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mardi, 02 février 2016

Quand la fortune se réduit à l’acquêt quête…

Ne dites rien Berthoise et Mab.
Je sais, j’ai honte mais je résiste à tout sauf à la tentation du calembour…
A lire vos commentaires, lectrices chéries, j’ai soudain compris pourquoi le curé n’a pas l’opulente panse de l’archevêque.
Comme vous l’allez voir, être curé était une vocation qui nécessitait un appétit modeste car le jeûne n’arrivait pas que le vendredi.
Ma mère, comme beaucoup de mères, n’avait qu’une confiance relative dans la piété de ses enfants.
C’est d’ailleurs pourquoi seule ma grande sœur fit « sa communion » et je tiens de l’actrice qu’elle la fit dans le but clair mais inavoué d’avoir en cadeau une montre.
Elle n’eut hélas qu’une timbale en métal vaguement, très vaguement, argenté.
Bien qu’elle n’eut aucun doute sur notre mécréance, ma mère avait néanmoins besoin d’un peu de calme le dimanche matin et nous envoyait à « Notre Dame du Bon Conseil ».
Riches de quelques pièces de deux francs, un franc, plus rarement cinq francs, nous partions.

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L’honnêteté m’oblige à vous avouer que nous ne partions pas à la messe.
Non, nous allions vers l’église, ce qui n’est pas la même chose.
Pour le plus grand malheur du curé, le sort voulut que le chemin qui mène à « Notre Dame du Bon Conseil » fut semé dembûches.
Les deux plus grandes étant la boutique de « la mère Gueule », oui elle s’appelait « Gueule » et « la boutique rose ».
La mère Gueule vendait des journaux et des bonbons.
Les bonbons c’était surtout pour attirer chez elle les enfants qu’on envoyait chercher le journal.
« La boutique rose » était celle dévolue entièrement à la confiserie.
Celle « pour les grands » avec des dragées et des chocolats et celle pour les enfants normaux, pas des vieux ni des mariés et qui nous vendait des tas de trucs dont le « Coco Boer », les « roudoudous » et les « soucoupes » ou, les jours de dèche c'est-à-dire tous les jours, des « caramels à un franc ».
En vous lisant je me suis aperçu, lectrices chéries, que vous n’êtes pas plus sérieuses que moi et que « les sous de la quête » ont eu plus d’effet sur l’économie de la confiserie et notre glycémie que sur le tour de taille du curé…
Nous étions des voleurs.
Pire, nous entôlions le bon dieu !
C’était pas bien, je sais.
Mais c’était tellement bon…
Quelle idée aussi de demander à des enfants de résister à la tentation…
On n’est pas assez fort.

lundi, 01 février 2016

Un drôle de coco...

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Hier, Heure-Bleue et moi avons commencé par un des douze mille désaccords qui occupent nos jours depuis longtemps.
- Minou, tu te rappelles les « roudoudous » ?
- Oui, ces coquillages avec une cuiller de bonbon coulée dedans…
- Ah mais non ! Les « roudoudous » c’est pas ça !
Elle avait ouvert FB et était tombée sur une histoire de « roudoudous » et dans son idée, c’était autre chose.
J’ai cherché des images de ces fameux « roudoudous » et ai montré à la lumière de mes jours ceux que je connaissais.
Là, une autre image de toutes ces saletés qu’on ingurgitait quand nos maigres moyens nous les permettaient nous a sauté aux yeux.
Un truc immonde quand on y pense.
Surtout après la révision de « ce qui est bon pour la santé » en vogue aujourd’hui.
Oui lectrices chéries ! Je vous parle du « Coco Boer » !
Ces petites boîtes en fer-blanc, laquées de couleurs vives et variées contenaient une poudre dont je n’ai jamais rien su de la composition.
Je sais seulement qu’aujourd’hui les règlements de la Commission Européenne l’auraient mise hors la loi.
Il ne nous serait jamais venu à l’esprit, à mes sœurs, mes copains ou moi, de faire ce pour quoi étaient faites ces boîtes : En diluer le contenu dans de l’eau pour en faire une boisson.
On glissait la boîte dans la bouche et on la suçotait jusqu’à percevoir le goût de réglisse.
Vu la qualité de l’usinage, on s’écorchait souvent la langue et le premier goût perçu était surtout celui de ferraille suivi de celui de la laque.
L’avantage de ces petites boîtes était qu’il s’écoulait un temps fou avant qu’elles ne perdissent leur goût.
Le plaisir cessait quand le goût de ferraille reprenait le dessus sur celui, de plus en plus ténu, de la réglisse.
Sinon, on crachait la boîte dans sa main, on la glissait dans sa poche et elle reprenait sa place sur la langue à la récré suivante.
Bon, dans nos poches, il y avait assez de miettes et de débris pour assurer l’en-cas de la récré mais ça assurait efficacement cette « vaccination du caniveau » qui fit de notre génération la dernière à n’être pas trop affectée par toutes ces pathologies dues à la propreté clinique qui frappent les générations suivantes…
Hélas, trois fois hélas, quand la salive avait enfin réussi à vaincre le joint collant qui scellait la boîte et que le goût de la réglisse arrivait enfin sur la langue il fallait remettre la boîte dans sa poche et retourner en classe.
Heure-Bleue est indignée par ce que j’écris.
En fait elle me dit « Mais t’étais dégueulasse ! Les filles ne font pas ça ! »
Elle, nette comme une porcelaine « coquille d’œuf », briquée comme un louis d’or et maniaque de la propreté, jetait la boîte avant de retourner en classe.
Moyennant quoi elle est pleine d’allergies diverses qui lui pourrissent la vie.
« Mais bon, en même temps » comme disent les « djeuns », elle a une peau si… Tellement… Que bon, hein….
Cela dit, une boîte de « Coco Boer » scellée au « mélange bave-réglisse » pouvait ainsi traîner, de poche en récrés, près d’une semaine.
Bon, en réalité, je n’aime pas la réglisse, mais j’ai tenté la boîte de coco et je l’ai traînée jusqu’au bout, suçotant pendant plusieurs jours mon petit bouillon de culture perso.
J’ai préféré nettement la version « cachet Kalmine » du « mistral gagnant », ces énormes cachets contenant une poudre blanche acidulée, qu’est-ce que c’était bon !
J’en salive encore.
D’ailleurs je pique dans la boîte de bonbons de Merveille de ces petits machins élastiques acidulés.
Je me fais disputer par l’Ours et Heure-Bleue.
Merveille, comme dit Verlaine « elle m’aime et  me comprend » et surtout m’en donne…

dimanche, 31 janvier 2016

Le manque a gagné…

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Il avait pourtant dit qu’il viendrait.
A l’abri des jalousies qui l’isolaient de la rue écrasée de soleil, elle regardait la rue.
Elle retournait s’asseoir sur son lit quelques minutes mais elle ne pouvait tenir en place alors elle se levait et attendait.
Elle était un instant éblouie par l’éclatante lumière du dehors puis,ses yeux, accommodés enfin, lui annonçaient la triste nouvelle : Rien.
Il lui avait bien juré « Je viendrai dimanche après midi, c’est promis ! »
Elle avait confiance, elle l’avait cru.
Et il n’était toujours pas là.
Alors elle se reculait dans la chambre, la seule pièce qui donnait sur la rue.
Un moment aveugle, encore éblouie par l’éclatante lumière qu’elle venait de quitter elle allait quasiment à tâtons vers le lit et s’y asseyait de nouveau.
L’impatience fit place au  doute et le doute à la tristesse et bientôt la douleur s’empara d’elle.
Elle fit de nouveau connaissance avec cette sensation d’étranglement, la difficulté à déglutir.
Elle sut qu’elle allait sentir bientôt une main lui prendre l’estomac et le tordre.
Comme chaque fois qu’il lui faisait ce tour pendable de la faire languir pour la décevoir, elle finirait par se coucher et inonder son oreiller de larmes.
Les heures passèrent.
Elle l’attendait.
Peu à peu, la lumière du soleil s’est adoucie.
Elle était moins éblouie maintenant quand elle allait regarder au travers des jalousies.
Elle était aussi moins perdue lorsqu’elle revenait, déçue une fois de plus, vers son lit.
Elle se fit la réflexion qu’un lit qui ne servait qu’à dormir n’était pas très utile…
Elle pensa aussi que les dimanches se faisaient de plus en plus longs sans lui.
En y réfléchissant un peu ça l’a surprise.
Quand son mari était mort, le premier choc passé, elle s’était sentie plutôt soulagée avec même, par moments l’impression de renaître. D’avoir rajeuni.
Alors qu’assise sur le lit elle allait se mettre à pleurer, la sonnette retentit.
Elle regarda le cartel. Sept heures du soir !
Il ne pourrait passer qu’un bref moment avec elle et elle savait comment.
Il remettrait rapidement de l’ordre dans sa tenue et s’enfuirait jusqu’à…
Jusqu’à quand ? 
Un coup de feu claqua qui sortit le quartier de sa torpeur.
- Reprenons, Madame, que s’est il passé exactement.
- Je n’en pouvais plus, monsieur le gendarme, il promettait, venait parfois, me prenait rapidement et après de vagues promesses il s’en allait.

samedi, 30 janvier 2016

Vieux et Moshe…

Hier, j’ai été terriblement frustré.
Je déteste qu’on caviarde un film.
En veine de culture, Heure-Bleue et moi sommes allés au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme voir l’exposition sur Moïse.
Comme toujours, j’emprunte la porte de gauche et passe un moment devant les photos qui me montrent un Paris tel qu’il était encore en 1967.
Je repense un instant à ce qu’était l’hôtel Saint-Aignan quand je suis venu habiter à côté.
Une ruine habitée par de pauvres gens qui ne le dégradaient pas mais se contentaient d’y vivre sans payer de loyer. Je ne sais pas comment ils s’éclairaient et se chauffaient mais il n’y eut pas de problème à ma connaissance.
Puis je vais sur les dalles et m’avance dans l’escalier monumental qui mène à l’exposition.
Là, je reste figé ! Je recule de cinquante huit ans.
Vous pensez si je m’en souviens, lectrices chéries !
Mettez vous à ma place. Je vois, projeté sur le mur, ce plan où Yul Brynner dans une armure éblouissante fait la gueule parce que les Hébreux s’en vont avec leurs affaires sans un regard en arrière.
J’attends. J’attends en regardant Charlton Heston mener tout son monde à la baguette.
On sent déjà que Josué est impatient d’être calife à la place du calife.
Et j’attends.
Je les regarde avancer tandis que Ramsès ronge son frein.
Et j’attends.
J’attends de voir ce plan où Yul Brynner, malgré une calvitie genre œuf, se prend la tête dans les mains, effondré sur son char tandis qu’on voit des Egyptiens tournoyer avec leur char dans des nuages de bulles, la bouche ouverte d’effroi.
Et paf ! Ça coupe ! Juste avant ! Et ça recommence au moment où Moïse lève sa verge, non pas ça, la vraie, un bâton, au dessus des flots de la Mer Rouge et demande à Adonaï de faire son boulot et de dégager un passage.
Et fissa please !
Déçu, mais curieux, j’ai continué dans l’expo alors que la lumière de mes jours, qui est peu patiente, me traite de gamin…
Je l’ai surprise tout de même par des souvenirs de l’hébreu « bien meilleurs que les miens » m’a-t- elle dit. Nous avons été passionnés par les toiles.
Là encore j’ai été surpris que cette histoire de « buisson ardent » qu’on m’avait enseignée chez mes fous et dont je vous ai déjà parlé, lectrices chéries, ait suscité chez des pointures de l’art pictural la réinterprétation que j’en avait eue à l’adolescence.
J’ai été ravi d’apprendre que, comme votre serviteur, Reuven Rubin ne pensait qu’à ça.
La preuve :

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Puis nous sommes sortis et passant devant la rue des Blancs Manteaux.
Là, sans nous concerter, la lumière de mes jours et moi avons entonné avec un ensemble parfait « Dans la rue des Blancs Manteaux », singeant Juliette Gréco.
- Oh ! On se connaît trop, Minou !
- Ouaip ! Faut qu’on connaisse quelqu’un d’autre…
- D’accord mais tu t’en trouves une blindée., moi je trouve un vieux mastic pas loin de défaillir.
- Ouais mais on reste amants, hein…
Elle a levé les yeux au ciel mais ma souri...
Jai bien aimé.

jeudi, 28 janvier 2016

L’amitié que les violons scellent…

Ce matin, quand je me suis levé, le monde était presque silencieux.
J’ai fermé la porte de la chambre puis, avant de fermer la fenêtre du séjour, j’ai voulu expérimenter la sensation d’être un SDF alors je suis sorti regarder le ciel sur notre micro-balcon.
Et ce n’est pas la lumière, plutôt triste, qui a attiré mon attention.
Non, c’est le son d’un violoncelle.
Venu de l’autre côté des voies, probablement de l’immeuble qui fait face au nôtre et dont j’ai vu une des fenêtres ouverte et éclairée.
J’ai écouté quelques secondes, assez bizarrement il ne faisait qu’un peu frais et quand j’ai commencé à avoir un peu froid, je suis rentré et ai fermé la fenêtre.
C’est en continuant dans ma tête la musique entendue que m’est revenu le souvenir d’un dîner chez Lakevio.
Ce soir là, nous étions chez Lakevio et « Le Maître » qui préparaient activement leur départ pour la Hongrie et nous étions huit à table.
« Le Maître », sans doute regrettant de n’avoir plus d’étudiants à martyriser, a pris un smartphone et a cherché ce que la Hongrie avait bien pu donner au monde comme célébrités magyares.
Nous connaissions tous Franz Liszt, Brassaï, les princes Esterhazy  et Vasarely bien sûr.
Et c’est là que ce fichu violoncelle intervient.
Un moment, « Le Maître » a dit « Kodaly ! »
Silence.
Ça m’est revenu d’un coup et, comme un môme en classe j’ai crié « Kodaill ! » car oui Kodaly se prononce « Kodaill ».
Et j’ai repris « Zoltan Kodaly ! »
On s’est tourné vers moi, sans doute attendant des précisions.
Alors j’ai continué, entre un peu fier et embêté « C’est un compositeur, connu entre autres pour une sonate pour violoncelle seul… »
J’en avais entendu une il y avait bien longtemps salle Gaveau et ça m’était resté.
 Une fois de plus, alors que mon lait chauffe,  je me fais la réflexion que chaque fois que je vois ou entends quelque chose, se met en route une machinerie qui, de pignon en engrenage, m’amène là où j’ai découvert ce que j’entends ou vois.
Et chaque fois je suis surpris de constater que je crois avoir appris plein de choses en quelques décennies alors qu’en quelques souvenirs on peut battre le rappel de nos connaissances et dérouler nos vies.
Suffit de tirer la bonne ficelle…
Celle là, par exemple :