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jeudi, 27 juillet 2023

Un souvenir comme ça…

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Je suis arrivé tôt et je suis entré chez ma mère.
Je me suis préparé un café et j’ai pris « Mots fléchés, mots croisés, mots cachés » sur la table.
Mon dieu, quelle table…
Un bordel incommensurable car tout devait être à portée de sa main.
Et elle était petite, alors ça faisait des tas.
Elle m’a entendu et est arrivée, commençant ce que j’avais entendu dix mille fois sans y prêter attention.
« Eh bien… Au bateau… »
Aïe, la journée commence mal.
- Oui maman ?
- Au bateau…
- Oui, au bateau…
- Quoi « au bateau » ?
- Je ne sais plus… Ah si, maman disait…
- Oui…
- Je ne sais plus, mais on était bien.
- Tu veux du café, maman ?
- Oui mon fils, toi tu le fais bien.
- …
- Il n’y a plus que toi qui sais le faire, les autres…
- Bon, je vais faire du café.
- N’oublie pas la petite couche de chicoré dans le fond du filtre parce que...
- Je sais maman !!!
Je reviens avec le café.
Elle se sert, met au moins cinq cuillers de sucre, on dirait moi quand j’avais douze ans et que je revenais du lycée.
Et elle recommence.
- Au bateau…
Je soupire.
Elle prend son recueil de « mots fléchés »  et quelque chose attire mon attention.
- Passe moi tes « mots fléchés » maman.
Regard noir de ma mère.
Je soupire et dis « S’il te plaît ».
Là elle sourit. Enfin.
Je regarde et je suis effrayé.
- Tu as vu ce que tu as écrit, maman ?
- Oh tu sais, quand ton père est mort, je me suis assise là…
- Oui, mais tu as v…
- J’ai regardé le mur et j’ai attendu la mort.
- Bon, tu es là et tu as vu comment tu as fait ces « mots fléchés » ?
- Je m’en fous, j’ai attendu la mort pendant six mois…
La mort est venue dix-sept ans plus tard.
Pendant ce temps là, nous avons entendu « au bateau... » et nous n’avons pas vu que ma mère avait perdu les pédales.

mercredi, 26 juillet 2023

La disparition…

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Belle image de ces dernières années, non ?
Elle m’est inspirée par la note d’Adrienne.
Au hasard de mes lectures, j’ai appris qu’une petite ville côtière écossaise était tombée dans une dèche sévère.
Elle vivait de la pêche de crevettes et bouquets, les décortiquait, les emballait, en faisait des conserves et les distribuait dans le pays, voire les exportait.
Un économiste spécialiste du marché du crustacé plus que des dégâts de son métier s’avisa que le seul avantage de ce coin de l’Écosse était que ces crevettes y avaient élu domicile au lieu de sagement choisir de vivre dans les eaux bangladaises ou vietnamiennes.
En effet, si pêcher ces crevettes et bouquets était indispensable, les ouvriers chargés de décortiquer, et préparer ces bestioles représentait un coût qu’il fallait évidemment réduire.
Las, le côté « local » de la marque séduisant le client au penchant écologiste, client à ne pas négliger car « un sou est un sou », l’empêcha de délocaliser la totalité du travail nécessaire à la vente des bestioles.
Il eut donc une idée géniale et en convainquit l’industriel et les pêcheurs du coin.
Il fut donc décidé de les envoyer pêcher les crevettes avec des bateaux plus gros, d’en charger des bateaux encore plus gros et d’envoyer le tout au Vietnam.
Là, de petites mains vietnamiennes, appartenant à des entreprises vietnamiennes débarrassées de ces coûts superfétatoires que sont les cotisations retraite, les assurances santé, le droit du travail ou pire encore les syndicats, décortiquèrent les crevettes et les renvoyèrent en Écosse pour être enfin emballées et vendues.
Elles étaient évidemment vendues un peu plus chères, car il n’était pas question de faire cadeau au client des menus frais de transports causés par un aller-retour de la moitié de la planète.
Globalement, tout compris, l’actionnaire de la crevette est satisfait car le prix de revient de la crevette rendue dans l’assiette est plus bas donc la marge plus élévée.
On ignorera délibérément tous ces coûts cachés que sont la destruction des familles abîmées par le chômage, la dispersion des habitants pour cause de disparition des entreprises, la mort des villages écossais alentour, la paupérisation du coin.
Enfin ! Voyons ! Pensons à Mr Schumpeter et sa « destruction créatrice », qui n’enrichit pas ceux qui font désormais le travail, appauvrit ceux qui le faisaient auparavant et concourt activement au bien-être des fabricants de containers.
« Après tout », dit l’économiste, « on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs ! »
qui ajouta in petto « du moment que je ne suis pas l’œuf… »

mardi, 25 juillet 2023

Le magicien dose.

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Oui, je sais…
Il y a peu, un commentaire de Fauvetta, cette lectrice chérie qui a de si beaux yeux verts, m’a « titillé la comprenette ».
Croire que le pathos est systématiquement à proscrire au profit du logos est une erreur du même type que proscrire quasi systématiquement le social au profit de l’économie...
Et toujours avec le même type d’explication «si l’économie ne va pas, on ne peut pas faire de social».
C’est l’illusion permanente que seule la raison doit présider à nos choix.
Ce type de raison qui fait que si on réfléchit aux causes qui font soudain courir les gazelles, la gazelle qui réfléchit se retrouve avec quatre crocs plantés dans la gorge...
C’est grâce au logos qu’on est allé sur la Lune mais on n’aurait pas dû oublier que c’est grâce au pathos qu’on a rêvé à aller sur la Lune et que l’espèce ne s’est pas éteinte parce qu’on a rêvé à des choses étranges et irrationnelles.
L’amour par exemple...
On aurait évité de faire en sorte que le profit ne devienne le moteur de nos actions et nous transforme en une espèce insatiable.
Nous aurions probablement abandonné l’idée de faire le premier enfant.
D’autant que depuis, à part s’entretuer « en un combat douteux » on a juste salopé notre monde.
Si le logos avait vraiment pris le dessus sur le pathos, nous aurions réfléchi aux conséquences de tous nos comportements et nos actes.
On était pourtant prévenu car, si l’on en croit la Bible, dès qu’ils furent deux, la première bavure répertoriée fut que l’un tua l’autre…

lundi, 24 juillet 2023

Il y a des jours comme ça…

Tout était presque parfait.
Je n’avais pas oublié de lui souhaiter son anniversaire dès le matin.
À peine ses yeux clairs ouverts, clairs au point d’éclairer le plafond de la chambre, je l’avais embrassée.
Je lui avais dit « Bon anniversaire, lumière de mes jours ».
Je m’étais levé, lui avais préparé son petit déjeuner.
Elle m’a dit « Tu sais quoi ? J’ai envie d’une « tropézienne », une de Cyril Lignac », excusez du peu.
Mais bon, c’était son anniversaire alors ma toilette faite, j’avais pris le bus pour aller lui chercher la « tropézienne » dont elle avait envie.
Arrivé rue Bayen, près de la place des Ternes, j’ai remonté la rue qui était d’un calme rare.
Je suis arrivé à la pâtisserie que Mr Lignac y avait ouverte.
Il y avait déjà une queue qui rappelait une boucherie moscovite en 1961.
J’ai attendu en regardant le présentoir plein de trucs qui sentaient le diabète de type II rien qu’à les regarder.
Quand mon tour est enfin arrivé, la charmante dame m’a d’entrée prévenu qu’il n’y avait plus de « tropézienne » depuis deux heures…
Alors je suis revenu à la maison car la lumière de mes jours n’aime pas les tartelettes aux fruits, les seules qui restaient.
J’ai donc repris le bus.
J’ai proposé de lui faire une tarte aux pommes, une « tarte fine » comme elle les aime.
J’ai ouvert la pâte feuilletée livrée dans la semaine.
Las… Elle était vraiment périmée au point de ne pas sentir du tout le beurre ni la pâte feuilletée.
Alors je suis descendu acheter une pâte feuilletée.
J’ai épluché et découpé les pommes qui promettaient d’être délicieuses, fondantes et tout.
J’ai légèrement saupoudré de sucre la tarte, puis y ai mis les quelques noisettes de beurre qui en assurent le côté doux nécessaire.
Je l’ai enfournée dans le four, réglé à 180°C, décidé à la surveiller pendant les vingt à trente minutes nécessaires.
Je suis allé chercher sur le Net un renseignement sur un détail sans importance.
Je me suis arrêté à la lecture des commentaires chez les uns et les autres.
J’ai été sorti de ma recherche par l’odeur de pâte « un peu trop cuite ».
Je me suis précipité, me suis rappelé que je n’avais jamais utilisé la minuterie du four qui, de toute façon fait ce qu’il veut.
Le résultat est l’illustration parfaite de « Il y a des jours comme ça… »

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samedi, 22 juillet 2023

La réalité dépasse l’affliction

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Aller sur les blogs quand il fait trop chaud, qu’on soit écriveur ou lecteur, c’es un coup à s’engueuler avec tout le monde…
Les écrits y sont incomplets, mal formulés et empreints de grogne et ne donnent pas une image enthousiasmante de « l’écriveur ».
Ce que voit le lecteur l’est au travers de sa vision du monde, celle qui tient d’abord compte de son propre environnement et n’a donc pas de raison d’améliorer  son humeur de lecteur.
C’est la porte ouverte à des échanges houleux qui ne demandent qu’à devenir tempêtueux.
C’est trop souvent la preuve que le principal obstacle à la communication reste le langage…
Bref, ce matin il fait plus frais et c’est mieux.
Cela dit, le seul œil  qui fonctionne chez moi a été rendu effrayant par un geste maladroit qui nous a conduits, la lumière de mes jours et moi, chez l’ophtalmo.
La rareté des bus, le tracé des lignes rendu approximatif par les travaux, tout cela rend hasardeuse la ponctualité de rigueur chez des gens qui vous attendent dans l’heure.
Nous avons donc pris un taxi.
Ça rapproche la fin du mois d’une semaine, facile…
Pas moyen de faire autrement vu les délais habituels pour voir ( !) un ophtalmo.
Dites-vous que quand vous venez d’entrer dans la puberté, si vous prenez rendez-vous chez un ophtalmo, il vous prescrira des lunettes pour compenser votre presbytie quand vous le verrez enfin…
J’ai donc eu la peur de ma vie quand je me suis mis férocement le pouce dans le seul œil qui voit en m’essuyant les cheveux.
À voir cet œil sanguinolent au point d’effrayer Heure-Bleue, je me suis senti devenir aveugle.
Un vrai aveugle, celui à qui il est inutile de dire « bonne nuit » vu qu’il est toujours dedans.
Sortis rassurés de chez l’ophtalmo dotée de super-pouvoirs qui s’occupe de nos yeux depuis plusieurs années, nous nous sommes arrêtés dans un café pour déjeuner et nous sommes revenus à la maison.
« Épuisés mais ravis » comme dit Aznavour dans « La Bohème ».
Le passage d’un arrêt sur une ligne à un arrêt sur une autre ligne nous a, comme toujours permis de marcher les deux kilomètres quotidiens que nous nous sentons obligés de parcourir.
Vous êtes vous déjà mis une pommade cicatrisante sur un œil ?
C’est bizarre, et surtout ça rend la vision floue parce que c’est assez gras.
Bref, je chougne comme un mec qui a quelque chose, quoooâââ.