jeudi, 25 janvier 2024
La palme dort...
Il faisait beau.
Comme souvent quand la météo nous promet un temps pourri, c’est sous un soleil tiède et une température agréable que nous sommes allés attendre le bus pour aller chez le médecin.
Nous avons attendu vingt minutes un bus qui quelques années plus tôt arrivait dans les cinq à sept minutes.
Le trajet fut chaotique tant les travaux dont le but nous échappe empêchaient la circulation.
Pour la millième fois depuis que nous nous sommes mariés à la mairie du IIIème arrondissement, nous sommes passés par le square du Temple.
Le temps était printanier.
Nous venions de boire un café au « Café de la Mairie » et sommes entrés dans ce square que je connais depuis 1966.
C’est là que nous avons constaté que le printemps était déjà à l’œuvre.
Les « merdouniers du Japon », ces fleurs jaunes dont je ne me rappelle jamais le nom, avaient éclos en foule dans les buissons nombreux du square.
Mieux encore, la pelouse qui entoure la mare était devenue le « coin de drague » des canards.
J’en ai saisi un en train de jeter une œil appréciateur sur une cane qui évidemment faisait semblant de l’ignorer mais balançait son « empennage arrière » de façon suggestive, appréciant l’intérêt du colvert qui la matait effrontément.
Non mais regardez ce canard !
Bref, la marche habituelle du monde reprenait, avec un bon mois d’avance.
Nous nous sommes arrêtés au Monop’ de la République, à la station Temple pour y acheter quelques vivres et une lampe de poche.
Ce fut l’occasion d’un accrochage avec la lumière de mes jours.
Elle voulait une lampe de poche pour pallier les aléas de la minuterie de l’escalier du médecin.
Quoique que peu sensible à l’aspect poétique de la nostalgie, elle jeta son dévolu sur une lampe telle celles des années cinquante, épaisse, large, et qui en aucun cas ne pouvaient entrer dans son sac à main.
J’ai opté pour un format « torche », long et mince qui se glisserait aisément dans le sac à main.
Je me suis fait disputer, traiter de dictateur, elle alla jusqu’à me dire « je l’aurai mise dans ma poche.
Elle oubliait évidemment que, la connaissant depuis plus d’un demi-siècle, la poche dans laquelle elle mettrait la lampe ne serait pas dans le vêtement qu’elle aurait mis.
Que de toute façon, la lampe serait probablement restée posée à côté de son ordinateur, comme son téléphone qui reste souvent à la maison.
Bref, elle fit la tête jusqu’à ce que le spectacle du boulevard nous occupe et nous permettent converser de nouveau.
Mais quand même, ces canards me semblent plus fiables que Météo France.
10:41 | Commentaires (3)
mercredi, 24 janvier 2024
Une vie d’ange.
Hier matin, nous avons entendu à la radio l’interview du mari de Clémentine Vergnaud.
Cette jeune journaliste emportée à vingt-et-un ans par cancer des voies biliaires.
Ce pauvre homme avait la voix nouée et se retenait pour ne pas pleurer à l’antenne.
Nous l’écoutions, bouleversés par la détresse de ce garçon qui est resté aux côté de sa femme jusqu’à son dernier souffle.
Hier soir, nous parlions de la douleur de la perte d’un être cher.
Heure-Bleue a rappelé ce pauvre garçon au bord des larmes au micro de France Inter.
Nous nous sommes demandé dans quel état nous serions si un tel malheur nous frappait.
J’ai tenté de la rassurer.
Pas très adroitement je dois avouer, je lui ai dit « N’aie pas peur, ma Mine, je te pleurerai longtemps… »
Bilan, elle m’a traité de « couillon »…
Elle aurait pu me demander, le regard un peu inquiet « Tu m’aimeras quand même ? »
Alors, tel Orlando à Rosalinde » j’aurais pris sa main et répondu « L’éternité plus un jour. »
Ce qui aurait quand même eu une autre gueule, non ?
Mais non, ce « Pfff... Couillon... » a tué un instant qui eût pu être inoubliable.
Mais où est passé le romantisme, ce trait de caractère majeur de la lumière de mes jours qui la rend si sentimentale par moment ?
09:14 | Commentaires (8)
lundi, 22 janvier 2024
Devoir de Lakevio du Goût No 183
Hopper ne rime manifestement pas avec « hoper »…
Je suppose que vous en étiez déjà aperçus.
Indécis ce matin, je vous propose de choisir entre ces deux œuvres, celle qui illustre le mieux l’idée que vous vous faites de la solitude.
Dites la solitude.
Comme tout le monde vous en avez connu les heurs, heureux ou malheureux j’en suis sûr.
À lundi…
Je me suis accoudé au comptoir à côté d’elle.
Elle semblait seule et désabusée, contemplant ses ongles vernis comme si elle venait de faire leur connaissance.
Elle n’avait pas encore touché sa tasse de café.
Moi non plus, pas plus joyeux qu’elle.
C’est ça ! Nous n’étions pas joyeux !
Pour elle je ne sais pas mais j’avais quant à moi mille raisons de traîner mon vague à l’âme.
Ce n’était pas une question de fortune, non.
Plutôt une question de « bonne fortune », le genre de bonne fortune qui met fin à un célibat devenu pesant.
Les seules voix que j’entendais après une journée de travail inintéressant dans un bureau où je travaillais seul étaient celles de la radio de la cuisine le matin avant de partir et celle de la télévision le soir pendant que je dînais.
La seule personne face à mon assiette était celle qui racontait des inepties sur l’écran.
Je n’ai pas même fini mon assiette, laissant plus de la moitié d’une pizza à la pâte ramollie.
Je me suis levé, poussé par une envie irrépressible de voir de « vraies gens », des gens qui parlent, qui sont vivants, qui ne me donnent pas l’impression d’être coincé sur une île déserte animée par la télévision ou la radio.
Le bar à l’angle de la rue, deux « blocks » plus loin était éclairé.
J’y suis entré et ai immédiatement été attiré par la chevelure de la seule femme du bar.
Elle semblait s’ennuyer autant que moi.
J’ai regardé devant elle et ai dit au barman « Moi aussi un café s’il vous plaît. »
Elle s’est tournée vers moi, j’ai incliné la tête et levé brièvement mon feutre en guise de salut.
Elle a incliné les yeux, accueillant poliment mon salut et acceptant de facto que je lui adresse la parole.
Ça m’était resté, ces façons « homme du monde » malgré les revers de fortune qui m’avaient coûté mon couple et mes avoirs…
Après quelques minutes de conversation plus chuchotée que parlée, nous avons échangé un regard qui disait clairement que nous étions d’accord pour faire disparaître un moment cette désastreuse sensation de solitude qui nous habitait.
Il fallait évidemment y mettre encore un moment les formes, histoire de n’être pas que des bêtes cherchant le réconfort dans un lit.
Au dernier moment, allongée sur mon lit, elle s’est ravisée.
Il était à la fois trop tôt et trop trad.
Ce qui protégeait sa vertu avait été trop vite éloigné pour qu’en perde une miette.
Elle s’est retournée en disant « Non… Non… Pas maintenant, pas aujourd’hui… Ne m’en veux pas, je n’ai pas la tête à ça. »
Plus désolé que frustré je suis resté assis sur le lit pendant qu’elle se tournait, priant sûrement que je n’abuse pas de la situation.
Je n’en ai pas abusé, nous étions simplement aussi seuls, elle moi, que lorsque que je suis entré dans le bar.
Nous étions seuls, encore seuls, mais dans la même pièce.
Mais à quoi rêvions nous ?
À nos âges nous savions pourtant qu’un moment dans un lit peut être agréable mais ne vainc pas la solitude, la vraie.
J’ai posé le bouquin que j’avais ouvert quand elle s’est tournée, aussi désespéré que quand j’avais abandonné mon reste de pizza...
11:57 | Commentaires (20)
vendredi, 19 janvier 2024
183 ème Devoir de Lakevio du Goût.
Hopper ne rime manifestement pas avec « hoper »…
Je suppose que vous en étiez déjà aperçus.
Indécis ce matin, je vous propose de choisir entre ces deux œuvres, celle qui illustre le mieux l’idée que vous vous faites de la solitude.
Dites la solitude.
Comme tout le monde vous en avez connu les heurs, heureux ou malheureux j’en suis sûr.
À lundi…
10:24 | Commentaires (7)
mardi, 16 janvier 2024
Solidarité
Heure-Bleue et moi sommes allés hier déjeuner dans un café qu’on aime bien.
Ils y font des « œufs mayo » que j’aime beaucoup car ils sont comme ceux de ma jeunesse, c’est-à-dire avec une mayonnaise qui n’est pas blanche et fade ni ne sort d’un seau aux normes UE.
Bon, l’œuf en question a un côté œuf de colibri mais on ne peut tout avoir…
Nous sommes revenus à la maison par un froid si froid qu’on aurait dit un froid non seulement glacial mais polaire et j’ai passé une commande à Monop’.
Ce matin, la lumière de mes jours, alors que nous rangions les courses reçues dont un « réassor » de sel et de poivre, m’a demandé si nous stockions comme faisait ma mère en cas de tensions internationales.
Je me suis rappelé la solidarité entre locataires j’en vins à penser à la vie des immeubles où nous habitions quand nous étions petits.
Elle et moi avions des amis chez qui nous allions et des amis que nous ne voyions qu’a l’école ou sur le chemin de la maison.
Très rarement nos parents, jamais en réalité, ne voyaient les parents de ces amis.
Dans mon coin de vers la Porte de Clignancourt de quand j’étais môme, nous manquions de tout sauf de voisins.
Mes parents eux, « copinaient » vaguement avec quelques-uns.
Notre palier, au quatrième et dernier étage, comptait trois portes.
Enfin, quatre avec la porte derrière laquelle nous n’avons jamais su ce qu’il y avait.
Il y avait trois portes de logement, donc.
Immédiatement à droite de la nôtre, il y avait « le père B. », ancien comptable de son état et que sa solitude poussait à boire sa retraite.
Il eut de sévères engueulades avec ma mère car il se saoulait uniquement au vin rouge et ma mère détestait les mauvaises surprises.
Du genre, au départ pour l’école « Beeeuuuaaarrkkk ! Maman ! Le père B. a encore dég… euh… vomi devant chez lui ! »
Le problème était que nos portes étaient contiguës et à angle droit et donc « devant chez lui », c’était exactement pareil que « devant chez nous ».
À part « le père B. » que mon père, voyant sa porte ouverte, découvrit un jour étendu raide mort dans son entrée, nous avions des voisins que mes parents aimaient bien, les S.
Comme rien n’est parfait, ils avaient un fils, Serge, qui ne nous aimait pas trop et à qui on le rendait bien.
Madame S. était une femme très gentille, très brune et très frisée et son mari arrivait souvent le soir chez nous en disant « Gaby, t’aurais pas une cigarette ? J’ai oublié les miennes au boulot. »
Ça durait généralement jusqu’à ce que mon père lui tende une cigarette en disant « Tu m’en passeras une demain ? Tu dois bien en avoir vingt cartouches au boulot maintenant… »
Monsieur S. faisait un peu la gueule et ça lui passait quand madame S. donnait en douce un paquet de cigarettes à ma mère mais le message passait et monsieur S. offrait une cigarette à mon père quelques soirs de suite…
C’était encore une époque où les voisines, majoritairement « sans profession », c’est-à-dire s’échinant à s’occuper des gosses et à en faire des humains civilisés, se rendaient volontiers service.
Que ce soit pour emprunter un œuf, de l’huile ou de la moutarde.
Parfois du lait, su sucre ou de la farine les jours où l’ambiance était aux gâteaux.
En revanche tout le monde craignait la décision stupide du colinot.
Tout le monde, quelle que soit la profondeur de la dèche ou l’ignorance culinaire, savait que colinot était synonyme de mayonnaise.
Et la mayonnaise du 21 du mois allait mettre à contribution la moitié de l’immeuble…
Une chose toutefois ne manquait jamais.
Tout l’immeuble connaissait un dicton dont personne n’avait vérifié le bien-fondé mais que tous respectaient au pied de la lettre : « Plus de sel, plus de sous ! »
Le manque de sous était fréquent et n’attendait pas la fin du mois pour se faire sentir. On est venu emprunter du poivre à ma mère, des câpres à madame M., des œufs à madame S.
Après dix-sept ans de résidence dans cet immeuble, je n’ai pas souvenir de quelqu’un ayant emprunté du sel.
Manque de sous souvent, manque de sel jamais...
Quoique put en penser ma mère, il n’y a jamais eu tant de différence qu’elle croyait entre des immeubles de petites gens des années cinquante ou soixante, qu’ils fussent arabes, italiens ou gaulois…
15:06 | Commentaires (7)