mardi, 04 décembre 2012
La poule aux vieux d'or
Cher monsieur Google,
Je vous aime beaucoup, non, en fait je ne vous aime pas, je vous trouve indiscret et envahissant.
J'aurais néanmoins à vous faire part d'une divergence de vue entre vous et moi sur les encarts publicitaires que vous m’adressez et que je lis en cheminant sur le Web en direction de mon blog.
Je n'ai rien contre les propositions (qui ne sont hélas, pas d'ordre sexuel) qui m'enjoignent d'acheter mes livres chez Amazon plutôt que chez le libraire de la rue qui mène à la mairie et qui, périclitant, n'aura jamais les honneurs de votre publicité.
Je n'ai rien non plus contre les offres de CD à prix cassés qui vont achever les derniers disquaires qui agonisent dans notre beau pays.
Bien sûr que j'adorerais aller peaufiner mon mélanome sur les plages enchanteresses que vous me vantez.
En revanche, j'aimerais que vous cessiez de m'expliquer que, pour éviter des frais à la municipalité au cas où je mourrais indigent, je dois ab-so-lu-ment souscrire à une convention obsèques qui me permettra de passer l'arme à gauche en étant en règle avec les pompes funèbres à défaut de l'être avec ma conscience...
Si l’on se fie à ma mine plutôt qu’à l’abord primesautier de mes écrits, on verra que je ne suis certes plus de première jeunesse.
Un peu de tact ne nuirait pourtant pas.
Par exemple, même si ce n’est pas faux, j’aimerais que vous n’insistiez pas lourdement sur le fait que « j’ai fait le plus gros ».
Heure-Bleue chérie a déjà tendance à me jeter à la face, pendant nos moments de dissensions « Toi, tu ne vas pas tarder à lâcher la rampe ! ».
J'aimerais autant qu'elle ne soit pas soutenue par quelqu'un que je paie, de façon indirecte et par voie de publicité non désirée certes, mais que je paie tout de même.
Monsieur Google, vous me donnez l'impression d'être le célèbre « dernier wagon », celui qui fait dérailler le train.
Vous savez bien, celui qu'il suffit de retirer pour que tout aille mieux.
Déjà, les adeptes de la sauvagerie en matière d'assurances remarquent que l'assuré « consomme » autant de soins dans sa dernière année que dans toutes les années précédant cette funeste dernière année.
Les salauds ! On les entend penser comme ceux, hélas plus nombreux chaque jour, qui qui veulent retirer le dernier wagon.
J'aimerais donc que vous ne les confortiez pas dans la voie funeste qui me conduirait directement à la tombe.
Et en me faisant payer d’avance en plus !
Continuez donc à me proposer des livres, des disques, des plages –avec vahinés si possible-, des spectacles – drôles et gratuits si possible-, des voyages –dans des avions en bon état, même si c'est plus cher-.
De grâce, en revanche, ne me proposez plus de couches anti-fuites pour vieux incontinents, ni de cercueils en bois plus ou moins précieux.
Et surtout ne m’envoyez pas au cimetière à peine mon dernier versement encaissé !!!
Merci.
10:30 | Commentaires (9)
lundi, 03 décembre 2012
Le veau d'or est toujours debout
« Le veau d'or est toujours debout, on encense sa puissance ! » comme disait Méphisto dans le Faust de Gounod…
La disparition de J.M.Sylvestre de mon horizon matinal et radiophonique pour cause de retraite avait laissé un grand vide dans ma cuisine.
La nature ayant horreur du vide, sauf celui des discours, elle combla le trou laissé par le chantre de l'ultra-libéralisme en le remplaçant par un chantre du libéralisme féroce. J'ai nommé Dominique Seux, porte parole des « milieux d'affaires et des acteurs économiques » à la radio de service public.
Enfin un homme intéressant cause de temps à autre dans mon poste.
C'est le Maître Vergès de la politique, toujours prêt à enfourcher Rossinante pour défendre l'indéfendable.
Aaahhh... Il faut l'entendre, ce chevalier du compte en banque, ce Don Quichotte des stock-options, ce défenseur de la veuve Cliquot.
Il faut l'entendre pourfendre les ténors de la gôche, toujours prêts à dépouiller le possédant pour en distribuer les avoirs à des hordes de mollassons sans goût du risque ni « esprit d’entreprise ».
Vilipender, parfois à contretemps car notre bouveau boss change souvent d'avis, les projets de loi concoctés par un gouvernement plus exécutant qu'exécutif.
S'il osait, ce qui ne saurait tarder, il accuserait les pauvres d'être à l'origine de la crise financière à cause de leur manque de sous récurrent...
Eh oui ! Défendre l’indéfendable n'est pas toujours si aisé qu’on pense.
Mais il s'y emploie avec un dévouement qui force l'admiration.
J.M.Sylvestre semblait convaincu de ce qu'il racontait et le disait avec sérieux, voire componction.
Lui, même dans mon poste qui ne fait que causer, semble échevelé, livide, au milieu des tempêtes.
Bref, il ne porte pas la parole de la finance, non, il la déclame.
Ce n'est pas un porte-parole, c'est un acteur.
Un sociétaire de la comédie du pouvoir en somme...
10:29 | Commentaires (5)
dimanche, 02 décembre 2012
Léontine.
Elle s’appelle Léontine.
Elle trouva longtemps que ça faisait démodé et préférait alors qu’on l’appelât « Lucette ». A chaque âge sa conception du « in »…
Léontine est née au début de l’année 1925, quasiment une gamine donc, et nous sommes allés hier déjeuner avec elle.
Léontine est une vieille amie et une amie vieille…
Comme ça ne vous étonnera pas, lectrices chéries, averties que vous fûtes par une note précédente, nous sommes arrivés en retard.
Léontine nous attendait depuis une heure au restaurant et avait déjà avalé un cocktail.
Léontine aime les cocktails…
Heure-Bleue l’appelle « Madame P. » et la morigène comme l’enfant gâtée qu’elle est parfois.
Mieux disposé à l’égard des femmes, je l’écoute.
Je vous ai déjà parlé de Léontine, que j’appelle rarement Léontine.
Mais si, rappelez-vous, c’est la dame du deuxième étage, celle qui me raconta ses déboires avec de jeunes voisins du troisième étage au câlin exubérant.
Celle qui me fit leur écrire une missive afin qu’ils cessassent de gâcher son sommeil déjà si parcimonieux.
Celle qui me dit, un matin d’il y a trois ans, tracassée, après avoir « tourné autour du pot » un moment :
- Dis moi, P. – elle me tutoie, j'aime qu'on me prenne encore pour un gamin, c'est toujours ça de pris sur les ans-, mes voisins du dessus, un jeune couple, me réveillent brutalement la nuit en..., comment te dire, en... Eh bien voilà ils font l'amour !
- C’est de leur âge, et que puis-faire pour vous ?
- Eh bien, je voudrais, si tu veux bien, que tu m’écrives un petit mot à glisser dans leur boîte.
Elle continua:
- Mais quelque chose de gentil tu vois, pas une lettre grossière, mais qu'ils comprennent quand même.
- Je vais essayer de vous tourner un poulet qui devrait les éclairer sans les indisposer...
Oui, je cause précieux avec les dames qui pourraient être ma mère.
Léontine, donc, dès notre arrivée, commanda un second cocktail pour accompagner les nôtres.
Nous bûmes nos cocktails et commandâmes nos plats.
Léontine accompagna le sien d’une bière.
Elle la fit suivre du digestif inévitable pour faire glisser le tout.
Mais Léontine, pas encore rassasiée de notre présence nous entraîna chez elle.
Si son estomac était rapidement rassasié, sa soif restait inextinguible.
Elle nous circonvint pour que nous acceptions une flûte de champagne
Le champagne, c’est le péché mignon de Léontine.
Heure Bleue se contenta d’une flûte.
Le Goût, ivrogne à ses heures, en but deux.
Léontine, en veine de confidences qui donnent soif, siffla le reste de la bouteille…
Léontine, femme mince au teint clair, aux yeux bleus et aux cheveux… blancs, affiche une préférence éhontée pour les hommes et me raconte volontiers ses histoires, qui ne sont pas drôles. Les histoires d’une femme mariée à dix-neuf ans avec quelqu’un qui ne la branchait pas…
Elle rencontra plus tard un homme plus vieux qui l'emmena à Paris vivre plus heureuse.
La tristesse aidant, la bouteille se vidant, Léontine nous conta une jeunesse sans enthousiasme.
La bouteille asséchée, nous laissâmes Léontine avec ses souvenirs, certes, mais aussi un sévère « coup dans le nez ».
Comme nous ne sommes pas des brutes et que nous l’aimons, nous l’avons appelée avant même d’être arrivés à la maison.
Histoire d’être sûrs que le champagne n’avait pas été fatal à un col du fémur…
Léontine va bien. Elle semble partie pour nous enterrer tous.
09:36 | Commentaires (10)
samedi, 01 décembre 2012
La thaï au dessus…
Il y a quelque temps je fus invité à déjeuner par un ami qui travaille à La Défense, ce petit coin de la banlieue parisienne qui dégage un PIB par habitant plus de deux fois supérieur à celui de la Grèce.
Le temps étant doux, je l’attendais adossé au garde-fou des escalators du métro, l’œil explorant les environs et, comme toujours, examinant la population.
C’est fou comme l’observation des gens nous renseigne sur le mode de vie des mammifères en automne.
Cette saison est dite « romantique » certes, sauf pour les agriculteurs qui sèment leurs betteraves sur les routes et les automobilistes qui râlent après les agriculteurs, mais elle n’est pas seulement romantique.
Il semblerait que « romantisme » soit la manière délicate de dire « incitation à la perpétuation de l’espèce ». Son autre nom, en somme…
En regardant ces gens sur l’Esplanade qui fait face à ce qui fut le CNIT, j’eus l’œil attiré par un manège intéressant qui me montra pourquoi l’automne est dit « romantique ».
Je promenais mon regard alentour et eus l’attention attirée par une jeune Asiate adossée comme moi à une rambarde.
Je la vis soudain se dégager de son appui, redresser les épaules pour faire saillir ses seins, sourire lèvres serrées et regarder vers un point de l’esplanade qui semblait l’intéresser particulièrement.
Je regardai dans la direction et ne vis rien de particulier si ce n’est un jeune homme qui regardait sa montre.
Lui, levant la tête, l’aperçut, se redressa, rentra le ventre, gonfla la poitrine et allongea le pas.
Comme, se retrouvant, il lui serra la main, j’en déduisis que je venais d’assister à la première scène d’une danse de séduction que je leur souhaitai couronnée de succès.
J’avais donc sous les yeux l’exemple type du comportement du mammifère supérieur en période automnale.
Ce superbe exposé n’était pas, hélas, montré ni expliqué par l’exposition que j’ai vue mercredi dernier.
A croire que toutes les bestioles sont des « Bêtes de sexe » sauf nous.
Bon, il est vrai que les animaux avaient inventé le théâtre érotique depuis des millénaires alors que nous n’en sommes qu’au film porno…
Heureusement, lectrices chéries qu’il existe quelques grands romantiques comme votre serviteur.
De rares exemplaires de l’espèce humaine qui savent vous faire rêver, que dis-je chavirer.
Il reste tout de même vrai qu’il n'est quand même question que de vous amener dans notre lit et que tous les moyens sont bons tant nous sommes affamés de vous.
Je vous le dis, lectrices chéries, la faim justifie les moyens…
09:50 | Commentaires (9)
vendredi, 30 novembre 2012
Poireaux sirop...
Avant-hier, lors de mes courses à Monop’ –vous savez, celles qui devaient nourrir une famille de cinq personnes pendant une semaine, pfff… La hyène !- avant-hier donc, j’ai vu quelque chose qui a fait remonter des souvenirs toujours vivaces.
Je ne sais pas comment sont vos souvenirs, lectrices chéries, mais les miens sont une explosion de couleurs, d’odeurs, de sensations, de bruits, bref, je les revis comme si c’était hier.
Intéressant, sans doute, vous dites-vous, mais où veut-il en venir ?
Eh bien à ça : J’ai vu des bottes de poireaux !
Passionnant, certes, persistez-vous, lectrices chéries. Et alors ?
Eh bien il s’agissait de poireaux minces et tendres.
Je me suis dit « pour ce que je me rappelle, voilà qui devrait vraiment faire plaisir à Heure-Bleue », et j’en ai pris une botte.
Botte de poireaux que j’ai préparés comme je l’avais fait il y a plus de quarante ans.
Car Heure-Bleue, non contente d’avoir péché, en avait récupéré le fruit en étant enceinte, non seulement de mes œuvres comme on dit dans les livres, mais de l’Ours.
Parmi ses envies irrépressibles, généralement modestes, il y avait les poireaux.
Ils étaient engloutis à peine préparés, bien avant l’heure du dîner, par la future maman…
La grand-mère d’aujourd’hui m’a dit « ils ne seront jamais aussi bons que quand j’étais enceinte de l’Ours ».
Je me rappelle surtout que quand elle était enceinte de l’Ours, j’ai dû aussi, envies obligent, aller une fois chercher des cerises.
Des cerises ! Au mois de janvier !
Je n’en avais trouvé qu’à Notre-Dame, nous n’habitions pas très loin.
Des cerises à Notre-Dame au mois de janvier !
Je me demande de temps en temps si on a fini de les payer avant la majorité de l’Ours.
Je n’en suis pas si sûr…
Mais ça fait partie des souvenirs comme celui des invitations de l’époque.
Epoque où Heure-Bleue entretenait Le-Goût –je vous dis que j’étais un gigolo-, dans un pigeonnier de trois pièces en enfilade.
Pigeonnier où, pour dîner à plus de deux, la table était trop petite et les chaises en nombre insuffisant.
Pour dîner avec des amis, nous mettions une nappe sur le plancher et, assis par terre, mangions nos paupiettes accompagnées de spaghetti.
Paupiettes revenues si souvent dans les assiettes car nous étions très minces mais moins que nos finances, qu’aujourd’hui encore il est impossible d’en faire avaler une à Heure-Bleue…
J’ai donc évité les paupiettes et ai pensé aux poireaux.
Qui lui ont, malgré sa remarque, bien plu puisqu’à l’heure du dîner, le saladier était vide.
Comme il y a un peu plus de quarante ans…
06:50 | Commentaires (15)