lundi, 08 février 2016
An irritating gentleman.
Isn’t a gentleman…
C’est ce qu’elle s’est dit quand ce butor s’est penché sur le dossier de son siège pour lui susurrer des fadaises.
La jeune fille agita ses boucles blondes et cessa de manipuler sa petite pochette.
Elle se retint à grand’ peine de soupirer.
Elle ne dit rien, se contentant de poser ses mains sur ses genoux et de faire ce qu’on lui avait appris depuis la plus tendre enfance.
Se tenir droite et rester silencieuse.
La sentant gênée mais timide, l’homme se pencha un peu plus vers elle, au risque de basculer, et lui souffla dans l’oreille « vous savez, Mademoiselle, que vous êtes charmante ? »
Elle secoua la tête, dégoûtée par le souffle lourd de l’importun.
Il insista « vous me semblez bien jeune pour voyager seule… »
Puis, tenant la cordelette de ses lorgnons et s’inclinant davantage « un homme auprès de vous serait d’un grand secours… »
Elle était de plus en plus agacée mais ne savait comment se débarrasser de ce personnage.
Elle craignait qu’il soit plus intéressé par la prise de sa vertu que par sa sécurité.
Elle était certes jeune mais savait depuis peu que ce qui intéresse vraiment les hommes chez les jeunes filles, ce n’est pas leur porte-monnaie…
Depuis combien de temps maintenant cet homme lui adressait il la parole sans avoir été convié ?
Elle était de plus en plus gênée.
Non, en y réfléchissant un peu elle était agacée.
Mais bon sang, cet homme n’avait il point une épouse à houspiller, à ennuyer ?
Qu’il s’en trouve une après tout !
En plus il avait bien vingt-cinq ou trente ans de plus qu’elle !
Elle serait bientôt en colère, elle le sentait.
Une dame arriva du bout du wagon qui lui faisait face et se dirigeait vers sa banquette.
Un soupir de soulagement échappa à la jeune fille, elle allait enfin être en paix.
Ce malappris n’oserait sûrement pas l’ennuyer en présence d’une dame.
« Aaaahhh ! Je vous ai retrouvé ! Ce ne fut pas sans mal, le contrôleur ne se souvenait plus où il vous avait placé ! Enfin me voici, mon ami ! »
La jeune fille tenait sa vengeance.
Elle se leva, se tourna vers l’homme et lui tendit les bras en criant « Père !!! Enfin ! Oh, Père ! »
Elle fut particulièrement satisfaite du bruit de la gifle qui retentit.
Elle ne savait pas comment elle allait se sortir de cette affaire, maintenant...
Bah... Elle aurait bien une idée…
09:50 | Commentaires (20)
dimanche, 07 février 2016
Note à « l’eau de rose »
Hier, j’étais heureux !
Oui, hier il faisait beau, la température était douce et Heure-Bleue n’avait pas mal aux pieds.
Nous sommes donc allés à Paris.
Oui, encore…
Comme il n’y avait censément pas de train, ce qui se révéla faux par la suite, nous avons pris le bus.
Deux bus. Jusqu’à Sèvres-Babylone. Là, nous avons acheté un livre de poche.
J’étais heureux disais-je, mais aussi parce que les « merdouniers du Japon » étaient en fleurs.
Plein de petites fleurs jaunes, pas celles des forsythia plutôt simplettes non, de petites boules pleines de pétales ensoleillés. Chouette quoi…
Notre bouquin sous le bras, en fait dans le petit sac orange classieux, j’ai emmené la lumière de mes jours là où elle voulait aller : Saint Germain des Prés.
J’ai pris un chemin, différent du sien.
Arrivés en peu de temps, enfin plus rapidement s’il n’avait fallu traverser et retraverser mille fois la rue des Saints Pères pleine de ces vitrines qui agissent comme les flammes sur les papillons, j’ai dit à Heure-Bleue surprise que ce ne soit pas plus loin :
- Tu as vu comme je t’ai guidée ? Hein ?
Et là, elle me troue. Elle regarde un peu avant, voit l’église Saint Germain des Prés et me dit :
- Ah oui ! Un peu plus loin à droite il y a un Monop’ !
Elle a un sens de l’orientation un peu étrange qui fait que la disparition des Monoprix parisiens la laisserait totalement désorientée dans sa ville…
Nous avons continué notre chemin à pas lents, jusqu’au Monop’ où nous avons pris une bouteille de lait et un paquet de « Roudor », la perdition des vieux.
Avant d’y arriver j’ai eu l’attention attirée par la vitrine Caron où j’ai vu un parfum qui m’a rappelé une visite au musée Cernuschi avec la Tornade où on m’avait tendu un échantillon dont l’odeur m’avait plu.
C’est la couleur qui a attiré mon attention. Le rose. Je suis entré et la dame m’a mis un peu de « Délire de roses » sur la main.
J’ai demandé :
- Il est né quand, ce parfum ?
- En 2009
C’était exactement ça.
Je craignais de faire un peu « grave follasse » à sentir la rose à vingt pas mais la dame à haussé les épaules en disant « oh, vous savez, maintenant… »
Heure-Bleue a trouvé que ça sentait bon mais que non, « ça ne fait pas « parfum de pédé » et de toute façon, on partage Terre d’Hermès, tu as porté le Vetiver de Carven et Grey Flanel, alors… »
Nous avons ensuite pris la rue de Buci, que je pensais plus éloignée qu’elle n’était et je me suis laissé guider par la lumière de mes jours dans ce coin où elle a vécu.
Nous avons rejoint le « boul’ Mich’ » et pris le 21 qui nous a amenés à Saint Lazare.
Il faisait toujours doux.
La prochaine fois je la traînerai du côté de la rue Linné et des « Arènes de Lutèce »…
10:29 | Commentaires (12)
samedi, 06 février 2016
« Au nom du peuple français, le tribunal vous condamne à... »
C’est Clodoweg qui m’a demandé « comment ça fait » d’être juré il y a quelque temps.
Et vous savez quoi, lectrices chéries ?
Eh bien une fois, j’ai été « désigné volontaire » pour être juré pendant une session de la Cour d’Assises du Palais de Justice de Paris.
J’ai d’abord demandé si je pouvais décliner l’invitation.
On m’a répondu en substance que si ça ne me faisait rien d’aller en prison et payer une amende, pas de problème, je pouvais ne pas me déranger…
Alors je suis allé voir mon patron, je lui ai dit que je venais d’être invité fermement à aller tous les jours pendant je ne sais combien de temps au Palais de Justice au lieu d’aller chez lui m’échiner à gagner ses sous.
Comme c’était encore l’époque où le patronat était plus enclin à la clémence que la justice, il a accepté de me payer comme si j’étais là à la condition que je lui reversasse l’indemnité que le gouvernement donne aux citoyens qui font le boulot des juges…
J’ai donc passé le temps de toute la session au Palais de Justice.
Je n’avais pas encore trente ans et l’air sans doute assez innocent et calme –ne riez pas lectrices chéries- pour avoir la malchance de n’avoir jamais été récusé.
J’ai donc dû assister à tous les procès de la session.
Si je commençais plutôt tard le matin, les soirées s’éternisaient et il arrivait souvent que je rentre à la maison alors que tout le monde était couché.
« Comment ça fait » ?
Eh bien j’en ai retiré qu’il est fort heureux que Badinter ait été convaincant car à l’époque, la peine de mort existait encore.
Certes on n’atterrissait pas pour des broutilles devant l’estrade où votre serviteur et ses huit camarades essayaient d’avoir une idée de ce qui avait amené là l’accusé.
Il y avait tout de même des moments où on avait du mal à garder son sérieux.
J’ai souvenir d’un procès où un type en avait planté un autre dans un bar de l’avenue de Clichy.
Pas loin de chez « Ladess » justement.
La victime et son meurtrier étaient, au moment des faits « passablement ivres » selon le président et « raides bourrés » selon les remarques de couloir des jurés qui avaient entendu les conclusions du légiste.
Le président du tribunal demanda alors au concierge de l’immeuble, convoqué comme témoin et compagnon d’agapes du prévenu et de sa victime :
- Dites moi, Monsieur X., vous buviez beaucoup, dans ce bar ?
Et le témoin de s’exclamer
- Ben… Comme vous et moi, M’sieur mon président…
- Mais encore ?
- Oh… Quelques litres par jour, quoi…
Comment voulez vous rester impassible, lectrices chéries, même l’avocat général, un type très sévère, a ri…
Mais à d’autres moments j’ai été effrayé.
Car, si les « clients » n’étaient pas des anges, j’ai découvert en cette occasion que le pékin de base est fort heureusement freiné dans sa promptitude à punir par le président et les assesseurs.
Oui, lectrices chéries, j’ai constaté au cours de cette expérience que nombre de mes concitoyens auraient volontiers envoyé « au massicot » celui qui avait volé une pêche sur un étalage…
Et ça, ça a vachement relativisé ma confiance dans l’espèce humaine.
11:20 | Commentaires (11)
vendredi, 05 février 2016
Petit voyage outre mère…
Ce jeudi nous sommes allés à Paris voir une cousine mienne.
La fille de la tante folle, celle que mon père avait retrouvée à la bataille de Monte-Cassino.
Oui, la fille de cette tante là.
Comme votre serviteur elle est un peu cinglée mais c’est la marque de la famille du côté paternel que voulez vous.
Mais attention, elle, c’est une artiste.
Mais une artiste avec le sens de l’humour.
Bon, comme souvent, l’humour de cancéreux ne fait rire que nous.
Du coup on a bien ri…
Nous avions rendez-vous rue Saint-Sabin.
Heure-Bleue, avec le sens de l’orientation de Moïse, qui valut quarante ans de promenades avant de trouver Israël, tenta de me persuader que je ne prenais pas la bonne direction alors que nous traversions la rue Amelot.
Tenter ce coup là avec moi ! En traversant la rue Amelot en plus ! Alors que…
Je l’ai tout de même emmenée –c’était tout droit-, traversant le boulevard Richard Lenoir , continuant dans la rue Sedaine jusqu’au croisement de la rue Saint Sabin.
Nous sommes entrés dans le premier des trois « Bar de l’Industrie » qui meublent ce petit carrefour.
Oui, c’est à ça qu’on nous reconnaît aussi, à cette faculté de trouver un carrefour où trois bistrots portent le même nom…
J’ai demandé à la cantonade « Bonjour ! Il y a une S. ici ? »
Une accorte jeune femme m’a dit « Ici non, mais en face oui. »
Nous avons traversé et avons rejoint ma cousine.
En buvant quelques cafés et beaucoup d’eau nous avons fait le tour des diverses affections familiales qui nous abîment l’âme.
Oui, pour le corps, on traîne nos bobos, mais pour nos âmes, la famille semble sévèrement tachée à coups de plaies diverses…
On s’est aperçu qu’Heure-Bleue, qui ne souffrait pas des mêmes, avait son lot de misères.
On a fait, plus exactement refait le tour de la bande de siphonnés qui nous avait non seulement mis au monde mais cabossés à vie.
Refait le tour car nous ne nous étions pas revus , hormis lors l’anniversaire de ma petite sœur, depuis bien des années.
Nous nous étions livrés à une séance de thérapie de groupe alors à « L’éléphant du Nil », bar de la rue Saint Antoine.
Nous sommes restés des heures à passer en revue les diverses sources de névroses qui avaient fait de nous ce que nous sommes.
Hier encore, nous les avons répertoriées, rarement tristement, souvent en riant.
Nous sommes arrivés à la conclusion que nos parents étaient fous et du coup nous aussi.
Heureusement, ce qui nous a remonté le moral c’est que ceux qui prétendent ne pas l’être le sont autant que nous mais en plus sont terriblement ennuyeux à force de se donner un air sérieux…
En revenant nous avons fait une assez longue promenade.
Nous sommes passés place des Vosges devant le restaurant « L’ambroisie ».
Barack Obama et François Hollande étaient partis après dîner depuis longtemps.
Nous y aurions volontiers dîné aussi mais nous avions déjà payé leur repas, alors nous avons laissé tomber et acheté deux éclairs rue Rambuteau, là où ils sont irrésistibles.
Puis nous sommes rentrés à la maison et Heure-Bleue a trouvé délicieux le dîner que je lui ai fait.
C’était bien.
Très bien même…
11:28 | Commentaires (9)
mercredi, 03 février 2016
Ça fait un moment qu’on sème…
Déjà vendredi dernier, j’avais entendu Valérie Bonneton commenter l’aspect intellectuel de la pièce qu’elle interprète aux côtés de Daniel Auteuil.
Et qu’est-ce qu’elle avait dit, Valérie ? Hmmm ? Qu’est-ce qu’elle avait dit ?
Eh bien, Valérie Bonneton avait dit :
« Faut pas non plus… C’est pas du boulevard non plus, c’est… Voilà… »
Puis, la voix s’éteignant doucement : « Oui… Voilà… »
C’était beau comme une phrase d’André Manoukian.
Vous savez bien, ces phrases dont chaque proposition n’a aucun rapport avec la précédente ou la suivante et qui n’ont pas de chute.
Eh bien, dans le même style, Heure-Bleue m’a un peu surpris hier soir.
Nous étions tranquillement en train de pourrir le bilan carbone du pays en mangeant des avocats délicieux mais importés quand France 2 nous agace une fois de plus en nous assénant une histoire où une activité quelconque n’est vue qu’au travers du pognon qu’elle rapporte à une poignée de déjà très lotis.
Heure-Bleue agacée, digne représentante du prolétariat exploité par une économie léviathan avale sa bouchée d’avocat et lâche :
- Pfff… Mais qu’est-ce qu’ils vont faire de plus ?
- … ?
- Ils vont se coucher plus riches alors qu’ils n’ont qu’un seul cul pour s’asseoir…
Je lève les yeux de mon assiette, un peu dérouté par sa phrase.
Toujours scandalisée, la lumière de mes jours me jette :
- Enfin, non, oui mais tu vois ce que je veux dire.
- J’entrevois, c’est la formulation qui me désarçonne…
Heure-Bleue tente de mettre un peu d’ordre dans sa phrase.
- Quand même, c’est Montaigne qui…
- Il a parlé de s’asseoir, pas de se coucher…
Ça met hélas un peu de désordre dans une pensée pourtant claire au début.
D’approximations en à-peu-près il n’est rien ressorti de précis de notre échange.
Sauf ce fou-rire qui a permis de ramener à sa juste valeur la montagne de fric attendue d’une occupation dont nous avons oublié de quoi il s’agissait.
Sauf qu’il semblait nécessaire d’avoir quatre fesses quand on était très fortuné.
09:30 | Commentaires (16)