vendredi, 28 juillet 2023
Quand le droit est tordu...
Nous avions déjà vu qu’à Saint Lazare ont été installés il y a quelques années des portillons en grand nombre, comme ceux du métro.
Quelqu’un pourtant aurait dû se rendre compte, le dernier portillon installé, que le débit nécessaire ne serait jamais atteint…
« Lire » un ticket ou un badge prend quelques centaines de millisecondes, l’ouverture des portes vitrées plus d’une seconde –si on ne veut pas les casser trois fois par jour-.
Plus de deux secondes par passager !
Sans parler de l’erreur de lecture du badge qui oblige à le reposer sur le portillon ou à passer au portillon voisin.
Un million de passagers par jour empruntent la gare Saint Lazare en trois phases d’affluence de deux heures et il n’y a pas cinquante portillons, faites le calcul…
C’est pour ça que le cahier des charges à respecter pour la RATP et d’autres réseaux de transports publics étrangers exigeait un débit de plus d’un passager par seconde.
Ces portillons sont en service et évidemment n’empêchent pas les « grugeurs » de passer.
Pour éviter sans doute l’embauche de contrôleurs et céder à l’illusion de supprimer une fraude que l’on estime à 0.9% du chiffre d’affaires de la SNCF, de brillants esprits ont « pensé » qu’engorger la principale voie d’accès au quart ouest de Paris était la solution.
Sans parler du résultat prévisible en cas de panique.
Tout ça pour gauler quelques centaines de SDF majoritairement insolvables et qui seront relâchés sans suite par le contrôleur qui sait bien qu’ils vont coûter plus cher en frais de justice que le prix du billet ou encore quelques milliers de gamins qui vont du collège à leur banlieue et ont gratté les sous du passe Navigo.
L’idée de juger comme le bon dieu, juste mais impitoyable, a sûrement présidé à cette décision pour le moins idiote.
Sans doute comme ces ingénieurs à courte vue — il y en a j'en connais... - qui seraient prêts à interdire l’existence des forces de frottement si nuisibles au fonctionnement des mécanismes sans jamais se demander comment tiendrait alors leur pantalon ou comment seraient serrés les écrous sans ces forces…
Mettre les principes au-dessus de tout, est plus souvent la preuve qu’un politicien a décidé que tous ces voyous qui prennent le train sans payer doivent être refoulés ou emprisonnés.
Oubliant avec aisance qu’eux-mêmes ne paient ni le train ni aucun moyen de transport.
Le contribuable est là pour ça, non ?
Condamner un pauvre hère qui a volé un pain semble toujours les satisfaire.
C’est surtout que ça leur évite de se poser la question de savoir pourquoi ce pauvre hère était si pauvre…
C’est tout l’art de donner une réponse idéologique qui coûte des millions d’€uros à un problème qu’on pense économique pour éviter de trouver une réponse politique à un problème social qui ne coûterait vraisemblablement pas plus cher.
Vieille habitude de politiciens si moralistes dans leurs discours et si peu moraux dans leurs actes...
09:59 | Commentaires (8)
jeudi, 27 juillet 2023
Un souvenir comme ça…
Je suis arrivé tôt et je suis entré chez ma mère.
Je me suis préparé un café et j’ai pris « Mots fléchés, mots croisés, mots cachés » sur la table.
Mon dieu, quelle table…
Un bordel incommensurable car tout devait être à portée de sa main.
Et elle était petite, alors ça faisait des tas.
Elle m’a entendu et est arrivée, commençant ce que j’avais entendu dix mille fois sans y prêter attention.
« Eh bien… Au bateau… »
Aïe, la journée commence mal.
- Oui maman ?
- Au bateau…
- Oui, au bateau…
- Quoi « au bateau » ?
- Je ne sais plus… Ah si, maman disait…
- Oui…
- Je ne sais plus, mais on était bien.
- Tu veux du café, maman ?
- Oui mon fils, toi tu le fais bien.
- …
- Il n’y a plus que toi qui sais le faire, les autres…
- Bon, je vais faire du café.
- N’oublie pas la petite couche de chicoré dans le fond du filtre parce que...
- Je sais maman !!!
Je reviens avec le café.
Elle se sert, met au moins cinq cuillers de sucre, on dirait moi quand j’avais douze ans et que je revenais du lycée.
Et elle recommence.
- Au bateau…
Je soupire.
Elle prend son recueil de « mots fléchés » et quelque chose attire mon attention.
- Passe moi tes « mots fléchés » maman.
Regard noir de ma mère.
Je soupire et dis « S’il te plaît ».
Là elle sourit. Enfin.
Je regarde et je suis effrayé.
- Tu as vu ce que tu as écrit, maman ?
- Oh tu sais, quand ton père est mort, je me suis assise là…
- Oui, mais tu as v…
- J’ai regardé le mur et j’ai attendu la mort.
- Bon, tu es là et tu as vu comment tu as fait ces « mots fléchés » ?
- Je m’en fous, j’ai attendu la mort pendant six mois…
La mort est venue dix-sept ans plus tard.
Pendant ce temps là, nous avons entendu « au bateau... » et nous n’avons pas vu que ma mère avait perdu les pédales.
13:52 | Commentaires (10)
mercredi, 26 juillet 2023
La disparition…
Belle image de ces dernières années, non ?
Elle m’est inspirée par la note d’Adrienne.
Au hasard de mes lectures, j’ai appris qu’une petite ville côtière écossaise était tombée dans une dèche sévère.
Elle vivait de la pêche de crevettes et bouquets, les décortiquait, les emballait, en faisait des conserves et les distribuait dans le pays, voire les exportait.
Un économiste spécialiste du marché du crustacé plus que des dégâts de son métier s’avisa que le seul avantage de ce coin de l’Écosse était que ces crevettes y avaient élu domicile au lieu de sagement choisir de vivre dans les eaux bangladaises ou vietnamiennes.
En effet, si pêcher ces crevettes et bouquets était indispensable, les ouvriers chargés de décortiquer, et préparer ces bestioles représentait un coût qu’il fallait évidemment réduire.
Las, le côté « local » de la marque séduisant le client au penchant écologiste, client à ne pas négliger car « un sou est un sou », l’empêcha de délocaliser la totalité du travail nécessaire à la vente des bestioles.
Il eut donc une idée géniale et en convainquit l’industriel et les pêcheurs du coin.
Il fut donc décidé de les envoyer pêcher les crevettes avec des bateaux plus gros, d’en charger des bateaux encore plus gros et d’envoyer le tout au Vietnam.
Là, de petites mains vietnamiennes, appartenant à des entreprises vietnamiennes débarrassées de ces coûts superfétatoires que sont les cotisations retraite, les assurances santé, le droit du travail ou pire encore les syndicats, décortiquèrent les crevettes et les renvoyèrent en Écosse pour être enfin emballées et vendues.
Elles étaient évidemment vendues un peu plus chères, car il n’était pas question de faire cadeau au client des menus frais de transports causés par un aller-retour de la moitié de la planète.
Globalement, tout compris, l’actionnaire de la crevette est satisfait car le prix de revient de la crevette rendue dans l’assiette est plus bas donc la marge plus élévée.
On ignorera délibérément tous ces coûts cachés que sont la destruction des familles abîmées par le chômage, la dispersion des habitants pour cause de disparition des entreprises, la mort des villages écossais alentour, la paupérisation du coin.
Enfin ! Voyons ! Pensons à Mr Schumpeter et sa « destruction créatrice », qui n’enrichit pas ceux qui font désormais le travail, appauvrit ceux qui le faisaient auparavant et concourt activement au bien-être des fabricants de containers.
« Après tout », dit l’économiste, « on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs ! »
qui ajouta in petto « du moment que je ne suis pas l’œuf… »
08:46 | Commentaires (8)
mardi, 25 juillet 2023
Le magicien dose.
Oui, je sais…
Il y a peu, un commentaire de Fauvetta, cette lectrice chérie qui a de si beaux yeux verts, m’a « titillé la comprenette ».
Croire que le pathos est systématiquement à proscrire au profit du logos est une erreur du même type que proscrire quasi systématiquement le social au profit de l’économie...
Et toujours avec le même type d’explication «si l’économie ne va pas, on ne peut pas faire de social».
C’est l’illusion permanente que seule la raison doit présider à nos choix.
Ce type de raison qui fait que si on réfléchit aux causes qui font soudain courir les gazelles, la gazelle qui réfléchit se retrouve avec quatre crocs plantés dans la gorge...
C’est grâce au logos qu’on est allé sur la Lune mais on n’aurait pas dû oublier que c’est grâce au pathos qu’on a rêvé à aller sur la Lune et que l’espèce ne s’est pas éteinte parce qu’on a rêvé à des choses étranges et irrationnelles.
L’amour par exemple...
On aurait évité de faire en sorte que le profit ne devienne le moteur de nos actions et nous transforme en une espèce insatiable.
Nous aurions probablement abandonné l’idée de faire le premier enfant.
D’autant que depuis, à part s’entretuer « en un combat douteux » on a juste salopé notre monde.
Si le logos avait vraiment pris le dessus sur le pathos, nous aurions réfléchi aux conséquences de tous nos comportements et nos actes.
On était pourtant prévenu car, si l’on en croit la Bible, dès qu’ils furent deux, la première bavure répertoriée fut que l’un tua l’autre…
10:21 | Commentaires (4)
lundi, 24 juillet 2023
Il y a des jours comme ça…
Tout était presque parfait.
Je n’avais pas oublié de lui souhaiter son anniversaire dès le matin.
À peine ses yeux clairs ouverts, clairs au point d’éclairer le plafond de la chambre, je l’avais embrassée.
Je lui avais dit « Bon anniversaire, lumière de mes jours ».
Je m’étais levé, lui avais préparé son petit déjeuner.
Elle m’a dit « Tu sais quoi ? J’ai envie d’une « tropézienne », une de Cyril Lignac », excusez du peu.
Mais bon, c’était son anniversaire alors ma toilette faite, j’avais pris le bus pour aller lui chercher la « tropézienne » dont elle avait envie.
Arrivé rue Bayen, près de la place des Ternes, j’ai remonté la rue qui était d’un calme rare.
Je suis arrivé à la pâtisserie que Mr Lignac y avait ouverte.
Il y avait déjà une queue qui rappelait une boucherie moscovite en 1961.
J’ai attendu en regardant le présentoir plein de trucs qui sentaient le diabète de type II rien qu’à les regarder.
Quand mon tour est enfin arrivé, la charmante dame m’a d’entrée prévenu qu’il n’y avait plus de « tropézienne » depuis deux heures…
Alors je suis revenu à la maison car la lumière de mes jours n’aime pas les tartelettes aux fruits, les seules qui restaient.
J’ai donc repris le bus.
J’ai proposé de lui faire une tarte aux pommes, une « tarte fine » comme elle les aime.
J’ai ouvert la pâte feuilletée livrée dans la semaine.
Las… Elle était vraiment périmée au point de ne pas sentir du tout le beurre ni la pâte feuilletée.
Alors je suis descendu acheter une pâte feuilletée.
J’ai épluché et découpé les pommes qui promettaient d’être délicieuses, fondantes et tout.
J’ai légèrement saupoudré de sucre la tarte, puis y ai mis les quelques noisettes de beurre qui en assurent le côté doux nécessaire.
Je l’ai enfournée dans le four, réglé à 180°C, décidé à la surveiller pendant les vingt à trente minutes nécessaires.
Je suis allé chercher sur le Net un renseignement sur un détail sans importance.
Je me suis arrêté à la lecture des commentaires chez les uns et les autres.
J’ai été sorti de ma recherche par l’odeur de pâte « un peu trop cuite ».
Je me suis précipité, me suis rappelé que je n’avais jamais utilisé la minuterie du four qui, de toute façon fait ce qu’il veut.
Le résultat est l’illustration parfaite de « Il y a des jours comme ça… »
11:25 | Commentaires (9)