jeudi, 19 mai 2016
Rage dedans…
Ça a mal commencé.
Mais on a bien ri après, rien qu’à repenser à la tête de l’architecte.
L’expert est venu accompagné de l’architecte, d’un type du bâtiment et de la dame du syndic.
L’architecte fait partie de ceux qu’on devrait condamner à vivre dans ce qu’ils conçoivent comme bâtiment.
Ou pire : En face.
Et puis, comme il est architecte il est sûr qu’il peut toiser l’habitant de son œuvre.
Hélas, trois fois hélas, la réalité est cruelle et les faits malheureusement têtus.
Heure-Bleue commente la longue série de problèmes rencontrés auprès de la représentante du syndic qui est une femme charmante.
L’expert, lui, est quelqu’un que nous connaissons pour l’avoir déjà rencontré.
Il est affable et a de la mémoire car il me remercie à voix basse de lui avoir donné lors de sa dernière visite la méthode pour calculer facilement un angle avec une calculette et un double-décimètre.
L’architecte, lui, est en posture de combattant.
C’est un homme qui est pourtant censé gagner sa croûte en convaincant le client que ce qu’il fait est une merveille et que par conséquent il sait qu’on n’attrape pas les mouche avec du vinaigre.
Ben non !
Il commence par me demander ce qui cloche.
Je lui montre la champignonnière qui a élu domicile sur le mur qui jouxte la baie vitrée.
Je lui parle de la dérive de la fenêtre, malheureusement équipée de charnières pour huisserie en PVC alors que c’est une huisserie aluminium.
Ce brave garçon me jette, plein de mépris :
- Qu’est-ce qui vous permet de dire ça ? De quelles connaissances disposez vous ?
- Ben, je ne suis pas architecte ni menuisier…
Un sourire carnassier commence à fleurir sur le visage de l’architecte.
- Alors ? Qu’est-ce qui vous fait croire que ce ne sont pas les bonnes pièces ? Hmmm ?
- Oh, je ne jurerais pas que je serais capable de monter une fenêtre…
- Vous voyez bien, je me demande pourquoi vous dites ça.
- Eh bien, je ne suis pas architecte, vous disais-je mais ingénieur, j’ai une assez bonne idée des lois de la mécanique.
- Aaahh…
- Si les avions étaient fabriqués comme ça, vous monteriez dedans ?
- Euh…
Il m’a haï pile poil à ce moment là et m’a expliqué longuement qu’il passait beaucoup de temps à contrôler mais qu’il ne pouvait pas surveiller tout le monde.
Sa haine est devenue inexpiable quand je lui ai demandé si cet immeuble avait été réellement « recetté ».
Heure-Bleue lui a dit tout ce qui clochait et que l’immeuble avait été « fait à vue de nez, comme le bon dieu a fait les bossus ».
Il l’a haïe elle aussi.
Il m’a dit que le responsable du bâtiment était le promoteur, pas lui.
L’expert buvait du petit lait.
Il a pensé, lui, à demander une bassine d’eau et à vérifier un truc que l’architecte aurait dû vérifier lui-même.
Du coup il a achevé l’architecte en lui signalant que la pente d’évacuation des eaux pluviales était dans le mauvais sens et favorisait les infiltrations, qu’il allait falloir déposer toute la baie et faire quelques travaux de maçonnerie.
C’est le problème des gens comme ça, ça pense que les retraités sont des analphabètes craintifs.
Ça a oublié que les « petit vieux soixantehuitards » ça ne se laisse pas impressionner si facilement.
Même par un architecte.
08:42 | Commentaires (17)
mercredi, 18 mai 2016
Ah la la, sacré cœur, va !
On avait rendez-vous avec une amie bien connue des blogueurs de ma liste de favoris pour ses images.
Nous devions, elle, Heure-Bleue et moi, nous retrouver à la brasserie « Le Barbès ».
En face du « Louxor ».
Descendus du 54 à « Barbès-Rochechouart », nous avons traversé le boulevard et nous sommes arrêtés devant le « Louxor », aussi beau mais plus propre que quand j’étais petit.
Je n’ai pas pu résister.
Pendant que la lumière de mes jours regardait ce qui était affiché, je suis entré.
La caisse n’était plus au même endroit.
Un « vieux » papotait avec la jeune caissière.
Elle l’écoutait patiemment avec un peu d’affection dans le regard.
Elle m’a demandé ce que je voulais.
- Les places, quand c’est au premier ou au deuxième balcon, c’est le même prix ?
- Oui monsieur…
Le vieux a laissé échappé un petit rire.
La caissière a dit :
- Ah oui ! On m’a dit que plus on était en haut, moins c’était cher !
- Ah ! Vous voyez !
- Oui, mais ça, c’est ma grand’ mère qui me l’a dit, maintenant c’est le même prix partout…
Le « vieux » et moi on s’est regardé, on a haussé les épaules et je suis ressorti.
Nous nous sommes engagés dans le boulevard Barbès, Heure-Bleue voulait voir ce qu’était devenue la rue de la Goutte d’Or.
On nous a proposé, sur quelques dizaines de mètres, des « Marlboro » de contrebande, de nous désenvoûter, tout ça.
Heure-Bleue m’a serré le bras plus fort que d’habitude, inquiète, ça m’a rappelé quelque chose qui ne date pas d’hier sur ce boulevard.
Heure-Bleue, qui a l’impression de tomber dans un coupe-gorge dès qu’on s’éloigne du parc Monceau, a renoncé et nous sommes entrés à la brasserie « Le Barbès ».
On s’est installé devant la vitrine qui fait face à la sortie du métro, « ligne 2 » d’où devait normalement sortir notre amie.
Ce qui arriva.
Après un autre café, nous sommes sortis, soulagés de quitter un endroit où la sonorisation empêche d’entendre ce que disent ceux avec qui on parle.
Nous sommes allés tout de même rue de la Goutte d’Or.
Puis, nous avons remonté le boulevard de Rochechouart jusqu’à la rue d’Orsel et nous sommes allés nous asseoir sur un banc du Sacré-Cœur.
Je ne me rappelle pas quand le sable a été partout remplacé par de l’asphalte mais aujourd’hui, les allées ressemblent toutes à des autoroutes.
Des choses subsistent néanmoins, une boutique de souvenirs sur la place Saint Pierre, face au jardin, n’a pas changé depuis que je suis entré en sixième.
Si, peut-être le tenancier.
Mais pas le store, toujours jaune, seule a disparu la mention « Pellicules Kodak »…
Nous avons écouté, puis « accompagné », sauf Heure-Bleue qui chante faux, « La vie en rose », « J’suis snob » et « Les roses blanches ».
Nous avons reculé de soixante ans ou plus pendant un moment.
Les unes n’avaient plus mal au dos ou aux pieds, je n’avais même plus mal au genou droit.
Ce fut vraiment une chouette journée, avec juste ce qu’il faut de souvenirs pour faire un petit peu mal aux âmes, vous savez, cette sensation bizarre dont ne sait pas bien si on a mal ou si c’est du bonheur.
Mais il y avait assez de joie pour que ça passe très bien.
On est retourné boire un café rue Ronsard, à la « Halle Saint Pierre » où ils ont une librairie super chouette, pleine de livres de poésie.
Je n’aime toujours pas Michaud mais bon…
Pour être sûr que ça passe encore mieux, j’ai fait des « spaghetti alla carbonara » en rentrant.
Vraiment chouette, cet après-midi.
Si si, lectrices chéries, je vous assure, vraiment chouette…
10:16 | Commentaires (11)
mardi, 17 mai 2016
Période décès…
La note de ma camarade Heure-Bleue, son « devoir de Lakevio », a ravivé chez moi un souvenir plutôt épouvantable.
Là où vivaient mes grands-parents maternels, mes parents connaissaient une famille.
Les H., ils n’étaient pas bien riches, pas plus que nous.
Je crois que le père, qui m’avait frappé autant par sa maigreur que par son teint violacé, travaillait à l’usine Hutchinson.
J’ai encore dans les yeux l’image de la mère, les mains rouges de trop de lessives, les doigts piqués de trop de reprises, les yeux rouges de trop de chagrins et les cheveux ébouriffés de pas assez de coiffeur.
Quasiment « Les misérables » à deux pas de Montargis.
Oui, on prenait le train pour Montargis pour aller voir ma grand’mère et mon grand-père.
Sur la petite cartonnette de la SNCF c’était écrit , « Montargis 119 km – 2ème Classe -50% Famille nombreuse. »
Madame H. me paraissait vieille mais en ces temps, tout le monde me paraissait vieux, sauf mes petites sœurs et mes copains de pension.
J’ai appris plus tard qu’elle n’était pas si vieille, qu’elle n’avait pas quarante ans quand c’est arrivé.
Elle était gentille et avait probablement été jolie mais était déjà abîmée par l’arrivée trop précoce de quatre enfants trop rapprochés.
Le plus vieux avait dix-huit ans et était déjà parti.
La jeune fille avait quelque chose comme dix-sept ans.
Le cadet avait autour de quinze ans.
Il était inscrit à la fanfare et s’entraînait à jouer de la trompette dans l’appartement exigu…
Il avait un regard un peu méchant et la bouche perpétuellement mouillée.
La trompette sans doute…
La benjamine avait une dizaine d’années, la bouche toujours mouillée elle aussi et semblait dotée d’un entendement limité.
Heureusement, madame H. ne m’a jamais demandé de les embrasser.
Il l’auraient fait aussi et j’aurais pensé que c’était dégueulasse.
La dernière fois que je suis allé chez madame H., c’est quand ma mère est allée l’aider à préparer la cérémonie.
La jeune fille s’était retrouvée enceinte d’un gamin qui avait préféré s’enfuir.
Le désespoir de sa mère et la colère du père furent tels qu’elle se jeta dans le Loing.
Dans le bras de la rivière qui passait près du « pont du canal », le seul bras utilisable et qui faisait tourner le moulin du petit minotier.
Pas très loin du lavoir où je n’avais pas le droit d’aller seul.
Il a été dit qu’elle avait été happée par la roue à aubes du moulin.
09:46 | Commentaires (12)
lundi, 16 mai 2016
Devoir de mémoire…
Dès que j’ai vu cette toile je n’ai pas pensé à un peintre.
Encore moins à celui l’oreille coupée.
Non, je n’ai pas pensé à Van Gogh.
J’ai immédiatement pensé à un film.
« Les valseuses » de Bertrand Blier.
Oui, l’image proposée pour le devoir dominical de Lakevio, m’a fait penser à ce film.
Ça m’est venu immédiatement.
À un plan précis.
Plus exactement à une scène précise.
Celle du moment vainement attendu par les deux compères, Depardieu et Dewaere.
Le moment où Miou-Miou prendrait enfin son envol vers ce septième ciel vers lequel ils s’évertuaient vainement à l’entraîner.
Ce moment arriva alors dans une maison qui ressemble à celle du tableau.
Nos deux maladroits devisaient au bord de la rivière quand le chant qu’ils avaient tant espéré leur parvint aux oreilles.
Une Miou-Miou particulièrement joyeuse et expansive sortit de la maison et leur vanta la qualité du paradis d’où elle sortait.
Elle leur en parla avec tant d’excitation et de gestes désordonnés qu’ils la saisirent par les bras et les jambes et la jetèrent dans la rivière…
Voilà ce que m’a rappelé le tableau mis en ligne par Lakevio.
Je n’ai même pas eu à faire appel à mon imagination.
Rien qu’à ma mémoire.
La scène m’a conforté dans l’idée que la vraie vie est suffisamment riche de surprises parfois délicieuses.
Pas besoin de les rêver…
06:50 | Commentaires (12)
vendredi, 13 mai 2016
Famille, je vous ai.
Hier on avait rendez-vous à Saint Lazare avec ma petite sœur et ma cousine.
On a fait thérapie de groupe au restaurant.
Deuxième séance au café.
Il en est ressorti que nos mères à toutes et tous étaient folles.
Pas de la même manière mais toutes.
Ma cousine adorée m’a confirmé que sa mère, ma tante, l’héroïque médaillée, était aussi sévèrement tachée que mon autre tante, celle qui lavait les œufs à la Javel parce que « le cul des poules, c’est sale ».
Il y en a une autre.
Pas celle qui était entrée au couvent pour glander tranquillement et en était ressortie quand elle s’était aperçue que si t’as pas de dot, ben tu bines les pieds de vigne en plein cagnard au lieu de louer le seigneur en somnolant dans la fraîcheur de la chapelle.
Mais si, je vous en ai déjà parlé, lectrices chéries, c’est feue la tante baffeuse, celle qui prétendait que le démon de la luxure nous guettait rien qu’à écouter la radio.
Non, l’autre, la survivante.
Ma cousine adorée m’a donné des nouvelles de la tante survivante.
Je suis rassuré.
Elle se la pétait parce qu’elle s’était mariée avec un architecte mais elle était aussi folle que les autres.
Elle a fait une fille, je me demande encore comment.
Cette fille, pour ce que je me rappelle était mignonne, c’était une de celles qu’on n’avait pas le droit de regarder et encore moins toucher.
Vous savez comment sont les pieds-noirs…
Cette petite, à force de rester avec ses parents, puis sa mère veuve est devenue à son tour siphonnée.
Ma cousine a dit tout haut, enfin tout bas dans mon oreille, ce que je pensais déjà.
Que c’était un gaspillage éhonté.
Elle m’a glissé dans le creux de l’oreille « Tu sais pas ? Elle a encore sa fleur ! Tu te rends compte ? »
Une fois fait le tour de mes tantes, on est passé à ma mère.
L’avis était unanime.
Elle n’allait pas mieux que mes tantes…
En se rappelant certaines scènes, ma petite sœur s’est mise à pleurer, on l’a consolée.
Mais comment consoler quelqu’un qui de sa naissance à la mort de sa mère a entendu dire cette dernière « Vraiment, je ne voulais pas de toi ! »
La seule chose qui l’a consolée, c’est qu’elle m’a pourri la vie, puis celle d’Heure-Bleue, de ma puberté jusqu’à sa mort.
Le premier café avalé, ma petite sœur et ma cousine se sont dit, mais pas moi qui connaît l’affaire, que chez la lumière de mes jours, ça s’était passé dans la soie et la flanelle.
Ben non…
C’était autre chose mais pas mieux.
Ma belle-mère a eu trois filles.
Elle voulait un garçon.
Alors « ça l’a pas fait » non plus.
Le pire, c’est que si t’as la chance d’être orphelin, comme tu sais pas à quoi tu as échappé, tu te plains.
Merci encore, psys gratos chéries...
09:45 | Commentaires (17)