lundi, 05 décembre 2016
Rayon vieilleries…
Je me demande ce que je suis venu faire là.
« Un bain de soleil ! » disaient ils…
Un bain de soleil ! Quelle idée !
J’ai été patient, j’ai même tenté de faire la conversation.
Je n’ai eu droit qu’à de brefs hochements de tête.
Je me demande s’ils ne pensaient pas que parler allait faire des taches, rendre le hâle irrégulier autour de leur bouche.
Peut-être même pensaient ils qu’ils risquaient de bronzer de la langue…
Même la petite blonde au bout de la rangée en devenait ridicule, le visage tendu vers le soleil, comme si ces quelques centimètres gagnés sur les millions de kilomètres qui la séparaient de l’étoile allaient améliorer son hâle.
D’ailleurs, à regarder sa peau presque diaphane, bientôt brûlée par les rayons, je me suis dit avec un ricanement intérieur : « Elle cuivre rouge »…
Heureusement que j’ai pensé à prendre mon journal.
Honnêtement, face à ce champ, à part bronzer, je ne vois pas trop ce qu’on aurait pu faire.
Si, lire.
Ce que je faisais justement.
07:05 | Commentaires (17)
vendredi, 02 décembre 2016
La position du démissionnaire.
J’ai servi un peu de rillettes.
Les tranches de pain étaient bien fraîches.
Mais si, vous savez bien, quand la mie est très aérée et tendre comme une joue de bébé, quand la croûte est croustillante à souhait.
Le genre de pain que ma mère planquait jusqu’au dîner du lendemain, histoire de préserver nos estomacs.
Donc, je nous ai servis, Heure-Bleue et moi.
Nous avons commencé à papoter car nous avons le droit de parler à table, la télévision ne nous houspille pas.
Puis, le Président de la République est apparu sur l’écran.
L’air un peu égaré du type qui vient de prendre une décision pénible.
On s’attendait même à ce que, comme d’habitude, il se mette à pleuvoir.
Il nous a fait un discours qui a commencé ennuyeux et a fini émouvant.
Comme Sarkozy, qui fut, pour une fois, très digne en annonçant qu’il abandonnait la politique.
François Hollande aussi le fut et, chose rarissime chez un homme politique, alla même jusqu’à reconnaître des erreurs.
Heure-Bleue eut cette conclusion magnifique :
- Ils sont bien meilleurs quand ils s’en vont que quand ils arrivent.
Bref silence, instant de réflexion, puis :
- Finalement, Minou, ils ne devraient que partir…
Elle est quand même chouette, la lumière de mes jours, hein ?
09:07 | Commentaires (16)
jeudi, 01 décembre 2016
Souvenirs variés et d'hiver.
Ça c'est pour Bourlingueuse :
On avait un poêle comme ça, exactement comme celui-la...
Mab, avec ses histoires de peau d’orange sur le poêle de la maison familiale en profite pour poser une question vicelarde : Guérit on jamais de son enfance ?
Eh bien, lectrices chéries, pour mon compte je peux vous dire que non, on ne guérit pas de plein de trucs et surtout pas de son enfance.
Des années plus tard, à lire Mab, ce ne sont ni la chaleur dispensée par le poêle ni l’odeur des peaux d’orange que ma mère mettait dessus pour parfumer la maison qui me revient.
Ce n’étaient pas non plus les échanges qui ne demandaient qu’à tourner en chamaillerie entre « Ma poule » et « Gaby ».
Oui, quand « ça virait vinaigre », ma mère ne disait plus « Lemmy » mais « Gaby ».
C’était courant les matins d’hiver quand il fallait allumer le poêle, donc en retirer les cendres de la veille, refroidies pendant la nuit.
Non, ce qui me revient ce matin, ce sont plutôt quelques incidents d’hiver…
Comme le « Meta » posé en douce sur le poêle pour voir si ça s’enflammait aussi bien qu’avec des allumettes.
Je vous renseigne tout de suite, lectrices chéries : Non, ça ne s’enflamme pas spontanément.
J’ai alors essayé de presser sur le dessus du poêle brûlant avec une cuiller le petit bout de sucre à quoi ressemblait la tablette de Meta.
Ça ne s’est toujours pas enflammé, on ne peut pas en dire autant de ma mère…
Tout ce que j’ai gagné dans cette affaire, c’est une raclée quand ma mère a vu la pièce noyée sous une chute de neige.
Oui, le Meta chauffé très fort se transforme en une neige à l’odeur d’alcool prononcée, emportée vers le plafond par l’air chaud et qui retombe en flocons du plus bel effet.
L’avis de ma mère différait quelque peu, d’où la raclée…
Des années plus tard, la mauvaise maîtrise des processus industriels m’obligea à jeter à la poubelle un 45T dit « EP » quasi neuf.
The Animals venaient de sortir en France « The house of rising sun » qui serait chanté plus tard par Johnny sous le nom de « Les portes du pénitencier ».
Evidemment, ce 45T est arrivé à la maison.
Il fut apporté par une de mes petites sœurs et l’origine de son financement resta mystérieuse…
Il fut posé sans soin aucun sur le coffre placé sous la fenêtre de la grande pièce.
Hélas il ne fut pas posé à plat et il faisait soleil.
La chaleur du soleil au travers de la vitre le déforma.
J’eus l’idée saugrenue de vouloir lui rendre sa planéité originelle.
Mal m’en prit.
Je le remis dans son enveloppe et le posai sur le poêle brûlant, comptant sur la chaleur pour le ramollir un peu et sur la pesanteur pour lui rendre sa planéité.
Distrait par autre chose pour un moment, l’odeur de papier trop chaud me sortit de mes bidouilles.
Je me précipitai, retirai une enveloppe brune de partout du poêle tandis que des filaments de plastique noir collaient au couvercle du poêle et empuantissaient la maison toute entière.
C’était un de ces jeudis où toute la famille aurait gagné à ce que je sois collé pour la matinée, enfermé avenue Trudaine et surveillé par des pions impitoyables…
Il y a des jours, comme aujourd’hui où le froid vous donne des regrets de la chaleur du poêle et de l’odeur de l’écorce d’orange chauffée.
09:00 | Commentaires (15)
mardi, 29 novembre 2016
Monsieur Seuillet.
C’est cette histoire de guerre d’Algérie qui m’a rappelé Monsieur Seuillet.
Alors, lectrices chéries, je vais vous raconter une histoire dont vous n'avez rien à cirer mais tant pis.
Un dimanche, Monsieur Seuillet est venu déjeuner à la maison.
Je me rappelle Monsieur Seuillet comme un monsieur très gentil, avec des lunettes et une toute petite bouche toute serrée.
Il voulait avoir l’air sérieux sûrement…
Ce dimanche là, on a dû tout ranger, même le tiroir de la table de « la grande pièce », sortir le range-couverts, défaire le tiroir pour en retirer des miettes.
Pas une seule capsule, un seul bouchon et de petites clefs à sardines.
Le bouchon devait être celui de « la » bouteille de vin que ma mère achetait pour y ajouter du sucre et une petite fiole de Quintonine et qui durerait toute l’année.
Je ne sais pas pourquoi Monsieur Seuillet venait déjeuner, peut-être parce que mon père devait travailler avec lui.
Ma mère tournait et virait, ne sachant par quoi commencer, distribuant une taloche de temps en temps, appliquant sans le savoir un célèbre proverbe arabe.
C’est vrai, c’était important, on allait devoir tirer les rallonges de la table et mettre dessus la grande nappe blanche.
Il allait même y avoir une bouteille de vin sur la table.
Cette histoire de vin avait mal commencé par :
- Lemmy, tu veux bien aller acheter le vin ?
- Je n’y connais rien en vin, qu’est-ce que je prends ?
- Enfin, Lemmy, tu viens d’un coin où on fait du vin !
- Ma poule, si je ramène du vin d’Algérie, on va tous être saouls comme des Polonais !
- Euh… Tu n’as qu’à prendre une bouteille de « Champlure ».
C’était le vin de cérémonie à la maison.
Mon père est descendu chercher le vin.
En costume. Oui mon père était en costume !
Un costume dont ma mère avait repassé le pantalon à la « patte-mouille » et qui sentait encore vaguement l’ammoniaque qu’elle utilisait pour donner « un coup de jeune » au tissu.
Ma mère a pris la grande nappe avec ma grande sœur et pendant qu’elle la tendait sur la table, elle nous a tous regardé et a rugi « rrhhouuu !!! Le premier qui fait une tache sur la nappe… Je le… Je le… Je le… »
J’ai cru comprendre que si je faisais une tache elle me tuait.
Oui, parce que les taches, dans la famille, c’est plutôt moi…
Après, on a mis la table.
Ma grande sœur a mis les « belles assiettes », celles qui étaient toutes pareilles avec un motif géométrique bleu-marine sur le fond blanc de l’assiette.
Ça nous changeait des assiettes de tous les jours pas toutes pareilles sauf les assiettes creuses qui étaient vaguement blanches.
Nous on a juste mis les fourchettes et ma mère a mis les couteaux.
Pour les verres, on attendrait que Monsieur Seuillet arrive, des fois que.
Ma mère est partie s’habiller dans la chambre, elle a mis une robe bleu-marine, peut-être pour aller avec les assiettes.
On a entendu du bruit dans les escaliers puis on a frappé à la porte.
C’est moi qui suis allé ouvrir.
Il y avait mon père avec une bouteille de vin enveloppée dans du papier de soie et un monsieur et une dame.
La dame était coiffée avec plein de boucles et le monsieur avait un costume.
Tout neuf, le costume, j’en suis sûr.
On nous a fait asseoir à nos places pendant que ma mère plaçait les verres.
Et là, j’ai eu la surprise de ma vie : Mon père s’est mis à table en costume.
Il a même gardé sa veste.
Tout au long du repas, ma mère l’a surveillé.
Pas pour le vin, pour les taches…
08:17 | Commentaires (18)
lundi, 28 novembre 2016
Guère épais...
J’ai descendu les quatre étages.
Le bougnat en bas était déjà ouvert, j’entendais les premiers clients au travers de la porte qui donnait sur l’entrée.
Quand je suis arrivé sur le trottoir, le mur voisin était violemment éclairé par le reflet du soleil dans les vitres de l’immeuble de l’épicier.
Ça faisait plusieurs jours qu’il n’avait pas ouvert sa boutique.
Depuis le jour où je l’avais vu, assis devant sa devanture dévastée par l’explosion, la tête dans les mains et pleurant à gros sanglots.
Ça m’a fait tout bizarre.
C’était la première fois que je voyais pleurer un « vieux ».
Depuis quelque temps, le quartier était réveillé par des explosions.
On disait que c’était « les percepteurs » qui punissaient les « mauvais Français » ou « les traîtres », c’était selon…
Les uns disaient « C’est ceux du FLN, les salauds ».
Les autres disaient « C’est sûr, c’est l’OAS ! Ces factieux ! »
J’hésitais entre prendre le métro et aller à pied.
Le soleil a décidé pour moi.
J’irai à pied.
Ça me fera un ticket de plus dans la pochette de ma « Carte d’identité Familles Nombreuses ».
J’étais sûr qu’il me servirait.
Que peut-être je pourrai le donner à quelqu’un avec qui je prendrai le métro.
Il n’a servi qu’à moi.
07:10 | Commentaires (16)