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lundi, 23 mars 2020

Devoir de Lakevio du Goût N° 31

devoir de Lakevio du Goût_31.jpg

Elle est comme nous.
Elle est à sa fenêtre.
Que souhaite-t-elle ? Que pense-t-elle ?
Dites lundi ce que vous pensez à partir de cette toile de Salvador Dali.

Quelle andouille !
Non mais quelle andouille !
Quelle idée aussi d’aller au bord de la mer !
Ah ça, c’était une riche idée !
Et la suite s’annonce particulièrement pénible.
Nerveusement surtout…
Je n’avais pas eu grand mal à l’intéresser tant elle s’ennuyait.
Que ce soit dans son travail ou dans sa vie.
Triste et étriquée, telle était sa vie.
Entre un travail sans intérêt et un appartement où elle s’ennuyait faute de compagnie, pas même celle d’un chat, sa vie se contentait de s’écouler.
La seule fois où, faute de cantine pour une raison inconnue, elle avait osé entrer dans le café où je prenais mes repas, c’était un de ces vendredis rares où la chaise qui me faisait face était libre.
Elle était entrée, jetant autour d’elle des regards inquiets.
Elle arrêta son regard sur la chaise vide face à moi.
La seule place libre du café en ce midi.
Elle s’y dirigea comme si elle allait au supplice, d’un pas hésitant, apparemment torturée à l’idée de prendre un repas face à un inconnu.
J’inclinai la têt en guise de salut et tendis la main, l’invitant à prendre place face à moi.
Elle s’assit comme uns jeune fille timide, les genoux serrés et les ployant à peine puis, sa chaise rapprochée de la table, elle posa ses petites mains serrées sur la table, de part et d’autre du couvert et fixa son regard sur l’assiette qui lui faisait face.
Je l’avais vue arriver vers ma table de son pas hésitant et l’avais trouvée plutôt quelconque, du moins je n’avais pas été sensible à ce qu’elle présentait d’elle.
Elle me semblait trop brune, trop replète et d’un teint trop proche du mien pour qu’elle m’attirât en aucune façon.
De toute façon, je n’étais là que pour prendre mon déjeuner, pas pour entamer une romance…
Le mastroquet vint jusqu’à nous avec la feuille plastifiée qui faisait office de menu.
Les deux fentes accueillant la bande de bristol représentaient la seule possibilité de variation d’un menu par ailleurs immuable avec sa litanie habituelle des quatre hors-d’œuvre, trois garnitures et « fromage ou dessert »…
La fille n’osa pas bouger, pas un geste pour prendre la feuille.
« Vous allez tout de même manger. » lui dis-je en lui tendant la feuille.
Elle la pris timidement, la lut sans réaction et la reposa sans un mot, seulement un soupir.
- Vous n’avez pas faim ? 
- Si mais…
- Mais ?
- Je ne sais pas quoi prendre, en plus je ne savais pas…
- Quoi donc ?
Elle a chuchoté :
- C’est cher…
- Ne vous en faites pas pour ça, où mangez-vous d’habitude ?
- À la cantine et le soir à la maison mais le soir pas beaucoup…
Nous avons continué à parler à bâtons rompus jusqu’au dessert.
J’appris qu’elle était seule, s’ennuyait et n’était allée en vacances qu’enfant, à la campagne.
Ça, ça m’avait surpris ! Jamais de vacances ! Ça me dépassait.
Sans réfléchir plus qu’un piaf je lui demandai :
- Vous avez déjà vu la mer ?
- Non…
C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés à Trouville, coincés par la directive de confinement pour lutter contre le Covid-19.
Elle, de son côté, déçue de l’expérience, regardait la mer en pensant « Il m’a fait mal ! Depuis le temps que j’en entendais parler, si j’avais su que c’était ça, j’aurais dormi sur la descente de lit. »
Puis, considérant le temps maussade, elle se dit « Pourvu qu’il n’essaie pas de recommencer tout de suite… Pas deux fois le même jour sinon je vais le tuer… Je me demande comment on peut trouver ça agréable, ce truc... »

 

dimanche, 22 mars 2020

Des jours et des vies…

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Ce feuilleton sans fin dont on entend parler et qu’on n’a jamais vu faute d’être là quand il passe sur un téléviseur qu’on ne regarde quasiment jamais.
Si ça continue, ça va être « Le huitième jour », je deviens cinglé.
Déjà, hier, sixième jour on s’est chamaillé.
J’ai eu l’impression d’être marié avec ma belle-sœur.
La veuve.
Celle qui me fait dire que l’idée des Indiens de l’Inde n’est pas si idiote, de coller la veuve sur le bûcher où on crame le mari mort.
Morte ou pas, hop ! Bûcher !
Pourquoi je vous dis ça ?
Pour une bêtise comme d’habitude.
Que je vous dise, lectrices chéries.
Ma belle-sœur ne voit dans une maison que des sols à laver, de la poussière à chasser.
Qui ne voit dans une nappe qu’un tissu à replacer et tendre, dans les rideaux que des pièces de tissu à équilibrer, dans les chaussures que des choses qui laissent des traces sur le carrelage.
Si elle n’était pas encore plus frileuse que moi, elle casserait les carreaux qui, selon elle, sont des réservoirs de traces et de coulures diverses.
Elle a rangé l’herbe du jardin ! Si le temps s’y prêtait, elle le ferait carreler et passerait la serpillère !
Donc, la lumière de mes jours m’a hier fait songer à sa sœur.
Je venais de ranger les assiettes, les couverts, de nettoyer la plaque de cuisson.
En attendant de les laver, j’avais posé la poêle et son couvercle qui avaient servi pour les gésiers de volaille, sur l’embryon de gazinière à deux feux de l’autre côté de l’évier.
L’amour de ma vie arrive et jette un œil suspicieux sur la cuisine.
- Le couvercle de la poêle est sale ! Tu ne l’as pas lavé !
- T’es douée pour être servie, toi… Patronne dans l’âme !
- Tu n’avais pas l’intention de le laver et tu l’as posé sur la poêle !
- Mais la poêle et son couvercle ne sont pas encore lavés, chef !!!
Ai-je crié.
- Ah bon ? Excuse-moi Minou…
A dit la lumière de mes jours d’une voix melliflue…
Et ça, lectrices chéries, c’est rare parce qu’on ne lâche pas l’affaire aussi facilement d’habitude.
Si le confinement dure encore quelques semaines, il va y avoir du sang sur les murs…
On a réussi à tenir pendant… Bref, longtemps… Mais c’est seulement parce qu’il y en avait toujours un ailleurs qu’à sa place.
Si on avait été confiné après la période où on se confine naturellement parce qu’on est vachement occupé à pleins de trucs genre découvertes, nous serions en prison pour trente ans depuis longtemps.
Parce que ça ne date pas d’hier qu’on se chamaille…

samedi, 21 mars 2020

Réclusion, cinquième jour.

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Aujourd’hui nous devons sortir.
Deux jours enfermés, c’est trop.
Bien sûr, nous allons faire attention, comme presque tout le monde.
Nous ne pouvons pas commander un « panier Monop’ » tous les deux jours.
Il est impossible de le composer à notre idée.
C’est un panier « prérempli » comme ceux qu’on trouve chez les pâtissiers pour la fête de Pâques, plein de tas de choses que nous ne pouvons manger ni le jour même ni les jours suivants.
On ne peut pas avoir des repas constitués d’un kilo de tomates, d’un kilo de pommes, de cinq cents grammes de pâtes et cinq cents grammes de riz accompagnés d’un pot de deux cents grammes de crème fraîche et d’un litre de lait tous les jours.
Sans compter le sachet de deux cents grammes de parmesan râpé et le camembert inévitable tout comme le paquet de six rouleaux de papier toilette…
En dix jours nous serions au choix, gras comme des loukoums ou maigres comme des chats errants mais avec des réserves de pâtes et de riz comme chez ma mère lors de l’aventure guerrière de Suez en 1956.
Nous devrons donc sortir.
Je vais en profiter pour observer plus en détail cette plaque de fonte rue Lamarck.
Elle me semble étrange et je suis sûr que ce n’est pas qu’un regard sur l’égout qui court sous la rue.
Non, je la regarde chaque fois que je passe depuis près de trois ans maintenant et je suis sûr qu’elle conduit à un monde étrange et souterrain.
Je pense qu’une nuit j’irai y faire un tour.
Si toutefois j’arrive à me réveiller sans réveiller la lumière de mes jours puis à sortir sans faire de bruit.
Restera le problème de la nécessaire « barre à mine » pour soulever cette plaque, celle qui sert de porte sur un autre monde.
Ce serait finalement une occupation bienvenue, un « Voyage au centre de la Terre » qui me changerait de ce « Voyage autour de ma chambre » pondu par le petit frère de Joseph de Maistre, celui de la rue qui devient la rue des Abbesses après le cimetière de Montmartre.
Je suis sûr que je trouverai des tas de mondes extraordinaires si je me penche un peu sur ce que cache cette plaque de fonte.
D’ailleurs, elle est hors du temps.
Pas comme toutes les autres plaques, celles des rues voisines, que ce soit la petite rue où j’habite ou celle qui passe devant la caserne de pompiers ou encore celle de l’impasse qui mène à des escaliers inconnus que je n’ai jamais empruntés.
Toutes ces plaques portent des noms et des sigles « modernes » comme « Orange », « GDF Engie » ou encore pour les moins récentes « France Telecom ».
La « mienne », celle de la rue Lamarck, est en dehors de l’agitation du monde.
Elle semble plus lourde et plus inamovible que les autres.
Elle porte encore son nom « Pont-A-Mousson », comme celle qui est quasiment tout contre et porte le nom oublié de « CPDE ».
« CPDE » a disparu depuis des lustres, cette « Compagnie Parisienne de Distribution d’Électricité » nationalisée qu’elle fut après guerre…
Mais la grande plaque à côté… Elle… Elle m’ouvrirait un monde étrange, même un monde étranger.
Le « pied » quoi, comme disent les jeunes.
Je vais y réfléchir dès ce soir…

vendredi, 20 mars 2020

31ème devoir de Lakevio du Goût.

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Elle est comme nous.
Elle est à sa fenêtre.
Que souhaite-t-elle ?
Que pense-t-elle ?
Comme nous est-elle confinée, prisonnière, recluse ? 
Dites lundi ce que vous pensez à partir de cette toile de Salvador Dali.

jeudi, 19 mars 2020

C’est le troisième jour de confinement.

C’est le troisième jour de confinement.
Un doute se fait jour…
D’après ce que j’avais lu, la solidité des couples se mesurerait à la durée de leur vie commune.
Je savais bien, pour avoir vu un certain nombre de ces couples que c’était faux.
Combien de couples j’ai vus, constitués de deux ennemis ne restant ensemble que soudés par une détestation mutuelle qui eût rendue vide leur vie si l’un des deux était parti.
Heureusement il en reste qui sont simplement unis.
C’est bien aussi.
Hélas, une information arrivée de Chine un peu après le COVID-19 sème le doute dans un paysage déjà peu idyllique.
Le confinement forcé de villes entières a amené à une constatation fort différente de celle qui survint à New-York à l’été 1977.
Alors que New-York vit neuf mois après la panne qui la plongea dans le noir une explosion des naissances, la Chine voit une explosion des divorces.
Les Chinois étaient tellement occupés à augmenter le PIB…
Les Chinois, dont l’aiguillette fut nouée par le législateur pour limiter à un seul enfant la progéniture du couple se tenaient tranquille.
Les Chinois n’ont donc pas songé un instant à occuper leurs longues journées de confinement au lit, à tenter de faire des bébés.
Le résultat est que, comme le confinement, le mariage prend fin chez eux à un rythme inconnu depuis la fin de « La longue Marche »…
Heure-Bleue et moi, qui sommes comme l’ivrogne et son vélo, chacun incapable de tenir debout sans s’appuyer sur l’autre sommes sortis un bref moment.
Nous sommes allés chercher le pain et quelques courses, nous avons ainsi parcouru environ trois-cent-soixante mètres si j’en crois « Google Maps ».
Ayant erré dans des rayons peu abondants du « mini carrouf » de la place, il appert que le Français se nourrit essentiellement de pâtes et de riz.
Encore un ou deux mois de confinement et les médecins vont constater un taux de cholestérol dans la population tel qu’on ne l’avait plus vu depuis l’Occupation…
Le Français mange des pâtes et du riz à tous les repas.
Le Français ne va pas au restaurant.
Le Français ne va pas au café.
Le Français ne va pas au cinéma.
Le Français ne va pas au concert.
Le Français ne part pas en vacances.
Le Français se demande si ça va durer encore longtemps.
Le Français se demande combien de temps il va tenir dans ces conditions.

Bref, le Français découvre ce que vivent beaucoup de salariés toute leur vie.
Si ça pouvait ouvrir les yeux de ceux qui pensent que tout ça n’est qu’une invention de gauchistes, ou pire, de « partageux »…