lundi, 02 décembre 2019
Devoir de Lakevio du Goût N°18
En regardant cette toile d’Harold Harvey je m’interroge.
À quoi peuvent bien penser ces trois enfants ?
J’ai bien une idée, mais vous ?
Je vous dirai lundi ce qu’ils ont d’après moi à l’esprit…
Maman m’a dit qu’aujourd’hui je suis « chaperon ».
Je ne sais pas ce que c’est mais je crois que ça sert à empêcher les « grands » d’être tranquilles.
Aujourd’hui je dois accompagner Aurore, ma grande sœur, au concours de cerfs-volants.
Elle y va avec son copain Jules et je dois faire « chaperon », comme je vous ai dit.
Alors je les regarde…
Ah ils ont l’air malin tous les deux, à se regarder comme avec des yeux de merlan frit quand ils croient que je ne les vois pas.
Heureusement qu’Aurore est vraiment une grande sœur super gentille sinon je le dirais à Maman, qu’elle regarde un garçon et qu’on voit bien qu’elle à envie de lui faire un bisou.
Mais bon…
Déjà que je m’ennuie !
Il arrive ce cerf-volant ? J’en ai assez d’attendre !
Il devrait s’activer au lieu de regarder ma grande sœur en douce…
S’il croit que ces roses vont ressembler à des fleurs… Franchement…
Mais dépêche-toi Jules !
Si tu « lambines » encore je vais tout de suite dire à Maman que tu as essayé d’embrasser Aurore !
*
***
Jules m’énerve !
Mais il m’énerve !
Il met un temps fou à faire ces roses !
Et moi je reste là, à attendre, ce grand machin de carton et de bois appuyé sur le ventre…
J’attends, j’attends, je n’arrête pas d’attendre.
Bien sûr, je lui avais tant promis qu’on ne serait que tous les deux aujourd’hui.
Il ne devait y avoir que « des grands » de loin en loin, occupés à surveiller leurs cerfs volants, à mesurer la longueur de fil déroulée.
Pendant qu’ils seraient en train de se disputer pour les deux ou trois centimètres de plus ou de moins, j’aurais été tranquillement assise à côté de lui, dans l’herbe.
Je lui aurais dit des choses gentilles, des choses dont je sais qu’il aurait aimé les entendre.
Maman n’aime pas que je me promène avec lui.
Elle dit que « je traîne avec lui » alors que non, on se promène simplement.
Des fois il me donne la main, je le laisse faire, il a la main douce et serre la mienne gentiment.
Elle n’aime pas, alors pour m’embêter elle m’a forcée à emmener mon petit frère.
Elle l’a appelé « mon chaperon chéri » et lui a dit de ne pas me quitter des yeux pendant la fête des cerfs-volants.
Alors je l’ai emmené et il ne fait rien qu’à nous regarder bizarrement.
Je suis sûre que si je souris à Jules il va le dire à Maman…
Pourtant, l’aime bien lui sourire.
Quand je le regarde dans les yeux et que je lui souris, je ne sais pas ce que ça lui fait mais il rougit.
Qu’est-ce qu’il est beau quand il rougit, j’ai envie de lui passer la main sur la joue quand il est comme ça, j’ai même envie de me marier avec lui quand on sera plus grands, comme l’année prochaine par exemple…
*
***
Quand même, Aurore est drôlement belle.
Je « lambine », je « lambine » autant que je peux.
Peut-être que son petit frère ira voir d’autres, des « grands », pour regarder leurs cerfs-volants.
J’en ai marre de ces roses !
Je prends mon temps mais je ne vais bientôt plus avoir de papier.
En plus elle boude, comme si c’était ma faute.
C’est son petit frère, pas le mien.
Quand même, j’ai mis ma casquette, je sais qu’avec « je fais homme »…
Elle me regarde comme si je l’agaçais.
Pourtant, si elle savait comme j’aimerais lui prendre la main et la garder longtemps, longtemps.
Je l’aurais gardée dans la mienne jusqu’à l’heure de rentrer.
Mais là, je ne peux que la regarder en douce en espérant qu’elle comprenne que tout ça n’est pas ma faute, pas notre faute.
Je sais que sa mère ne m’aime pas.
Pourtant si elle savait comme je prendrais soin d’Aurore, elle me laisserait sûrement passer toute ma vie avec elle…
En attendant il faut que je finisse cette dernière rose sinon le concours sera fini et là…
Si on ne l’a pas fait à cause de moi, elle ne voudra peut-être plus que je lui tienne la main.
Avec les filles c’est difficile, on ne sait jamais rien…
06:50 | Commentaires (33)
dimanche, 01 décembre 2019
La jupe.
J’avais pris l’habitude de la voir en pantalon.
Je l’aimais en jupe, je la préférais même.
Mais ça faisait si longtemps qu’elle mettait ces pantalons noirs…
Pour la première fois depuis longtemps elle enfila une paire de collants et mit une jupe.
Ce jour là j’étais allé avec elle chercher quelques bouquins avant de rejoindre celle avec qui nous avions rendez-vous.
Nous avions trouvé deux livres.
Un polar de cet auteur fort comme Hemingway, poète comme Longfellow ou mieux, comme Keats.
Un de ces types qu’on lit, surpris puis charmé par la vision « de biais » qu’il nous donne du monde.
Un monde où on picole, on sniffe, on se bat et où malgré tout on est ébloui par la beauté et la sauvagerie du monde.
Un monde où on vit, en somme.
Elle a regardé la quatrième de couverture puis pris le livre et nous sommes partis après que je l’eus payé avec une remise.
Je l’ai payé parce que j’avais la carte, celle qui donne droit à une remise, pas parce que j’étais « l’Homme ».
Simplement parce que « pas de carte, pas de remise ».
Depuis longtemps nous procédions de la sorte.
Puis nous sommes allés à ce rendez-vous.
Ce fut agréable. L’après-midi finissant nous poussa à rentrer.
J’étais heureux qu’elle me donne le bras car j’avais froid.
Elle semblait heureuse comme chaque fois qu’il fait froid.
Je me demande parfois si elle n’est heureuse chaque fois que j’ai froid…
C’est quand elle est montée dans le bus que j’ai vu quelque chose que je n’avais vu depuis un moment à l’extérieur.
Un éclat de clarté au moment où elle a levé la jambe pour mettre le pied sur le marchepied du bus.
Alors que je la connaissais depuis longtemps je fus frappé par quelque chose qui m’était sorti de l’esprit.
C’est là que je me suis aperçu que je perdais énormément depuis longtemps à ne la voir qu’en pantalon.
Pour la première fois depuis au moins trois si ce n’est quatre ans, elle portait une jupe.
Cette jupe noire qui lui allait si bien.
Quand nous sommes arrivés, elle est allée dans la chambre et je restai dans le salon.
Un moment je l’ai entendue dire « ce n’est pas si facile à retirer ces collants… »
Je me suis alors approché de la chambre.
Arrivé à la porte, je l’ai vue.
Je l’ai alors admirée assise, la jupe remontée au dessus des genoux, penchée sur le pied qu’elle avait posé sur le genou opposé et dévoilant la peau claire de ses jambes jusqu’à ce point que la jupe masque de telle sorte qu’elle semblait encore plus déshabillée que si elle l’avait retirée.
Je me suis dit que c’était sans aucun doute le spectacle le plus délicieux qu’il m’ait été donné de voir.
Alors je n’ai rien dit.
Il y a des instants comme ça, où la jeunesse vous revient et où la beauté des choses vous saisit.
J’ai seulement admiré un moment et suis reparti, les yeux et l’esprit plein de rêves…
08:47 | Commentaires (5)
vendredi, 29 novembre 2019
18ème devoir de Lakevio du Goût
20:00 | Commentaires (8)
Je suis si mal armé pour répondre...
Ah… Lectrices chéries, je crains hélas qu’on ne me lise parfois mal.
J’avais quelquefois écrit que la poésie est un art difficile.
Je le sais bien car j’ai imprudemment dans mon jeune âge commis quelques poèmes. J’ai eu la prudence de me relire, ce qui, à défaut d’éviter la honte a au moins évité qu’elle ne me frappe publiquement.
Cela dit, j’ai aussi écrit à ce propos et pas plus tard qu’il ya peu et je me demande même si ce n’est pas récemment « Mallarmé est quelqu’un qui n’est pas incompréhensible, il est seulement obscur et il faut beaucoup l’éclairer pour saisir mais surtout ressentir quelque chose à sa lecture… »
« Saisir »… « Ressentir »…
Sauf si vous êtes professeur de lettres, tout est là.
S’il s’agissait de disserter pour déduire de « La négresse » qu’il ne s’agit que d’une « minette » en mots choisis et s’étaler complaisamment sur les termes employés et ceux qu’on peut y substituer ou de la lecture de « Les fenêtres » que la mort y rôde et que le pessimisme et la désespérance y suintent de chaque vers, tout ça réduirait salement l’intérêt de la poésie.
Réclamer l’explication d’une sensation d’un point de vue didactique me fait penser à quelques discussions que j’ai eues avec des stagiaires.
Curieux de beaucoup de choses sauf du fond du problème, s’intéressant à la technique de l’application d’un principe plutôt qu’à l’appréhension et la compréhension du principe lui-même.
Les amener à la compréhension du principe, ce qui amène à l’élaboration des techniques qui permettront de l’utiliser ne nécessite pas tant d’explications que de poser les questions qui vont amener à comprendre.
Quand votre stagiaire donne la réponse adéquate, vous savez qu’il a compris et qu’il tirera tout le profit possible de ce qu’il a appris pour décrocher sa « peau d’âne ».
Que Mallarmé ait eu une connaissance des techniques de versification ne fait de doute pour personne l’ayant lu.
Que Mallarmé regarde et soit sensible à des éclats, de lumière ou de peau, ne saute pas aux yeux à la première lecture.
Mais lisez le, ayez « l’esprit mal tourné » - mais non, pas que « ça »- regardez autrement, vous verrez, ce n’est pas si obscur que vous le pensez.
Si Lamartine n’avait voulu parler que de vaguelettes sur un plan d’eau et de quelques sportifs, il se serait réincarné dans la peau d’un journaliste de « L’Équipe ».
Que voulez vous dire d’un poème de Rimbaud comme « Rêvé pour l’hiver » ?
À part le lire puis le rêver puis le vivre, vous voyez quoi ?
Théophile Gautier parle de montagne dans « La petite fleur rose » et son langage n’est pas plus explicite que celui de Mallarmé dans « Billet à Whistler ».
Et je suis sûr que vous ne pensez pas à l’alpinisme en le lisant pas plus qu’à de l’habillement en lisant ce « Billet à Whistler ».
Et ces petites merveilles de l’écriture ne seraient que des occasions de « disserte » ?
En parler avec quelqu’un qui vous pousse à avoir des arrière-pensées, je conçois.
En tirer un devoir qui fera ou mieux sourire un prof de lettre, je veux bien.
Mais surtout les lire et les suçoter comme un bonbon délicieux, quand on en trouve un sur son chemin.
À moins, évidemment qu’il ne s’agît d’une boutade…
10:38 | Commentaires (9)
mercredi, 27 novembre 2019
Love story…
Le matin, je fais habituellement quelques petites choses.
Certaines cessèrent un moment, reléguées par la bidouille que j’étais chargé de concevoir pour cet ami avec qui je ne suis jamais d’accord puis je m’y suis remis.
Que je vous dise, lectrices chéries.
Sur l’enceinte acoustique située à la droite de la petite table où je m’installe pour prendre de vos nouvelles, il y a depuis longtemps deux bouquins.
- « Aphorismes » d’Oscar Wilde
- « Poésies » de Stéphane Mallarmé
Chaque matin je lis donc, selon l’humeur, quelques aphorismes de l’un ou quelques poèmes de l’autre.
Je relis certains de ces poèmes plusieurs matins de suite avec la joie qu’on devine quand je pense enfin en avoir saisi l’essence.
Mallarmé est quelqu’un qui n’est pas incompréhensible, il est seulement obscur et il faut beaucoup l’éclairer pour saisir mais surtout ressentir quelque chose à sa lecture…
Oscar Wilde est beaucoup plus drôle mais pas tant que ça à y regarder de près.
Son œil d’aigle pour les faiblesses et l’hypocrisie du genre humain a quelque chose de revigorant pour l’âme ensommeillée…
Je passai donc chaque matin un moment calme et rêveur à lire ces deux personnages quand un jour, avec la lumière de mes jours où nous passions galerie Vivienne, ce passage qui mène de la rue Vivienne à la rue des Petits Champs, je me suis arrêté, comme chaque fois devant la magnifique librairie Jousseaume.
J’y acquis une œuvre étrange.
Le titre certes m’avait « tiré l’œil » mais le sous-titre encore plus.
Le titre « La femme et l’amour » me faisait supputer une œuvre, à la couleur passée de l’ouvrage, pleine de la vision romanesque d’une époque qui pouvait être intéressante.
Le sous-titre « Étude médicale et morale » m’en fit entrevoir quant à lui une vision nettement plus, si ce n’est rigoureuse, du moins rigoriste.
En sa qualité de médecin, l’auteur me fit penser que c’était peut-être plus sérieux que je l’imaginais.
La minceur de l’ouvrage et la modicité de son prix me poussa à l’acquérir sur le champ.
Je fis bien.
J’avais évidemment entendu beaucoup d’âneries sur le sujet et lu beaucoup de bêtises sur l’idée que l’homme se fait de celle qui est normalement sa compagne et pas une esclave ou une bête de somme supplémentaire.
Sans parler de droit au respect et de droits tout court qui devraient être le résultat minimal de toute éducation.
Il est donc question dans cet ouvrage d’amour et des réactions biologiques qu’il entraîne sur la moitié de l’humanité selon cet exemplaire de l’autre moitié.
Alors que la littérature médicale sur le sujet regorge de bibliothèques entières de tomes épais comme l’humour de Canteloup, le bon docteur Grémillon estime qu’un fascicule d’une soixantaine de pages est bien suffisant pour traiter le sujet…
Pour l’avoir lu, je vous confirme lectrices chéries, que ce bouquin mérite une lecture faite avec un certain recul.
La page de garde aurait dû m’alerter qui porte la mention :
10:55 | Commentaires (9)