du mois de novembre 2004 pour y mourir au début du mois de février suivant, quelques jours avant son quatre-vingt-quatrième anniversaire.
Cette lectrice chérie me disait donc hier qu’elle préférait que je parle d’amour.
Ce matin je peux lui dire que ce n’est pas la peine car la radio en parle à ma place.
Et que me dit la radio à propos de l’amour au lieu de me parler de foot dont je n’ai rien à cirer ?
Eh bien ma radio me dit « C’est bon pour le cœur ! »
Et dire que ce sont censément des experts qui viennent nous expliquer la chose.
Je suis prêt à le parier : Ils n’ont aucune idée de ce qu’est l’amour !
S’ils en avaient la moindre idée, il ne leur serait jamais venu à l’idée de prétendre que c’est bon pour le cœur.
Manifestement, les polys de cardiologie leur ont fait oublier « Tristan et Yseult », « Roméo et Juliette », « Renaud et Armide ».
Sans parler de trichloréthylène…
Non, non, l’amour ne consiste pas uniquement à échanger quelques baisers, boire quelques cafés et s’envoyer en l’air. Pas du tout.
Bon, d’accord, il y a ça aussi « mais pas que ».
Ce sont aussi des heures volées au monde.
Un monde plein d’étrangers dont je suis évidemment persuadé qu’ils ne savent même pas de quoi il s’agit.
Je souris quand même en écrivant ça, on dirait Merveille disant « Ouiiieee vous ne savez pas ! Vous n’avez jamais connu ça ! »
C’est néanmoins un état étrange qui fait qu’un baiser soulage le manque sur l’instant mais assez bizarrement augmente la peine à l’idée de la séparation qui suivra inéluctablement.
Mais si, lectrice chérie, tu sais bien j’en suis sûr.
Tu connais ce coup de poinçon dans le cœur parce qu’un mouvement, une démarche ou l’odeur d’une eau de toilette ou d’un parfum t’a fait penser « Enfin ! Il est là ! ».
Tu as ressenti ça à un moment ou un autre. Puis aussitôt la déception, « Oh non ! Ce n’est pas lui… » alors tu as d’un coup le cœur lourd.
Tu te trouves soudain dans un état de tristesse qui te ferait te cacher sous un porche et tu sentirais presque les larmes te couler sur les joues.
Oui, c’est tout un tas de choses comme ça.
Et ça fait pareil au masculin.
Même si les filles prétendent que « non pas du tout, d’ailleurs les garçons veulent rien qu’à nous sauter. »
Alors que non.
Pas du tout.
Enfin si. Aussi…
Bref, ça va de la patate de deux kilos dans la gorge à la poitrine qui devient trop petite en passant par la pierre de dix kilos dans le ventre.
Sans parler de la sensation épouvantable de crainte, que dis-je, de panique qui fait que tu te liquéfies carrément de l’intérieur  quand l’objet de ton inclination parle à quelqu’un d’autre ou le regarde avec une douceur que tu pensais t’être réservée… 
Ouaip ! L’amour c’est pas si bon pour le cœur en fait.

Peut-être que les cardiologues n’ont pas de cœur.
Il est vrai qu’ils n’ont plus dix-sept ans depuis longtemps alors que moi, s’il n’y avait pas ce genou droit et le miroir de la salle de bains, hein…

lundi, 09 juillet 2018

C’est son souci ? Si son souci c’est ça…

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Déjà, je n’avais pas envie d’y aller.
En plus j’ai oublié mon petit sac avec mon sandwich…
Je me suis trompé, j’ai pris le petit sac avec des saletés du voyage de l’année dernière.
Et puis ces trois heures de car m’ont foutu le bourdon.
Moins d’une heure après le départ, le car sentait déjà le pipi.
Avec la chaleur, ça devenait infernal.
Et ces deux niaises, à l’avant du car, genre mono de colo, qui sautillaient en criant « Allez ! On reprend ! »
Entraînant celles de devant à brailler en chevrotant.
Elles ont bêlé « Avec toi j’ai marché sur les routes qui moooontent. Rhheuuu… Avec toi j’ai aiméééé. ».
Rattrapées en canon par les hommes, deux quintes de toux plus tard, qui ont chevroté faux « Au long des prééééés… Sur la route d’amitiéééé. »
C’est le genre de truc qui me donne envie d’attraper le volant du chauffeur et d’envoyer le car dans le ravin.
Et cette putain de chanson, à croire qu’ils ne connaissaient que celle-là !
Pendant trois heures ! Oui ! Trois heures !
Je t’en foutrais, moi, des « Routes d’amitié »…
J’ai bien tenté de les lancer sur « En revenant de Nantes » ou « Les trois orfèvres ».
Tu parles ! Les femmes ? Un tas de cul-serrés !
Les mecs ? Des dégonflés !
À l’arrivée, j’avais la dalle.
Et pas un seul de ces faux chrétiens pour lâcher une bouchée de pain. Tous des pinces !
Ça te laisserait crever un Syrien pour une bouchée de croissant.
J’ai mordu dans le sandwich de mon voisin.
« Bêêê… » qu’il a fait. En le lui rendant je lui ai jeté un regard qui l’a dissuadé de protester
À peine descendus, une espèce d’obersturmbahnnfürher nous a fait mettre en rang avant de nous permettre d’entrer dans la tente.
Avec un sourire franc comme un billet de trois €, il nous a invité à « rester calme ».
J’ai fouiné dans mon petit sac à la recherche d’un bonbon ou d’un gâteau oublié.
C’est là que je les ai trouvées, elles dataient du dernier « voyage de vieux ».
Dès que je suis arrivé à l’entrée de la tente, je les ai prises dans la main.
Soigneusement parce que c’est quand même fragile, ces petites bulles de verre.
J’ai avancé dans l’allée centrale. Arrivé au milieu de la tente, je les ai laissées glisser par terre et écrasées d’un coup de talon.
Quand ça a commencé à sentir, j’ai hurlé « Ah les salauds ! C’est une chambre à gaz ! Ils veulent nous exterminer ! » et je me suis enfui.
Je suis retourné dans le car pour attendre la suite.
C’est bien, finalement d’avoir retrouvé ces boules puantes…