lundi, 03 octobre 2016
Pour qui sonne le glas...

Nous avions bien fait de partir.
Je ne savais pas encore où j’allais les conduire.
Je savais seulement qu’il fallait aller loin mais je n’avais aucune idée de la distance qui serait suffisante.
Tout ce que je savais c’est que nous disposions d’une petite demi-heure avant l’impact.
C’est ce que j’avais moi-même calculé.
C’était mon job, le calcul des trajectoires.
Persuadé de la supériorité de mon pays, de celle de ses savants, de celle de ses industriels, j’avais toujours calculé les trajectoires dans le même sens.
De « chez nous » vers « chez eux ».
Il ne m’était jamais venu à l’esprit que leurs savants n’étaient pas des imbéciles.
Nous étions tellement forts...
L’idée ne m’avait jamais effleuré que s’ils avaient des voitures et des avions, ils avaient aussi des industriels.
Mais il y avait pire, il n’était venu à l’idée de personne qu’un jour, « chez nous » et « chez eux » on aurait donné les clefs du pouvoir à des fous au même moment.
Alors j’ai accéléré, ne prêtant pas attention aux coups de klaxon, aux froissements de métal.
Il fallait être le plus loin possible.
Plus de cinquante kilomètres de la cible.
La cible, ma ville...
La demi-heure presqu’écoulée, nous sommes descendus de la voiture, j’ai pris la petite dans mes bras.
Sa mère, inquiète me serrait le bras.
Nous avons regardé.
Il y eut cet éclair blanc...
Bon, Lakevio, la prochaine fois, mets nous une toile qui pousse à la gaîté !
Tu nous mets des trucs qui collent le bourdon…
01:00 | Commentaires (14)
samedi, 01 octobre 2016
Funiculì funiculà
Je crois bien que la dernière fois que je suis entré dans la basilique du Sacré-Cœur, j’avais une quinzaine d’années.
Bon, ma visite n’avait rien à voir avec la piété et tout avec le frais que ma petite camarade de 1964 espérait y trouver.
Eh bien, lectrices chéries, j’y ai remis les pieds cinquante-deux ans plus tard !
J’avais concocté pour Merveille un après-midi de tourisme que je lui avais décrit avec moult détails.
Chacun d’eux avais soulevé la vague de « supeeeeer, Papy chéri !!! » qui m’avait conforté dans le programme prévu.
Immédiatement après la sortie de l’école où je suis allé la chercher, je l’emmenai au restaurant qui lui plaisait.
Non, on ne peut pas parler à une enfant qui a faim, j’ai vérifié…
Une fois repue nous sommes partis prendre le train.
Arrivés à Saint-Lazare, elle a déclaré avec un naturel confondant « J’aime bien les immeubles de Paris, ils sont beaux… »
Puis, pendant que nous attendions le bus elle a ajouté « je voudrais bien habiter un immeuble haussmannien par ici… »
J’ai été surpris qu’elle connût le terme « haussmannien » mais bon…
Quand le bus est arrivé, elle a quand même demandé :
- C’était quand Haussmann ?
- La deuxième moitié du XIXème siècle, Merveille.
- Ah ? Comme c’est ancien et beau j’aurais pensé à la Renaissance…
- Ben non, c’est moins vieux que ça, on embellit Paris depuis toujours, Merveille.
On est descendu du 30 à Anvers et on a remonté la rue de Steinkerque.
Merveille ne veut pas habiter rue de Steinkerque, même si elle trouve mon lycée « beau et ancien ».
Elle a préférer commencer par le funiculaire qu’elle n’avait jamais pris.
Arrivés en haut de la butte, je l’ai amenée sur l’esplanade où elle n’a pu retenir :
- Oh que c’est beau Paris, je ne l’ai jamais vu comme ça !
A suivi une longue suite de questions « et ça Papy, c’est quoi ? », Les Invalides Merveille, « et ça ? », Saint Gervais Merveille, etc.
Nous sommes entrés dans la basilique.
Elle a trouvé que c’était grand…
Le Christ en majesté et en mosaïque derrière l’autel ne lui disait rien de spécial sauf qu’il était bien dessiné.
Puis elle a voulu monter en haut du dôme.
HS des éponges, il m’est impossible de gravir les milliards de marches qui y montent et je n’ai plus le teint de pêche et le sourire assez enjôleur pour convaincre un gardien de m’y porter jusqu’en haut alors nous sommes sortis et Merveille a trouvé le jardin « Marcel Bleustein-Blanchet » étonnamment calme « bien plus que ceux de chez moi, Papy ! »
Elle a voulu évidemment habiter un des immeubles charmants du haut de la rue Lamarck…
Nous sommes redescendus à pied jusqu’à la Halle Saint Pierre, havre de paix, de glaces « bio » et de limonade.
Je me suis contenté d’un diabolo fraise.
Ils ont forcé sur le colorant…
Elle s’est choisi un bouquin, « L’horrible danger de la lecture » de Voltaire.
Je n’y suis pour rien.
Elle m’a expliqué pourquoi il lui avait fallu lire deux fois le bouquin de Hawking et pourquoi ça lui avait pris en tout quatre semaine, alors…
Je l’ai ramenée épuisée mais contente.
J’ai oublié mon bouquin et mon smartphone dans le bus.
Ou on me les a fauchés, va savoir.
Et ça m’agace parce que le bouquin est bien et que j’en suis au tiers…
15:33 | Commentaires (12)
vendredi, 30 septembre 2016
Tandis que j’agonise…

De parler de ce qui advenait dans notre quartier Rambuteau avec notre amie, et il y en eut des aventures dans ce quartier, me rappelle quelque chose.
Vous savez, lectrices chéries, que parfois les gens qui cherchent un livre sont peu au fait des goûts de celui à qui il est destiné.
Ils pensent même parfois que des auteurs écrivent des romans exprès pour certaines situations.
Il me revient alors un truc inavouable.
C’était un samedi matin, jour où quand j’étais là je « jouais à la marchande » histoire de me délasser.
Est entrée une dame, bien embêtée, ne sachant quoi choisir.
Je la laisse errer tranquillement devant les étagères.
Ce n’est pas que je m’en fichais, c’est juste de l’égoïsme partagé.
Je déteste être poursuivi par un vendeur qui me suggère deux mille bouquins dont aucun ne me tente.
J’ai supposé qu’il en allait de même pour la dame.
Elle refait le tour devant le présentoir des « poches » puis soupire, à court d’imagination.
Le plus civilement du monde je lui demande :
- Avez-vous une idée ce que vous voulez lire ? Un auteur préféré ? Un style préféré ?
- En fait je cherche un livre, c’est pour offrir.
Un silence puis elle ajoute :
- C’est pour un malade…
Je n’ai même pas soupiré, j’ai si souvent entendu des choses comme « c’est pour un malade » ou « c’est pour un curé » voire « c’est pour un militaire » que ça ne fait guère que libérer mes mauvais instincts.
Et c’est là que tout se joue, lectrices chéries.
J’ose lui demander :
- Et qu’est-ce qu’il a ?
La dame, baissant le ton :
- Un cancer monsieur, un cancer…
J’ai failli lui dire :
- Mars, de Fritz Zorn, ça devait coller…
Si, si, il m’arrive des pensées comme ça, lectrices chéries, je vous jure !
Puis je me suis dit que quand même, c’était un peu raide alors je lui ai trouvé quelque chose propre à remonter le moral, du moins le sien…
07:49 | Commentaires (11)
jeudi, 29 septembre 2016
T’as de beaux cieux, tu sais…
De rien Mab…
Hier on a passé une chouette journée avec un amie.
On a failli partir assez tôt pour arriver à l’heure mais, comme toujours, le même dialogue donne toujours le même résultat.
- Minou, à quelle heure il faut partir ?
Je regarde, je vérifie, je suppute et j’annonce :
- On part à midi, ma Mine.
Comme chaque fois, quelle que soit l’heure de départ, le même scénario se déroule.
- Ma Mine, il faut songer à partir. Il sera midi dans dix minutes.
- D’accord Minou !
Dit la lumière de mes jours sans bouger un cil…
Cinq minutes plus tard je me lève pour boire une dernière mug de thé, prendre mon blouson, mettre mon téléphone dans ma poche, mettre ma montre, prendre le sac poubelle puis je dis à Heure-Bleue :
- Il faut y aller maintenant.
- Mais il n’est pas midi, Minou, il est 11H59 !
- Justement, dans moins d’une minute il faut claquer la porte !
- Bon, trouve moi mes chaussures pendant que je vais faire pipi, s’il te plaît.
Je repose le sac poubelle, je me mets à genoux pour trouver les ballerines qui, poussées sans doute par un farfadet, se sont planquées sous le canapé.
Je reprends le sac poubelle.
La lumière de mes jours se demande s’il faut prendre le coupe vent qui la mettra à l’abri de la pluie mais lui tiendra trop chaud si elle le met et l’encombrera s’il ne pleut pas…
Le voyage fut agréable jusqu’à l’avenue Victoria où nous lâcha le 72.
Oui, j’ai le plan des bus dans la tête.
Nous avons parcouru allègrement le chemin qui nous a mené jusqu’à « L’ébouillanté » ou nous attendait notre amie.
J’ai admiré l’aisance de député de ma moitié pour expliquer que notre quart d’heure de retard était sans aucun doute la faute de la RATP et ses horaires fantaisistes…
Notre copine a même semblé ajouter foi au récit d’Heure-Bleue, c’est dire la qualité de la prestation.
Nous avons tenté les « bricks », censément plat vedette de « L’ébouillanté ».
Le côté « brique » était plus réussi que le côté « brick ».
Ça pèse sur l’estomac fragile d’Heure-Bleue…
Nous avons erré dans ce vieux Paris, parcouru des kilomètres, vu des jardins remplacer des cours pavées.
Nous avons vu des hôtels particuliers que nous avions connus noirs et en ruine et sont devenus des « palais de la République » absolument magnifiques.
Nous nous sommes arrêtés boire un café où la lumière de mes jours a commis une bévue à ne pas reconnaître celle à qui elle a vendu sa librairie.
Nous y avons été rejoints par la fille de notre amie dont les joues ont encore la douceur et la rondeur de l’enfance.
Elle, est devenue en peu de temps une vraie Parisienne.
Elle en a la façon de s’exprimer et même l’accent qui fait semblant d’être une absence d’accent qui ne trompe personne.
Du moins pas un Parisien.
Les ciels de crépuscule étaient magnifiques, on les a regardés tout le long du trajet.
C’était chouette, on est rentré à pas d’heure, comme toujours…
09:51 | Commentaires (13)
lundi, 26 septembre 2016
Le diable et son train...
Tous les jours je passais devant cet immeuble.
Tous les jours je m’arrêtais quelques secondes devant cette fenêtre, curieux de ce qui pouvait sommeiller derrière ce carreau cassé.
Tous les jours je passais par là en allant à la boulangerie.
Tous les jours me venait l’idée qu’il n’y avait plus rien de vivant depuis longtemps derrière ce qui semblait n’être qu’un regard dispensant un peu de lumière à un atelier sombre.
Ce matin, comme tous les matins, je me suis arrêté.
J’ai vu une femme derrière la fenêtre.
Arrivé à la boulangerie, j’ai dit :
- Tiens, il y a quelqu’un dans l’ancienne usine, une femme…
La boulangère a eu une grimace et est partie vers l’arrière boutique.
J’ai demandé :
- Qu’est ce qu’elle a ce matin ?
Une vieille dont j’ai toujours pensé qu’elle était soudée au tabouret près de l’entrée a grommelé :
- Vous lui avez fait peur, il y a une rumeur qui court depuis près de cent ans qui dit que celui qui voit quelqu’un à la fenêtre est proche de sa fin.
J’ai tapoté avec ma pièce sur le bord de la sébile pour demander mon croissant.
La boulangère me l’a tendu.
- Allons, je vais seulement travailler, remettez vous !
Je n’avais jamais cru aux fantômes, je n’allais pas m’y mettre à mon âge.
J’ai regardé ma montre quand j’ai entendu le train et je me suis précipité en face, vers la gare.
Je n’ai pas vu le bus…
08:19 | Commentaires (17)


