mercredi, 24 février 2016
Vingt ans, le bêlage…
J’ai fini mon bouquin.
Pas « Paris est une fête » qui m’avait plu mais sans plus.
Je me rappelais trop bien le film de Woody Allen et puis l’ennui m’avait saisi quand Hemingway rencontra Fitzgerald et j’avais dû me forcer pour reprendre mais avec intérêt quand l’épisode qui traitait de la rencontre avec Fitzgerald prit fin.
J’ai repris « Dans le café de la jeunesse perdue » que j’avais abandonné en cours quand Modiano m’avait embarqué pour son voyage dans le IXème arrondissement.
Un moment, ce fut trop et avant de me noyer dans mes propres souvenirs, j’avais posé mon livre.
Je l’ai repris il y a peu et je l’ai terminé il y a encore moins.
Évidemment, il a fallu qu’il me parle du quartier Argentine.
Plus précisément de la rue d’Argentine et là m’est revenu quelque chose.
Oui, si vous lisez Modiano, à moi il parle.
C’est comme ça, vous n’aviez qu’à vivre là où il voyage...
Je vous ai déjà parlé, lectrices chéries, de ma façon de gagner un peu de sous en vendant des chaînes haute-fidélité pendant les vacances scolaires ?
Eh bien j’ai fait ça aussi dans ce quartier et j’avais dix huit ans.
La porte Maillot ne ressemblait pas du tout alors à ce à qu’elle est aujourd’hui.
Pas plus le Palais des Congrès, le Concorde Lafayette que de Méridien n’existaient.
Ni ce tas d’immeubles qui remplacent les immeubles au crépi noir.
Tous les petits restaurants du quartier ont été remplacés par des cafés hors de prix.
Modiano m’a ramené par là.
Dans ces rues que je connais depuis longtemps.
Ça m’a même rappelé quelqu’un dont je vous ai déjà parlé.
Mais si, rappelez vous, cette D. L., aux yeux si bleus et qui m’a reproché plus tard d’avoir été un imbécile aveugle.
C’est elle dont mon père avait dit « Elle est mignonne celle là mais elle est foutue comme une église… » et, à voir mon air surpris, ajouta « Ben oui, elle a les seins à l’intérieur… ».
Elle louait une chambre de bonne rue Pergolèse.
Comme je ne fumais pas encore, les six étages ne posaient aucun problème.
Bref, Modiano m’a entraîné dans des cafés où j’ai bu du café et déjeuné.
Dans des rues où j’ai traîné.
Me revient une de mes plus belles hontes, et dieu sait que j’en ai connu.
Les restaurants de l’époque voyaient les clients discuter d’une table à l’autre sans souci de préséance et l’ambiance y était souvent détendue.
On avait le droit d’y fumer quand on était fumeur, de boire quand on était buveur et tout le monde se foutait de son cholestérol, de ses triglycérides et d’éponges encore jeunes.
Donc, cette honte…
Parmi ces « gasthaus » du boulevard Pereire, un était tenu par des dames dont la plupart des clients savait qu’elles avaient gagné leur établissement en arpentant les trottoirs des avenues voisines et les allées du Bois de Boulogne.
Un midi d’été, j’y déjeunais avec les gens de la boutique et le « p’tit jeune » que j’étais écoutait la conversation qui roula sur les performances plumardières de ces quarantenaires.
Ce qui me plaisait dans cette affaire n’était pas tant leurs aventures –j’avais les miennes- que le fait de gagner autre chose que de l’argent de poche.
Ça avait l’aire de faciliter quand même les choses, même si l’intérêt de sortir avec des « vieilles » m’échappait alors.
Une des « dames » écouta un moment en déposant les assiettes et lâcha « pas de doute, faut de l’expérience, c’est mieux… »
Au lieu de me taire je dis mezzo voce à mon voisin ce truc maintes fois entendu « c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe ».
Hélas, pas assez mezzo voce et la « dame » avait l’oreille fine qui me dit avec le niveau d’une corne de brume « Ouais ! Mais pas avec des carottes nouvelles, gamin ! »
Mon teint ne se prête pas à ça mais je vous assure, lectrices chéries, que j’ai rougi jusqu’à la racine des cheveux...
14:58 | Commentaires (16)
lundi, 22 février 2016
« L’amour de moy, s’y est enclose… »
Dans mon souvenir, ce jardin de roses trémières était mieux clos.
J’aimais mieux le vieux nom de ces fleurs, « passerose », ça faisait plus… Enfin mieux…
Ça collait parfaitement au mois de mai.
Ce n’était pas à proprement parler un jardin de roses trémières mais une palissade vaguement protégée par leurs longues tiges.
Je passais souvent devant ces marches et me suis longtemps demandé où elles pouvaient conduire.
En regardant entre les planches disjointes de la palissade je n’avais jamais fait qu’entrevoir un terrain vague plein d’herbes folles, quelques buissons et un ou deux arbres.
Le mois de mai et ces roses trémières fraîchement écloses donnaient à ce coin les allures d’un tableau de Berthe Morisot.
Je le savais bien que c’était une propriété privée.
Sinon quelle idée de l’enfermer derrière la palissade ?
Cette fois ci, il en manquait deux ou trois planches.
Avec le sentiment de me livrer à un cambriolage je suis tout de même entré, gravissant les quelques marches de pierres sèches et faisant attention à ne pas faire un accroc à ma chemise.
A part le zonzonnement des insectes, il n’y avait pas un bruit.
J’étais sûr pourtant qu’il y avait des oiseaux mais ceux-ci se taisaient.
Or, pour que les oiseaux se taisent…
C’était bien ça...
Alors je suis ressorti en faisant attention à ne faire aucun bruit.
Puis j’ai remis les planches en évitant tout grincement.
Le printemps a encore fait correctement son travail, cette année…
Ces passeroses et le printemps m’ont rappelé « Le jeu de Marion et Robin ».
06:50 | Commentaires (18)
dimanche, 21 février 2016
Un printemps de bourges
Comme prévu, je me suis lancé dans la confection d’une pizza.
Genre « Pizza regina ».
La luxueuse dite « Regina avec œuf », j’ai même mis de la marjolaine.
Le luxe, quoi…
J’ai tout préparé, mis la table et, en attendant que ça cuise, je suis venu voir si une de mes lectrices chéries était passée me lire.
Je ne suis pas le genre à chercher des histoires mais… Bon…
La pizza a fini par cuire.
J’ai eu peur qu’elle ne finisse par « cuir » mais non.
Nous avons mangé le petit hors d’œuvre puis je suis allé faire cuire les « œufs bio extra frais » censés couronner les parts de pizza.
Je dois dire que j’étais assez satisfait du résultat.
Le lumière de mes jours m’a néanmoins prévenu.
- Minou ?
- … ?
- Lave toi très soigneusement les mains si tu dois aller faire pipi…
- Ah ?
- Oui mon Minou, l’huile pimentée est redoutablement efficace…
- Hon hon…
- Tu te rappelles ?
- Oui…
Elle avait ravivé là un souvenir brûlant. Celui du jour où, il y a bien des années, préparant je ne sais plus quel plat nécessitant du piment pilé, je me suis contenté de me passer les mains à l’eau avant d’aller faire pipi.
Rien qu’y penser, je serre encore les genoux et les fesses…
Bref, cette pizza, quoiqu’un peu trop humide –penser à ne pas laisser échapper trop de coulis de tomate la prochaine fois- était vraiment bonne.
Meilleure et plus intéressante que les nouvelles débitées par la télévision.
Agacée, Heure-Bleue a zappé et s’est arrêtée sur la 6 où Lili et José jouaient au chevalier et à la sorcière pour se donner envie de jouer au docteur.
- Minou ! Mais d’où sort cette mode de se déguiser pour se câliner ?
- Je n’en sais rien…
- Je suis sûre que c’est encore un truc qui vient des États-Unis…
- Ah ça, quand on te noue l’aiguillette depuis tout petit, ça ne démarre pas comme ça…
- Oui, et en plus faut des moyens, t’as vu le déguisement ?
- Ouais, alors que les pauvres, pour faire ça, faut juste qu’ils s’aiment pour de vrai…
- Et drôlement même, parce que des fois…
Pour éviter d’approfondir le sujet, on a fini la pizza…
08:33 | Commentaires (17)
vendredi, 19 février 2016
Je préfère les confits denses aux cochonneries.
Nous sommes allés jusqu’au Monop’.
La lumière de mes jours avait « envie de cochonneries ».
Il m’arrive de ne pas penser à ce à quoi vous pensez que je pense alors que je n’y pense pas.
Les courses avaient bien commencé avec une Heure-Bleue virevoltant devant des rayons pleins de tentations.
Tandis qu’avec sérieux je mettais dans le panier les petites choses auxquelles elle ne pense pas, auxiliaires nécessaires à la préparation du mets choisi, mon Heure-Bleue cherchait de quoi assouvir son désir.
Ne me regardez pas comme ça.
Il s’agit bien du désir de cochonneries, lectrices chéries, mais non, pas ça…
Elle a jeté son dévolu sur des « pommes de terre sans traitement après récolte ».
Puis, alors qu’elle n’aime pas la charcuterie, elle a traîné un long moment devant le rayon qu’habituellement elle méprise.
Celui des cochonnailles qu’elle appelle « cochonneries », si ce n’est « sal…eries ».
Elle m’a tendu un paquet de saucisses colorées, industrielles et « flashy » en me disant « regarde ce qu’il y a dedans, Minou ».
La lumière de mes jours, qui met un bouquin dans son sac pour aller acheter du pain évite de se charger inutilement de ses lunettes…
J’évite quant à moi de lui demander comment elle lira son bouquin dans le bus avec les lunettes devant l’écran de son PC…
Bref, je prends le paquet de saucisses, le retourne et lis « 58% de viande et de gras de porc ».
Suit une longue liste de produits inconnus sans aucune idée de leur proportion dans le produit fini.
Comme Heure-Bleue, je me demande ce qu’on mange avec les 42% restants et je repose le paquet.
Dommage, les saucisses avaient une forme parfaite et une couleur engageante, un vrai bout de plastique.
Après plein de minutes d’errance devant ce rayon de cochonneries, l’amour de ma vie prend un paquet de saucisses « bio » et me le tend.
« 98% de viande et gras de porc », 2% de sel et autres épices me dit l’emballage.
C’était bien mais du coup pas assez « cochonnerie » alors elle a pris aussi un bout de cervelas rouge vif. Le truc qui brûle les yeux.
Et l’estomac de ma moitié…
Le meilleur de ce dîner, je dois vous l’avouer, ce fut la vinaigrette que j’ai préparée…
Même les pommes de terre avaient un goût qui me rappelait « Ecoles des Frères millésime 1957 ».
Celles qui voyaient mes compagnons de géhenne vider les poches de leur blouse dans les cabinets en sortant du réfectoire.
Oui, on faisait ça en 1957 chez mes fondus…
Là on n’a pas eu besoin mais c’était limite.
Et puis on n’est pas comme les gosses, on ne gaspille pas.
Mais qu’est-ce qu’on aimerait…
10:10 | Commentaires (11)
mardi, 16 février 2016
Le consensuel a la vie brève…
Ce matin je joue à Lakevio.
Oui lectrices chéries, je joue à plein de trucs mais ce matin c’est à Lakevio.
Et je donne l’histoire vraie d’entrée.
Chacun son tour…
Ce matin là, le docteur Schmutz se pencha.
Il tira une pincée de cochonium d’un bécher et l’ajouta au chinchmout du Colorado.
La réaction micronucléaire s’amorça et son système, le frumilgeateur smolkant, censé permettre d’animer et suivre les pensées des modèles des images commença de ronronner.
Il glissa dans le zbilmuth une reproduction du « Baiser » de Klimt et regarda l’écran tandis qu’un léger bruit de vie s’échappait du haut-parleur.
Mais, car il y a toujours un mais, aucune pensée étrangère ne naissait encore dans son esprit.
Il schmulza de deux doigts le tribulateurdunchinoihenchine et glebzmula la rétroaction hélicoïdale biconvexe.
Toujours rien de précis.
Ce n’était pas totalement inanimé mais pas vraiment clair ni vivant.
Schmutz pesta, se prit le nez entre deux doigts et réfléchit.
Il soupira devant sa bêtise et amena lentement le réglage par rétropédalage chimique devant l’index qui avait légèrement dévié au cours du montage.
De surprise, il s’immobilisa, l’air un peu égaré tout de même.
Deux pensée étrangères s’immiscèrent dans son esprit tandis que le haut-parleur et l’écran donnaient vie à ce qu’il pensait de façon multiple.
Schmutz se dit avec son vrai cerveau à lui que la schizophrénie artificielle était décidément une expérience difficile.
L’image du tableau s’anima brutalement.
Le type, un brun de type vaguement gitan, regardait avec envie la rousse pâle qui, les yeux clos, attendait avec patience qu’il se décidât à l’embrasser.
Schmutz peaufina le réglage du tribulateurdunchinoihenchine, ajouta un poil de cochonium et les pensées de la fille se firent plus claires chez lui.
« Tu vas te décider, oui ! »
Le type gitaneux se pencha enfin mais s’arrêta brutalement, Schmutz l’entendit se rappeler qu’il avait déjà vu cette fille dans d’autres bras assez souvent.
Des bras différents d’un jour à l’autre, nota-t-il. Il eut soudain un doute quant à la fiabilité de la fille, de son charme à lui et des suites qui risquaient d’en découler.
Voire de couler, prolongea Schmutz in petto….
Puis, alors qu’elle se serrait contre le tzigano-slave et voyait où il voulait en venir, et même où il allait venir, ce dernier craignit d’un coup « M… ! Elle va me filer la chtouille ! »
L’effet fut immédiat.
Alors qu’elle avait remarqué quelque chose qui ressemblait, selon Victor Hugo, aux « réveils triomphants de la jeunesse », ça se transforma soudain en quelque chose qui ressemblait, selon Rustica, à « une limace recroquevillée agonisante »…
Le gitan et la rousse se séparèrent et se jetèrent mutuellement un regard dégoûté…
Schmutz retira l’image de l’appareil et fouina dans son panier à cartes postales.
Il tomba sur la reproduction d’une célèbre toile de Courbet « Le Sommeil ».
Curieux de connaître les rêves des deux dames, il glissa l’image dans l’appareil.
Ça marcha tout de suite et si bien que, son cerveau occupé par les pensées particulièrement lestes des deux dames, il en avait oublié le haut-parleur et l’écran, hélas très parlants eux aussi.
Il fut sorti brutalement de son rêve éveillé par la gifle magistrale administrée de maîtresse main par une Madame Schmutz scandalisée, tirée de ses travaux de broderie par le vacarme venant du laboratoire de son mari…
10:12 | Commentaires (13)