lundi, 22 février 2016
« L’amour de moy, s’y est enclose… »
Dans mon souvenir, ce jardin de roses trémières était mieux clos.
J’aimais mieux le vieux nom de ces fleurs, « passerose », ça faisait plus… Enfin mieux…
Ça collait parfaitement au mois de mai.
Ce n’était pas à proprement parler un jardin de roses trémières mais une palissade vaguement protégée par leurs longues tiges.
Je passais souvent devant ces marches et me suis longtemps demandé où elles pouvaient conduire.
En regardant entre les planches disjointes de la palissade je n’avais jamais fait qu’entrevoir un terrain vague plein d’herbes folles, quelques buissons et un ou deux arbres.
Le mois de mai et ces roses trémières fraîchement écloses donnaient à ce coin les allures d’un tableau de Berthe Morisot.
Je le savais bien que c’était une propriété privée.
Sinon quelle idée de l’enfermer derrière la palissade ?
Cette fois ci, il en manquait deux ou trois planches.
Avec le sentiment de me livrer à un cambriolage je suis tout de même entré, gravissant les quelques marches de pierres sèches et faisant attention à ne pas faire un accroc à ma chemise.
A part le zonzonnement des insectes, il n’y avait pas un bruit.
J’étais sûr pourtant qu’il y avait des oiseaux mais ceux-ci se taisaient.
Or, pour que les oiseaux se taisent…
C’était bien ça...
Alors je suis ressorti en faisant attention à ne faire aucun bruit.
Puis j’ai remis les planches en évitant tout grincement.
Le printemps a encore fait correctement son travail, cette année…
Ces passeroses et le printemps m’ont rappelé « Le jeu de Marion et Robin ».
06:50 | Commentaires (18)
dimanche, 21 février 2016
Un printemps de bourges
Comme prévu, je me suis lancé dans la confection d’une pizza.
Genre « Pizza regina ».
La luxueuse dite « Regina avec œuf », j’ai même mis de la marjolaine.
Le luxe, quoi…
J’ai tout préparé, mis la table et, en attendant que ça cuise, je suis venu voir si une de mes lectrices chéries était passée me lire.
Je ne suis pas le genre à chercher des histoires mais… Bon…
La pizza a fini par cuire.
J’ai eu peur qu’elle ne finisse par « cuir » mais non.
Nous avons mangé le petit hors d’œuvre puis je suis allé faire cuire les « œufs bio extra frais » censés couronner les parts de pizza.
Je dois dire que j’étais assez satisfait du résultat.
Le lumière de mes jours m’a néanmoins prévenu.
- Minou ?
- … ?
- Lave toi très soigneusement les mains si tu dois aller faire pipi…
- Ah ?
- Oui mon Minou, l’huile pimentée est redoutablement efficace…
- Hon hon…
- Tu te rappelles ?
- Oui…
Elle avait ravivé là un souvenir brûlant. Celui du jour où, il y a bien des années, préparant je ne sais plus quel plat nécessitant du piment pilé, je me suis contenté de me passer les mains à l’eau avant d’aller faire pipi.
Rien qu’y penser, je serre encore les genoux et les fesses…
Bref, cette pizza, quoiqu’un peu trop humide –penser à ne pas laisser échapper trop de coulis de tomate la prochaine fois- était vraiment bonne.
Meilleure et plus intéressante que les nouvelles débitées par la télévision.
Agacée, Heure-Bleue a zappé et s’est arrêtée sur la 6 où Lili et José jouaient au chevalier et à la sorcière pour se donner envie de jouer au docteur.
- Minou ! Mais d’où sort cette mode de se déguiser pour se câliner ?
- Je n’en sais rien…
- Je suis sûre que c’est encore un truc qui vient des États-Unis…
- Ah ça, quand on te noue l’aiguillette depuis tout petit, ça ne démarre pas comme ça…
- Oui, et en plus faut des moyens, t’as vu le déguisement ?
- Ouais, alors que les pauvres, pour faire ça, faut juste qu’ils s’aiment pour de vrai…
- Et drôlement même, parce que des fois…
Pour éviter d’approfondir le sujet, on a fini la pizza…
08:33 | Commentaires (17)
vendredi, 19 février 2016
Je préfère les confits denses aux cochonneries.
Nous sommes allés jusqu’au Monop’.
La lumière de mes jours avait « envie de cochonneries ».
Il m’arrive de ne pas penser à ce à quoi vous pensez que je pense alors que je n’y pense pas.
Les courses avaient bien commencé avec une Heure-Bleue virevoltant devant des rayons pleins de tentations.
Tandis qu’avec sérieux je mettais dans le panier les petites choses auxquelles elle ne pense pas, auxiliaires nécessaires à la préparation du mets choisi, mon Heure-Bleue cherchait de quoi assouvir son désir.
Ne me regardez pas comme ça.
Il s’agit bien du désir de cochonneries, lectrices chéries, mais non, pas ça…
Elle a jeté son dévolu sur des « pommes de terre sans traitement après récolte ».
Puis, alors qu’elle n’aime pas la charcuterie, elle a traîné un long moment devant le rayon qu’habituellement elle méprise.
Celui des cochonnailles qu’elle appelle « cochonneries », si ce n’est « sal…eries ».
Elle m’a tendu un paquet de saucisses colorées, industrielles et « flashy » en me disant « regarde ce qu’il y a dedans, Minou ».
La lumière de mes jours, qui met un bouquin dans son sac pour aller acheter du pain évite de se charger inutilement de ses lunettes…
J’évite quant à moi de lui demander comment elle lira son bouquin dans le bus avec les lunettes devant l’écran de son PC…
Bref, je prends le paquet de saucisses, le retourne et lis « 58% de viande et de gras de porc ».
Suit une longue liste de produits inconnus sans aucune idée de leur proportion dans le produit fini.
Comme Heure-Bleue, je me demande ce qu’on mange avec les 42% restants et je repose le paquet.
Dommage, les saucisses avaient une forme parfaite et une couleur engageante, un vrai bout de plastique.
Après plein de minutes d’errance devant ce rayon de cochonneries, l’amour de ma vie prend un paquet de saucisses « bio » et me le tend.
« 98% de viande et gras de porc », 2% de sel et autres épices me dit l’emballage.
C’était bien mais du coup pas assez « cochonnerie » alors elle a pris aussi un bout de cervelas rouge vif. Le truc qui brûle les yeux.
Et l’estomac de ma moitié…
Le meilleur de ce dîner, je dois vous l’avouer, ce fut la vinaigrette que j’ai préparée…
Même les pommes de terre avaient un goût qui me rappelait « Ecoles des Frères millésime 1957 ».
Celles qui voyaient mes compagnons de géhenne vider les poches de leur blouse dans les cabinets en sortant du réfectoire.
Oui, on faisait ça en 1957 chez mes fondus…
Là on n’a pas eu besoin mais c’était limite.
Et puis on n’est pas comme les gosses, on ne gaspille pas.
Mais qu’est-ce qu’on aimerait…
10:10 | Commentaires (11)
mardi, 16 février 2016
Le consensuel a la vie brève…
Ce matin je joue à Lakevio.
Oui lectrices chéries, je joue à plein de trucs mais ce matin c’est à Lakevio.
Et je donne l’histoire vraie d’entrée.
Chacun son tour…
Ce matin là, le docteur Schmutz se pencha.
Il tira une pincée de cochonium d’un bécher et l’ajouta au chinchmout du Colorado.
La réaction micronucléaire s’amorça et son système, le frumilgeateur smolkant, censé permettre d’animer et suivre les pensées des modèles des images commença de ronronner.
Il glissa dans le zbilmuth une reproduction du « Baiser » de Klimt et regarda l’écran tandis qu’un léger bruit de vie s’échappait du haut-parleur.
Mais, car il y a toujours un mais, aucune pensée étrangère ne naissait encore dans son esprit.
Il schmulza de deux doigts le tribulateurdunchinoihenchine et glebzmula la rétroaction hélicoïdale biconvexe.
Toujours rien de précis.
Ce n’était pas totalement inanimé mais pas vraiment clair ni vivant.
Schmutz pesta, se prit le nez entre deux doigts et réfléchit.
Il soupira devant sa bêtise et amena lentement le réglage par rétropédalage chimique devant l’index qui avait légèrement dévié au cours du montage.
De surprise, il s’immobilisa, l’air un peu égaré tout de même.
Deux pensée étrangères s’immiscèrent dans son esprit tandis que le haut-parleur et l’écran donnaient vie à ce qu’il pensait de façon multiple.
Schmutz se dit avec son vrai cerveau à lui que la schizophrénie artificielle était décidément une expérience difficile.
L’image du tableau s’anima brutalement.
Le type, un brun de type vaguement gitan, regardait avec envie la rousse pâle qui, les yeux clos, attendait avec patience qu’il se décidât à l’embrasser.
Schmutz peaufina le réglage du tribulateurdunchinoihenchine, ajouta un poil de cochonium et les pensées de la fille se firent plus claires chez lui.
« Tu vas te décider, oui ! »
Le type gitaneux se pencha enfin mais s’arrêta brutalement, Schmutz l’entendit se rappeler qu’il avait déjà vu cette fille dans d’autres bras assez souvent.
Des bras différents d’un jour à l’autre, nota-t-il. Il eut soudain un doute quant à la fiabilité de la fille, de son charme à lui et des suites qui risquaient d’en découler.
Voire de couler, prolongea Schmutz in petto….
Puis, alors qu’elle se serrait contre le tzigano-slave et voyait où il voulait en venir, et même où il allait venir, ce dernier craignit d’un coup « M… ! Elle va me filer la chtouille ! »
L’effet fut immédiat.
Alors qu’elle avait remarqué quelque chose qui ressemblait, selon Victor Hugo, aux « réveils triomphants de la jeunesse », ça se transforma soudain en quelque chose qui ressemblait, selon Rustica, à « une limace recroquevillée agonisante »…
Le gitan et la rousse se séparèrent et se jetèrent mutuellement un regard dégoûté…
Schmutz retira l’image de l’appareil et fouina dans son panier à cartes postales.
Il tomba sur la reproduction d’une célèbre toile de Courbet « Le Sommeil ».
Curieux de connaître les rêves des deux dames, il glissa l’image dans l’appareil.
Ça marcha tout de suite et si bien que, son cerveau occupé par les pensées particulièrement lestes des deux dames, il en avait oublié le haut-parleur et l’écran, hélas très parlants eux aussi.
Il fut sorti brutalement de son rêve éveillé par la gifle magistrale administrée de maîtresse main par une Madame Schmutz scandalisée, tirée de ses travaux de broderie par le vacarme venant du laboratoire de son mari…
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lundi, 15 février 2016
L’art, mateur de solitude...
Lakevio, la prochaine fois trouve un peintre genre Klimt ou Millais, histoire que la tristesse ne soit pas que désespérante...
Chaque fois qu’il est tranquille, elle vient à la fenêtre et l’appelle.
Ça ne rate jamais.
Il suffit qu’il s’asseye, qu’il allume son cigare.
Quand il a tiré une ou deux bouffées et qu’il devient songeur en regardant la route, il faut qu’elle vienne à la fenêtre et entame une dispute.
Il en vient à se demander si elle ne lit pas ses pensées.
Si elle ne sait pas qu’il se retire de cet endroit pour penser à l’autre.
Celle qui a disparu et qui aurait dû être à la place de celle qui est en train de hurler à la fenêtre.
Mais comment diable peut elle savoir ?
Comment fait elle pour savoir avec tant de sûreté que c’est à l’autre qu’il pense quand il s’assied là ?
Il se mit à y réfléchir un peu plus sérieusement et arriva à la conclusion qu’il ne pensait pas à l’autre quand il venait s’asseoir dans ce fauteuil.
Ni même quand il allumait son cigare.
Le fait qu’il portât sur la route un regard vide ne signifiait rien de particulier.
Il se sentait juste bien.
Enfin… Bien…
Jusqu’à ce que sa femme vienne le houspiller, lui dire qu’il avait mieux à faire qu’à fumer un cigare en attendant le client.
C’est seulement à ce moment là qu’il pensait à l’autre.
L’autre…
Celle qu’il avait laissée parce qu’elle ne voulait pas venir ici.
Elle lui disait « Je ne veux pas passer ma vie à regarder une route vide ! »
Lui n’avait pas voulu lui avouer qu’il avait peur de la ville.
Alors il l’avait laissée partir, et était venu là.
Il avait fini par épouser cette femme, elle était d’ici.
Il se dit alors que c’était elle qui maintenait de la façon la plus vivace le souvenir de l’autre.
Si elle savait…
Si elle savait ?
Si elle savait, il n’y aurait plus jamais deux mots d’échangés dans la maison…
07:14 | Commentaires (11)