mardi, 16 février 2016
Le consensuel a la vie brève…
Ce matin je joue à Lakevio.
Oui lectrices chéries, je joue à plein de trucs mais ce matin c’est à Lakevio.
Et je donne l’histoire vraie d’entrée.
Chacun son tour…
Ce matin là, le docteur Schmutz se pencha.
Il tira une pincée de cochonium d’un bécher et l’ajouta au chinchmout du Colorado.
La réaction micronucléaire s’amorça et son système, le frumilgeateur smolkant, censé permettre d’animer et suivre les pensées des modèles des images commença de ronronner.
Il glissa dans le zbilmuth une reproduction du « Baiser » de Klimt et regarda l’écran tandis qu’un léger bruit de vie s’échappait du haut-parleur.
Mais, car il y a toujours un mais, aucune pensée étrangère ne naissait encore dans son esprit.
Il schmulza de deux doigts le tribulateurdunchinoihenchine et glebzmula la rétroaction hélicoïdale biconvexe.
Toujours rien de précis.
Ce n’était pas totalement inanimé mais pas vraiment clair ni vivant.
Schmutz pesta, se prit le nez entre deux doigts et réfléchit.
Il soupira devant sa bêtise et amena lentement le réglage par rétropédalage chimique devant l’index qui avait légèrement dévié au cours du montage.
De surprise, il s’immobilisa, l’air un peu égaré tout de même.
Deux pensée étrangères s’immiscèrent dans son esprit tandis que le haut-parleur et l’écran donnaient vie à ce qu’il pensait de façon multiple.
Schmutz se dit avec son vrai cerveau à lui que la schizophrénie artificielle était décidément une expérience difficile.
L’image du tableau s’anima brutalement.
Le type, un brun de type vaguement gitan, regardait avec envie la rousse pâle qui, les yeux clos, attendait avec patience qu’il se décidât à l’embrasser.
Schmutz peaufina le réglage du tribulateurdunchinoihenchine, ajouta un poil de cochonium et les pensées de la fille se firent plus claires chez lui.
« Tu vas te décider, oui ! »
Le type gitaneux se pencha enfin mais s’arrêta brutalement, Schmutz l’entendit se rappeler qu’il avait déjà vu cette fille dans d’autres bras assez souvent.
Des bras différents d’un jour à l’autre, nota-t-il. Il eut soudain un doute quant à la fiabilité de la fille, de son charme à lui et des suites qui risquaient d’en découler.
Voire de couler, prolongea Schmutz in petto….
Puis, alors qu’elle se serrait contre le tzigano-slave et voyait où il voulait en venir, et même où il allait venir, ce dernier craignit d’un coup « M… ! Elle va me filer la chtouille ! »
L’effet fut immédiat.
Alors qu’elle avait remarqué quelque chose qui ressemblait, selon Victor Hugo, aux « réveils triomphants de la jeunesse », ça se transforma soudain en quelque chose qui ressemblait, selon Rustica, à « une limace recroquevillée agonisante »…
Le gitan et la rousse se séparèrent et se jetèrent mutuellement un regard dégoûté…
Schmutz retira l’image de l’appareil et fouina dans son panier à cartes postales.
Il tomba sur la reproduction d’une célèbre toile de Courbet « Le Sommeil ».
Curieux de connaître les rêves des deux dames, il glissa l’image dans l’appareil.
Ça marcha tout de suite et si bien que, son cerveau occupé par les pensées particulièrement lestes des deux dames, il en avait oublié le haut-parleur et l’écran, hélas très parlants eux aussi.
Il fut sorti brutalement de son rêve éveillé par la gifle magistrale administrée de maîtresse main par une Madame Schmutz scandalisée, tirée de ses travaux de broderie par le vacarme venant du laboratoire de son mari…
10:12 | Commentaires (13)
lundi, 15 février 2016
L’art, mateur de solitude...
Lakevio, la prochaine fois trouve un peintre genre Klimt ou Millais, histoire que la tristesse ne soit pas que désespérante...
Chaque fois qu’il est tranquille, elle vient à la fenêtre et l’appelle.
Ça ne rate jamais.
Il suffit qu’il s’asseye, qu’il allume son cigare.
Quand il a tiré une ou deux bouffées et qu’il devient songeur en regardant la route, il faut qu’elle vienne à la fenêtre et entame une dispute.
Il en vient à se demander si elle ne lit pas ses pensées.
Si elle ne sait pas qu’il se retire de cet endroit pour penser à l’autre.
Celle qui a disparu et qui aurait dû être à la place de celle qui est en train de hurler à la fenêtre.
Mais comment diable peut elle savoir ?
Comment fait elle pour savoir avec tant de sûreté que c’est à l’autre qu’il pense quand il s’assied là ?
Il se mit à y réfléchir un peu plus sérieusement et arriva à la conclusion qu’il ne pensait pas à l’autre quand il venait s’asseoir dans ce fauteuil.
Ni même quand il allumait son cigare.
Le fait qu’il portât sur la route un regard vide ne signifiait rien de particulier.
Il se sentait juste bien.
Enfin… Bien…
Jusqu’à ce que sa femme vienne le houspiller, lui dire qu’il avait mieux à faire qu’à fumer un cigare en attendant le client.
C’est seulement à ce moment là qu’il pensait à l’autre.
L’autre…
Celle qu’il avait laissée parce qu’elle ne voulait pas venir ici.
Elle lui disait « Je ne veux pas passer ma vie à regarder une route vide ! »
Lui n’avait pas voulu lui avouer qu’il avait peur de la ville.
Alors il l’avait laissée partir, et était venu là.
Il avait fini par épouser cette femme, elle était d’ici.
Il se dit alors que c’était elle qui maintenait de la façon la plus vivace le souvenir de l’autre.
Si elle savait…
Si elle savait ?
Si elle savait, il n’y aurait plus jamais deux mots d’échangés dans la maison…
07:14 | Commentaires (11)
dimanche, 14 février 2016
Un vieux pieu...
Ne dis rien, Berthoise, j'ai honte...
Hier soir, je suis descendu sous la pluie faire quelques courses.
Je sais bien que vous vous en fichez, lectrices chéries, mais je tenais à vous tenir au courant.
Voilà.
Quand j’ai refermé la porte du local à poubelles qui donne sur la rue, j’ai heurté une jeune femme guidée par un chien attelé.
Ça m’a remis en mémoire cette « réclame » qui m’a agacé plusieurs jours si ce n’est semaines.
Une annonce ante bulletin d’infos qui m’enjoignait d’une voix douce de financer le dressage d’un labrador pour en faire un « chien guide d’aveugle ».
Cette voix était si gentille et si convaincante que je me suis demandé parfois si je n’allais pas me crever l’autre œil, rien que pour avoir le clébard.
Je me suis arrêté à temps, comprenant d’un coup qu’elle ne cherchait pas des aveugles mais des sous…
A rêvasser ainsi, je suis arrivé au Franp..x tout beau tout neuf, refait entièrement depuis l’automne.
Et là, de quoi-t-est-ce que je m’aperçois-je ? Hmmm ?
Eh bien, la maison mère, obéissant autant à la paranoïa ambiante qu’à la soif de lucre, a suivi les conseils du gouvernement visant « à assurer la plus complète sécurité à notre clientèle ».
Oui, lectrices chéries, « on » a tenu à assurer la sécurité de votre Goût préféré.
Et c’est là que ça se gâte.
Je ne pensais pas qu’on allait trouver une escouade de CRS devant le magasin, prête à en découdre avec le « martyr » qui se serait mis en tête d’éradiquer le Mal, plus exactement de faire exploser la gondole de jambon.
Non, pas du tout.
Néanmoins, à défaut de l’Armée du Bien, je pensais trouver au minimum l’Africain habituel, celui généralement dévolu au rôle de « Musclor de dissuasion » ou au vigile en uniforme d’opérette.
Que nenni, lectrices chéries ! Que nenni !
On nous a casé devant la porte un pauvre homme qui doit ainsi améliorer sa retraite. Un pauvre vieux de mes âges ou, s’il n’a pas mon âge, il est salement décati…
Le freluquet, blanc de teint, de cheveux et de barbe mal rasée.
En plus il doit peser quarante kilos avec le caddy et la veste d’uniforme trop grande pour lui mais avec l’aigle sur la manche et au revers.
Bonjour l’aigle !
Imaginez une sorte de poulet pas fini et vieillot !
En matière de sécurité, la boutique n’a pas songé un instant à embaucher un guerrier.
Elle s’est acheté directement un otage !
Genre « celui là vous pouvez le garder, c’est un cadeau de la maison ! »
En plus ce pauvre homme est musclé comme un lapin de trois semaines et se fait enguirlander copieusement par toutes les caissières parce qu’il traîne devant l’entrée et qu’à chaque pérégrination la porte automatique s’ouvre en grand, faisant entrer le froid et la pluie.
Dire que je me plaignais de mon sort d’esclave poussé par la lumière de mes jours à aller chercher ce qui manque.
Bon, en vrai, j’aime bien aller traîner…
09:49 | Commentaires (6)
vendredi, 12 février 2016
Ce que les seins valent en tain ne me laisse pas de glace…
De rien, Mab, de rien…
Je suis quelque peu inquiet, ces jours ci.
Après avoir entendu pendant des décennies Heure-Bleue pester contre « toutes ces fêtes commerciales que c’est fait rien que pour vendre et de toutes façon, c’est encore des machins faits par Pétain pour occuper le bon peuple et éviter qu’il ne se transforme en bande de terroristes ! » je ne l’entends pas cette année.
Plutôt si.
Un peu, à pas de velours et à mots de soie…
Genre « Quand on vieillit, on aime bien tous ces trucs, comme la Saint Valentin, tout petit moment est bon à prendre… »
C’est pas comme la Fête des Mères.
C’était une arnaque commerciale quand j’appelais ma mère pour lui souhaiter « bonne fête maman ».
C’était un délicieux moment attendrissant quand l’Ours lui offrait un truc genre collier de nouilles…
Pareil avec la Saint Valentin.
- Je ne veux surtout pas de fleurs !
- Ben, ma Mine ?
- Non ! Vous les mecs vous vous faites refiler n’importe quoi !
- Mais enfin…
- La Saint Valentin, c’est pas la fête des amoureux, c’est la fête des fleuristes !
Fort de ces recommandations, vous allez faire les courses, vous revenez avec tout ce qu’il faut pour un super dîner.
Et là…
- Ben ? Minou ! Tu m’as même pas ramené un petit bouquet !
- Tu m’as expressément dit « surtout pas de fleurs ! »
- Oui, mais quand même, t’aurais pu penser à un petit truc, des fleurs quoi…
Bref, c’est Heure-Bleue…
Alors d’ici dimanche, je vais devoir cogiter sérieusement, histoire que ça ne fasse pas comme les quarante et quelques Saint Valentin précédentes…
Surtout que, comme la Saint Valentin est en plein hiver, ça ne se prête pas aux distractions champêtres de la Saint Jean.
Je refuserai la proposition de promenade sylvestre.
De toute façon Heure-Bleue ne sera pas tentée non plus.
C’est seulement que les raisons seront différentes.
Elle n’est pas frileuse, elle…
14:27 | Commentaires (21)
jeudi, 11 février 2016
Les yeux brouillés…
Merveille est venue.
Plus exactement, après avoir préparé le poulet et l’avocat, je suis allé la chercher à l’école.
Le poulet ? Arrosé régulièrement.
A la broche avec de petites pommes de terre et des haricots verts.
Les haricots verts préalablement revenus avec de l’échalote et un peu de persil, le tout légèrement poivré.
Les pommes de terre en « robe des champs » puis pelées et mises au dernier moment avec les haricots verts dans le plat du poulet qui finissait de cuire.
Quand Merveille et moi nous sommes assis à l’arrêt du bus en sortant de l’école, elle m’a dit « maman me manque, papy… »
Elle était triste comme un jour sans pain parce que JJF est à Milan depuis plusieurs jours pour la présentation d’une collection.
Merveille s’est serrée contre moi.
Ce n’est pas pratique du tout avec un cartable accroché dans le dos.
J’étais content parce que ces temps ci elle n’est pas trop « garçons », elle est plutôt « filles ».
Que voulez vous que je lui dise, lectrices chéries ?
Je n’ai pu que lui dire que c’était la vie.
- Tu sais Merveille, c’est ça la vraie vie, il y a toujours quelqu’un qui nous manque et quelqu’un à qui on manque…
- C’est vrai, papy ?
- Oui, ta mère te manque, tu lui manques, elle manque à ton père, elle nous manque.
- Oui mais c’est pas bien.
- Si, Merveille, c’est bien. Ton père nous manque aussi parfois, c’est notre enfant et on lui manque parfois, ta mamie est aussi sa mère.
- Et Manou, elle compte pour du beurre ?
- Elle manque à ta mère, comme ta mère lui manque, c’est ça qui est bien.
- Mais non ! Pourquoi ce serait bien ?
- Réfléchis, Merveille, si quelqu’un nous manque c’est qu’on l’aime et si on lui manque c’est qu’il nous aime…
- Oui papy.
- C’est pas bien de savoir qu’on nous aime ?
- Oh si Papy !
Elle est redevenue une petite fille gaie et sautillante qui n’a pas chougné.
Après avoir picoré son repas, la prochaine fois je lui achèterai un sachet de graines pour serins, elle a joué avec Heure-Bleue puis je lui ai fait faire ses devoirs.
C’est là qu’on a appris incidemment en papotant que Merveille savait lire avant « la grande école ».
Du coup on est un peu inquiet…
Puis l’Ours a appelé pour nous inviter à une soirée crêpes.
Il fait les meilleures crêpes que je connaisse alors nous sommes tous trois partis chez l’Ours.
Dans le bus j’ai dit à la lumière de mes jours que la dernière fois j’avais joué avec Merveille, elle était rentrée dans le mur à cause de moi.
Une fois expliqué le pourquoi de la chose, Heure-Bleue a soupiré :
- Franchement... Jouer à l’aveugle avec un borgne !
- Mais…
- Et tu t’étonnes de faire rentrer ta petite fille dans le mur ! Mais tu ne grandiras donc jamais ?
10:02 | Commentaires (12)