samedi, 06 février 2016
« Au nom du peuple français, le tribunal vous condamne à... »
C’est Clodoweg qui m’a demandé « comment ça fait » d’être juré il y a quelque temps.
Et vous savez quoi, lectrices chéries ?
Eh bien une fois, j’ai été « désigné volontaire » pour être juré pendant une session de la Cour d’Assises du Palais de Justice de Paris.
J’ai d’abord demandé si je pouvais décliner l’invitation.
On m’a répondu en substance que si ça ne me faisait rien d’aller en prison et payer une amende, pas de problème, je pouvais ne pas me déranger…
Alors je suis allé voir mon patron, je lui ai dit que je venais d’être invité fermement à aller tous les jours pendant je ne sais combien de temps au Palais de Justice au lieu d’aller chez lui m’échiner à gagner ses sous.
Comme c’était encore l’époque où le patronat était plus enclin à la clémence que la justice, il a accepté de me payer comme si j’étais là à la condition que je lui reversasse l’indemnité que le gouvernement donne aux citoyens qui font le boulot des juges…
J’ai donc passé le temps de toute la session au Palais de Justice.
Je n’avais pas encore trente ans et l’air sans doute assez innocent et calme –ne riez pas lectrices chéries- pour avoir la malchance de n’avoir jamais été récusé.
J’ai donc dû assister à tous les procès de la session.
Si je commençais plutôt tard le matin, les soirées s’éternisaient et il arrivait souvent que je rentre à la maison alors que tout le monde était couché.
« Comment ça fait » ?
Eh bien j’en ai retiré qu’il est fort heureux que Badinter ait été convaincant car à l’époque, la peine de mort existait encore.
Certes on n’atterrissait pas pour des broutilles devant l’estrade où votre serviteur et ses huit camarades essayaient d’avoir une idée de ce qui avait amené là l’accusé.
Il y avait tout de même des moments où on avait du mal à garder son sérieux.
J’ai souvenir d’un procès où un type en avait planté un autre dans un bar de l’avenue de Clichy.
Pas loin de chez « Ladess » justement.
La victime et son meurtrier étaient, au moment des faits « passablement ivres » selon le président et « raides bourrés » selon les remarques de couloir des jurés qui avaient entendu les conclusions du légiste.
Le président du tribunal demanda alors au concierge de l’immeuble, convoqué comme témoin et compagnon d’agapes du prévenu et de sa victime :
- Dites moi, Monsieur X., vous buviez beaucoup, dans ce bar ?
Et le témoin de s’exclamer
- Ben… Comme vous et moi, M’sieur mon président…
- Mais encore ?
- Oh… Quelques litres par jour, quoi…
Comment voulez vous rester impassible, lectrices chéries, même l’avocat général, un type très sévère, a ri…
Mais à d’autres moments j’ai été effrayé.
Car, si les « clients » n’étaient pas des anges, j’ai découvert en cette occasion que le pékin de base est fort heureusement freiné dans sa promptitude à punir par le président et les assesseurs.
Oui, lectrices chéries, j’ai constaté au cours de cette expérience que nombre de mes concitoyens auraient volontiers envoyé « au massicot » celui qui avait volé une pêche sur un étalage…
Et ça, ça a vachement relativisé ma confiance dans l’espèce humaine.
11:20 | Commentaires (11)
vendredi, 05 février 2016
Petit voyage outre mère…
Ce jeudi nous sommes allés à Paris voir une cousine mienne.
La fille de la tante folle, celle que mon père avait retrouvée à la bataille de Monte-Cassino.
Oui, la fille de cette tante là.
Comme votre serviteur elle est un peu cinglée mais c’est la marque de la famille du côté paternel que voulez vous.
Mais attention, elle, c’est une artiste.
Mais une artiste avec le sens de l’humour.
Bon, comme souvent, l’humour de cancéreux ne fait rire que nous.
Du coup on a bien ri…
Nous avions rendez-vous rue Saint-Sabin.
Heure-Bleue, avec le sens de l’orientation de Moïse, qui valut quarante ans de promenades avant de trouver Israël, tenta de me persuader que je ne prenais pas la bonne direction alors que nous traversions la rue Amelot.
Tenter ce coup là avec moi ! En traversant la rue Amelot en plus ! Alors que…
Je l’ai tout de même emmenée –c’était tout droit-, traversant le boulevard Richard Lenoir , continuant dans la rue Sedaine jusqu’au croisement de la rue Saint Sabin.
Nous sommes entrés dans le premier des trois « Bar de l’Industrie » qui meublent ce petit carrefour.
Oui, c’est à ça qu’on nous reconnaît aussi, à cette faculté de trouver un carrefour où trois bistrots portent le même nom…
J’ai demandé à la cantonade « Bonjour ! Il y a une S. ici ? »
Une accorte jeune femme m’a dit « Ici non, mais en face oui. »
Nous avons traversé et avons rejoint ma cousine.
En buvant quelques cafés et beaucoup d’eau nous avons fait le tour des diverses affections familiales qui nous abîment l’âme.
Oui, pour le corps, on traîne nos bobos, mais pour nos âmes, la famille semble sévèrement tachée à coups de plaies diverses…
On s’est aperçu qu’Heure-Bleue, qui ne souffrait pas des mêmes, avait son lot de misères.
On a fait, plus exactement refait le tour de la bande de siphonnés qui nous avait non seulement mis au monde mais cabossés à vie.
Refait le tour car nous ne nous étions pas revus , hormis lors l’anniversaire de ma petite sœur, depuis bien des années.
Nous nous étions livrés à une séance de thérapie de groupe alors à « L’éléphant du Nil », bar de la rue Saint Antoine.
Nous sommes restés des heures à passer en revue les diverses sources de névroses qui avaient fait de nous ce que nous sommes.
Hier encore, nous les avons répertoriées, rarement tristement, souvent en riant.
Nous sommes arrivés à la conclusion que nos parents étaient fous et du coup nous aussi.
Heureusement, ce qui nous a remonté le moral c’est que ceux qui prétendent ne pas l’être le sont autant que nous mais en plus sont terriblement ennuyeux à force de se donner un air sérieux…
En revenant nous avons fait une assez longue promenade.
Nous sommes passés place des Vosges devant le restaurant « L’ambroisie ».
Barack Obama et François Hollande étaient partis après dîner depuis longtemps.
Nous y aurions volontiers dîné aussi mais nous avions déjà payé leur repas, alors nous avons laissé tomber et acheté deux éclairs rue Rambuteau, là où ils sont irrésistibles.
Puis nous sommes rentrés à la maison et Heure-Bleue a trouvé délicieux le dîner que je lui ai fait.
C’était bien.
Très bien même…
11:28 | Commentaires (9)
mercredi, 03 février 2016
Ça fait un moment qu’on sème…
Déjà vendredi dernier, j’avais entendu Valérie Bonneton commenter l’aspect intellectuel de la pièce qu’elle interprète aux côtés de Daniel Auteuil.
Et qu’est-ce qu’elle avait dit, Valérie ? Hmmm ? Qu’est-ce qu’elle avait dit ?
Eh bien, Valérie Bonneton avait dit :
« Faut pas non plus… C’est pas du boulevard non plus, c’est… Voilà… »
Puis, la voix s’éteignant doucement : « Oui… Voilà… »
C’était beau comme une phrase d’André Manoukian.
Vous savez bien, ces phrases dont chaque proposition n’a aucun rapport avec la précédente ou la suivante et qui n’ont pas de chute.
Eh bien, dans le même style, Heure-Bleue m’a un peu surpris hier soir.
Nous étions tranquillement en train de pourrir le bilan carbone du pays en mangeant des avocats délicieux mais importés quand France 2 nous agace une fois de plus en nous assénant une histoire où une activité quelconque n’est vue qu’au travers du pognon qu’elle rapporte à une poignée de déjà très lotis.
Heure-Bleue agacée, digne représentante du prolétariat exploité par une économie léviathan avale sa bouchée d’avocat et lâche :
- Pfff… Mais qu’est-ce qu’ils vont faire de plus ?
- … ?
- Ils vont se coucher plus riches alors qu’ils n’ont qu’un seul cul pour s’asseoir…
Je lève les yeux de mon assiette, un peu dérouté par sa phrase.
Toujours scandalisée, la lumière de mes jours me jette :
- Enfin, non, oui mais tu vois ce que je veux dire.
- J’entrevois, c’est la formulation qui me désarçonne…
Heure-Bleue tente de mettre un peu d’ordre dans sa phrase.
- Quand même, c’est Montaigne qui…
- Il a parlé de s’asseoir, pas de se coucher…
Ça met hélas un peu de désordre dans une pensée pourtant claire au début.
D’approximations en à-peu-près il n’est rien ressorti de précis de notre échange.
Sauf ce fou-rire qui a permis de ramener à sa juste valeur la montagne de fric attendue d’une occupation dont nous avons oublié de quoi il s’agissait.
Sauf qu’il semblait nécessaire d’avoir quatre fesses quand on était très fortuné.
09:30 | Commentaires (16)
mardi, 02 février 2016
Quand la fortune se réduit à l’acquêt quête…
Ne dites rien Berthoise et Mab.
Je sais, j’ai honte mais je résiste à tout sauf à la tentation du calembour…
A lire vos commentaires, lectrices chéries, j’ai soudain compris pourquoi le curé n’a pas l’opulente panse de l’archevêque.
Comme vous l’allez voir, être curé était une vocation qui nécessitait un appétit modeste car le jeûne n’arrivait pas que le vendredi.
Ma mère, comme beaucoup de mères, n’avait qu’une confiance relative dans la piété de ses enfants.
C’est d’ailleurs pourquoi seule ma grande sœur fit « sa communion » et je tiens de l’actrice qu’elle la fit dans le but clair mais inavoué d’avoir en cadeau une montre.
Elle n’eut hélas qu’une timbale en métal vaguement, très vaguement, argenté.
Bien qu’elle n’eut aucun doute sur notre mécréance, ma mère avait néanmoins besoin d’un peu de calme le dimanche matin et nous envoyait à « Notre Dame du Bon Conseil ».
Riches de quelques pièces de deux francs, un franc, plus rarement cinq francs, nous partions.
L’honnêteté m’oblige à vous avouer que nous ne partions pas à la messe.
Non, nous allions vers l’église, ce qui n’est pas la même chose.
Pour le plus grand malheur du curé, le sort voulut que le chemin qui mène à « Notre Dame du Bon Conseil » fut semé d’embûches.
Les deux plus grandes étant la boutique de « la mère Gueule », oui elle s’appelait « Gueule » et « la boutique rose ».
La mère Gueule vendait des journaux et des bonbons.
Les bonbons c’était surtout pour attirer chez elle les enfants qu’on envoyait chercher le journal.
« La boutique rose » était celle dévolue entièrement à la confiserie.
Celle « pour les grands » avec des dragées et des chocolats et celle pour les enfants normaux, pas des vieux ni des mariés et qui nous vendait des tas de trucs dont le « Coco Boer », les « roudoudous » et les « soucoupes » ou, les jours de dèche c'est-à-dire tous les jours, des « caramels à un franc ».
En vous lisant je me suis aperçu, lectrices chéries, que vous n’êtes pas plus sérieuses que moi et que « les sous de la quête » ont eu plus d’effet sur l’économie de la confiserie et notre glycémie que sur le tour de taille du curé…
Nous étions des voleurs.
Pire, nous entôlions le bon dieu !
C’était pas bien, je sais.
Mais c’était tellement bon…
Quelle idée aussi de demander à des enfants de résister à la tentation…
On n’est pas assez fort.
10:12 | Commentaires (11)
lundi, 01 février 2016
Un drôle de coco...
Hier, Heure-Bleue et moi avons commencé par un des douze mille désaccords qui occupent nos jours depuis longtemps.
- Minou, tu te rappelles les « roudoudous » ?
- Oui, ces coquillages avec une cuiller de bonbon coulée dedans…
- Ah mais non ! Les « roudoudous » c’est pas ça !
Elle avait ouvert FB et était tombée sur une histoire de « roudoudous » et dans son idée, c’était autre chose.
J’ai cherché des images de ces fameux « roudoudous » et ai montré à la lumière de mes jours ceux que je connaissais.
Là, une autre image de toutes ces saletés qu’on ingurgitait quand nos maigres moyens nous les permettaient nous a sauté aux yeux.
Un truc immonde quand on y pense.
Surtout après la révision de « ce qui est bon pour la santé » en vogue aujourd’hui.
Oui lectrices chéries ! Je vous parle du « Coco Boer » !
Ces petites boîtes en fer-blanc, laquées de couleurs vives et variées contenaient une poudre dont je n’ai jamais rien su de la composition.
Je sais seulement qu’aujourd’hui les règlements de la Commission Européenne l’auraient mise hors la loi.
Il ne nous serait jamais venu à l’esprit, à mes sœurs, mes copains ou moi, de faire ce pour quoi étaient faites ces boîtes : En diluer le contenu dans de l’eau pour en faire une boisson.
On glissait la boîte dans la bouche et on la suçotait jusqu’à percevoir le goût de réglisse.
Vu la qualité de l’usinage, on s’écorchait souvent la langue et le premier goût perçu était surtout celui de ferraille suivi de celui de la laque.
L’avantage de ces petites boîtes était qu’il s’écoulait un temps fou avant qu’elles ne perdissent leur goût.
Le plaisir cessait quand le goût de ferraille reprenait le dessus sur celui, de plus en plus ténu, de la réglisse.
Sinon, on crachait la boîte dans sa main, on la glissait dans sa poche et elle reprenait sa place sur la langue à la récré suivante.
Bon, dans nos poches, il y avait assez de miettes et de débris pour assurer l’en-cas de la récré mais ça assurait efficacement cette « vaccination du caniveau » qui fit de notre génération la dernière à n’être pas trop affectée par toutes ces pathologies dues à la propreté clinique qui frappent les générations suivantes…
Hélas, trois fois hélas, quand la salive avait enfin réussi à vaincre le joint collant qui scellait la boîte et que le goût de la réglisse arrivait enfin sur la langue il fallait remettre la boîte dans sa poche et retourner en classe.
Heure-Bleue est indignée par ce que j’écris.
En fait elle me dit « Mais t’étais dégueulasse ! Les filles ne font pas ça ! »
Elle, nette comme une porcelaine « coquille d’œuf », briquée comme un louis d’or et maniaque de la propreté, jetait la boîte avant de retourner en classe.
Moyennant quoi elle est pleine d’allergies diverses qui lui pourrissent la vie.
« Mais bon, en même temps » comme disent les « djeuns », elle a une peau si… Tellement… Que bon, hein….
Cela dit, une boîte de « Coco Boer » scellée au « mélange bave-réglisse » pouvait ainsi traîner, de poche en récrés, près d’une semaine.
Bon, en réalité, je n’aime pas la réglisse, mais j’ai tenté la boîte de coco et je l’ai traînée jusqu’au bout, suçotant pendant plusieurs jours mon petit bouillon de culture perso.
J’ai préféré nettement la version « cachet Kalmine » du « mistral gagnant », ces énormes cachets contenant une poudre blanche acidulée, qu’est-ce que c’était bon !
J’en salive encore.
D’ailleurs je pique dans la boîte de bonbons de Merveille de ces petits machins élastiques acidulés.
Je me fais disputer par l’Ours et Heure-Bleue.
Merveille, comme dit Verlaine « elle m’aime et me comprend » et surtout m’en donne…
09:06 | Commentaires (27)