lundi, 16 juin 2014
Salauds de pauvres !
Vous savez quoi, lectrices chéries ?
Eh bien ce matin j’ai écouté nozélites.
Nous avons eu droit à l’inévitable « Les lycéens qui passent le bac ne pourront même pas le rater tranquillement. »
Oubliant que seuls 8% des lycéens prennent le train, selon l’ex boss de la CGT-SNCF.
Qui lui-même n’a pas pensé à dire qu’ils ne sont pas tous en terminale, ramenant à 1,14% le taux de lycéens embêtés pour passer le bac.
Puis, j’ai entendu Mr le Secrétaire d’Etat aux Transports qui m’a gravement bluffé.
Oui, ce matin, ce préposé à l’explication du non paiement des jours de grève, méthode éprouvée quand il s’agit de calmer l’ardeur revendicative de « ces privilégiés » que sont les cheminots, s’est surpassé.
Oui, n’oublions pas qu’un banquier, un parlementaire, un ministre, un secrétaire d’État, ne bénéficie lui, que de « quelques avantages » tandis que les cheminots, sans parler de ces salauds d’enseignants, sont eux, des « privilégiés qui « s’arcboutent sur des avantages acquis d’un autre âge. »
Ce Mr Cuvillier donc, vous disais-je a fait preuve d’une maîtrise de la langue de bois qui m’a laissé pantois.
Il réussi a esquiver les questions avec une aisance qu’on n’avait pas connue depuis que Mr Fabius avait abandonné la fonction de Premier Ministre.
J’ai particulièrement admiré ce flamboyant « Nous n’avons pas été suffisamment en situation de clarté quant à l’exposition de la réforme que tous les Français appellent de leurs vœux » en réponse à une dame qui demandait en langue pas de bois « Mais en quoi consiste cette réforme ? »
Du coup, la pique de Mr Valls contre les intermittents a manqué cruellement de « peps », a paru terne au point que j’ai cru un instant qu’il était redevenu Ministre de l’Intérieur. Ça faisait même carrément « cheap »… Il a le mouvement de menton qui passe mal à la radio.
Les deux ont néanmoins conclu tout naturellement leur intervention entièrement à côté des questions posées, alternant la menace et le sévère « Il n’est pas question de faire autrement. »
Traduit en langage normal de tous les jours, ça donnait quelque chose comme « Ah ça ! La démocratie marcherait nettement mieux si on n’était pas emmerdé par le peuple ! »
C’est du moins ce que j’en ai retiré.
J’ai aussi constaté que le tact dont ont fait preuve le gouvernement, la SNCF et la maréchaussée a comme résultat que les trains sont encore plus rares vers chez moi que la veille…
12:46 | Commentaires (11)
dimanche, 15 juin 2014
Le renard et la boulette…
Hier, Heure-Bleue a décidé de claquer la moitié de notre budget annuel en attractions diverses, glissades sur toile cirée, balades en barque et parties « d’attrape-nunuche » -ces bidules où vous guidez une pince pour agripper une peluche qui glisse au dernier moment- histoire d’occuper Merveille.
Merveille que nous avons ramenée chez elle. Merveille qui a grimpé sur mes genoux. Merveille qui m’a dit, la main devant la bouche, comme n’importe quel bavard en classe :
- Viens, je vais te montrer quelque chose…
- On ne parle pas la main devant la bouche, Merveille.
- Mais c’est parce que c’était un secret !!! A-t-elle hurlé.
Je l’ai suivie, elle s’est mise à pleurer, le super « chagrin-cinéma », elle sait qu’en victime malheureuse elle me fend le cœur, je l’ai consolée, mais à moitié seulement et nous sommes retournés voir « les autres ».
Seule Heure-Bleue, qui connaît les vrais ressorts de l’âme féminine pour vivre avec son âme depuis un moment, l’a vraiment consolée. Elle s’est contentée de lui dire « Tu verras, dans peu de temps, c’est ta sœur qui va se faire engueuler à ta place et tu seras de nouveau la reine… »
Le sourire est revenu sur le visage de Merveille, elle a repris sa place sur mes genoux et a eu un geste qui m’a rappelé son arrière-grand-père. Mon père. Merveille a mis un doigt dans son nez.
Quel rapport entre un doigt dans le nez et mon père ?
Vous savez que les relations entre mes parents étaient parfois tendues. Ma mère avait tendance à l’envolée théâtrale, elle criait même plus fort que Lara Fabian, c’est dire…
Mon père, lui, était plus, comment dire ? « Taquin-emmerdeur ». Oui, c’est ça.
Un jour que nous allions chez mes grands-parents maternels qui avaient une maison du côté de Montargis, les relations étaient un peu orageuses. Dans le compartiment du train, qui mettait bien deux heures pour parcourir le trajet « Paris-Montargis. 119 km. 2ème Classe Réd. Fam. Nomb. 75% », il y avait huit personnes, dont mes parents et moi. Ma grande sœur et mes deux petites sœurs étaient déjà chez mes grands-parents.
Nous nous sommes assis et avons attendu le départ du train. Longtemps. Enfin, longtemps pour moi. Le train a démarré et tout le monde s’est détendu quand il a atteint ce que je sais aujourd’hui être Charenton, là où il y avait un immeuble dont le flanc aveugle donnant sur les voies hurlait aux voyageurs en lettres géantes peintes sur le mur « Halte ! Qui va là ? Saponite ! La bonne lessive ! »
C’était à ce moment que s’ouvraient les sacs, que les compartiments se mettaient à sentir le fromage et le saucisson et que les genoux se couvraient de torchons à carreaux rouge et blanc ou bleu et blanc. Même ma mère en avait. Il n’y avait pas de vin à la maison mais elle avait aussi dégotté ces torchons, cadeau publicitaire « gracieusement offert par le Vin des Rochers. Le velours de l’estomac. »
Mon père, qui n’avait pas digéré la mercuriale précédente fit preuve d’un talent remarquable pour faire honte à ma mère qui était très pointilleuse sur ce qui lui semblait être « savoir se tenir ».
Après moult « Ça va ma chérie ? », « Tu es bien assise ? », « Tu as besoin de quelque chose ? », le tout assorti des « Mon amour » qui vont bien, histoire de montrer aux autres passagers combien ils étaient liés. Ma mère, chaque fois tombait dans le piège.
Soudain mon père s’est penché en s’écriant « Ma boulette ! »
Il s’est accroupi, a regardé partout, les autres passagers se sont enquis « Mais qu’est-ce que c’est ? »
Mon père, accroupi et préoccupé, « une petite boule noire… »
Au bout de cinq minutes, les autres passagers, découragés, s’excusèrent de ne rien trouver.
Ma mère qui s’était aperçue trop tard du piège, était prête à ouvrir la porte, celle avec la plaquette émaillée « Danger ! Porte donnant sur la voie ! » et à y pousser mon père, bouillante de rage.
Mon père se rasseyait alors, remerciait les voyageurs et disait « tant pis, je vais en faire une autre » en faisant semblant de mettre un doigt dans son nez.
Ma mère était morte de honte.
Mon père regardait par la fenêtre.
Les autres femmes avaient un air réprobateur.
Les autres hommes faisaient semblant de rien. (je me demande aujourd'hui si mon père ne les avait pas vengés...)
J’étais le seul à rire de bon cœur…
08:06 | Commentaires (17)
samedi, 14 juin 2014
L'occis gêne...
Je viens de lire la note d’Heure-Bleue ce matin.
Je vous entends d’ici, lectrices chéries, vous écrier « Normal ! C’est même un minimum ! Non mais ! »
Je lis donc, ce matin comme tous les matins, la note d’Heure-Bleue.
Et, comme chaque jour, je suis confondu par tant de touchante naïveté.
Que je vous dise, lectrices chéries, il y a toujours eu cette chose bizarre dans notre vie commune.
Heure-Bleue a depuis longtemps professé une confiance limitée dans le genre humain.
J’ai toujours eu, quant à moi, un a priori favorable qui m’a poussé à faire confiance à mon prochain.
Vous savez bien, cette éducation qui fait que « tu ne mentiras pas, tu ne voleras pas (sauf un billet de 50 Francs que tu rendras, affolé par la somme), etc. »
Un des résultats de notre association est que nous nous sommes fait avoir assez régulièrement l’un et l’autre.
Un autre, imprévisible, est qu’elle reste incommensurablement surprise par la rouerie et l’incompétence tandis que si je le suis par la méchanceté, la cruauté et la bêtise, je ne le suis que rarement par la perfidie ou l’incompétence.
Si vous lisez sa note d’aujourd’hui, vous y discernerez la surprise navrante de celui qui se demande comment une minorité, plutôt grassouillette et peu sportive de surcroît, réussit à s’assurer un ascendant impeccable sur une foule qu’elle maltraite continûment. « Mais comment peut-on se laisser faire comme ça sans rien dire ! » me crie-t-elle.
C’est généralement à ce moment là que ça dérape car je ne peux m’empêcher de dire « Ben regarde comment tu me traites, moi… »
Je crois que la réaction d’Heure-Bleue vient de ce qu’elle a lu.
Plutôt de ce qu’elle a lu mais a hélas oublié.
Elle a lu énormément. Vraiment. Mais un bouquin a échappé à sa boulimie.
Un bouquin écrit par un jeune homme il y a près de cinq cents ans.
Bon, je l’ai lu il y a longtemps mais il m’avait frappé. Par son contenu, certes, mais aussi parce que je m’étais senti envieux d’un type qui avait à peine un an de plus que moi et était doté d’un esprit si pénétrant. Limite vexé qu’on eut pu écrire avec tant de clarté ce que je pensais de façon si brouillonne.
J’avais un peu plus de dix-huit ans. Je venais de lire « Le discours de la servitude volontaire »
Et ça m’est resté. Son contenu répond parfaitement à la question d’Heure-Bleue aujourd’hui.
Une heure-Bleue qui a avoué quand je le lui ai dit qu’elle l’avait oublié, ce La Boétie…
10:54 | Commentaires (5)
vendredi, 13 juin 2014
Le meilleur des mondes...
Une des revues d’informatique à laquelle je suis abonné m’annonce ce matin que l’indiscrétion et l’avidité des géants du Web n’avait pas diminué dans la semaine.
Après la pomme entamée, qui avait lancé il y a peu une « application santé », l’autre géant de l’indiscrétion lance un service « cloud » -le truc qui laisse dans le brouillard- chargé de centraliser toutes les données relatives à votre santé.
Évidemment, il vous explique, avec tout le sérieux du renard qui mate un poulet, que c’est pour notre bien, que comme ça on ne perdra rien.
Pour être sûr que rien ne lui échappera, il va se mettre en rapport avec des fabricants de bracelets « fitness oriented », bien entendu « connectés » de manière à pouvoir stocker dans ses bases de données tout ce qu’auront mesuré ces bracelets.
Sachant que tous les petits matériels développés pour les hôpitaux comme les pompes à insuline ou destinées à des chimiothérapies, tous ces petits ustensiles destinés à mesurer nos constantes biologiques, sont consultables via le Web, j’imagine assez bien tout l’intérêt que peuvent susciter ces données pour un moteur de recherche.
Nul doute que le but n’est pas de remplir ses disques durs du diabète des uns, du cancer des autres, de l’hypertension des uns ou du cholestérol des autres.
Ces géants du Web gagnent leur croûte en vendant les données récupérées sur les internautes.
Il y a gros à parier que les compagnies d’assurance vont d’ici peu passer de l’état déjà enviable d’opulentes à celui de richissimes.
Assurer quelqu’un dont on sera quasiment certain que tout montre qu’il est en bonne santé est un rêve d’assureur.
Les assureurs l’ont rêvé. Les moteurs de recherche l’ont fait.
Il y a peu, j’avais entendu qu’un médecin hospitalier s’était fait taper sur les doigts parce qu’il avait dénoncé une pratique douteuse.
Les hôpitaux sont censés faire un traitement statistique de l’efficacité des traitements pour faire faire des économies à la Sécu.
Pour ce faire, on trie par pathologie et par traitement les dossiers des patients, les informations sont compilées, « anonymisées » et soumises à un traitement statistique.
Le manque de personnel et de temps a fait qu’on a confié à des sociétés privées les dossiers des patients et leur traitement.
Ce médecin a eu le tort de faire remarquer que le risque était grand de voir tomber des informations médicales nominatives dans les mains de gens qui en tireraient le plus grand profit.
D’ici peu, ce sera parfait. Nos dossiers seront directement communiqués aux assureurs via le Web…
Tous ceux qui ont des « tikounim » se verront proposer de telles primes qu’ils ne seront jamais assurés. Les autres paieront pour rien pendant des décennies.
Le meilleur des mondes…
10:32 | Commentaires (10)
jeudi, 12 juin 2014
Famille, je vous ai…
Une lectrice chérie m’a laissé hier un commentaire qui me laisse rêveur.
Il me donne l’impression qu’elle vivait dans un monde d’indépendance et de liberté d’aller et venir.
Alors que, pour le peu que j’en sais, elle vivait, comme moi et beaucoup d’enfants de notre génération, dans un monde ou la liberté se réduisait à une inscription au fronton des écoles où nous allions chaque matin.
Nous avions alors la fraternité à la maison et l’égalité nulle part…
Bon, d’accord, elle est plus jeune que moi mais, à part son mari, personne ne peut penser qu’elle a quatorze ans non plus, alors hein…
Voici donc ce qu’elle m’écrit avec la candeur qui sied si bien aux jeunes filles :
« mais pourquoi ne pas les avoir remis dans le porte-monnaie ? Pourquoi la boite aux lettres ? »
Voyons Lili ! Mais c’est la panique, Lili ! La panique !
En ce jour maudit, j'avais onze ans et deux mois. A quelques jours près, je sais seulement que c’était un lundi, dernier jour d’ouverture des Puces de Saint-Ouen, d’où la géante bévue de votre serviteur.
C’était un de ces débuts de mars dont rêve chaque gamin un peu frileux – vous aurez j’en suis sûr, lectrices chéries, reconnu votre Goût adoré- un début de journée merveilleux, avec un ciel sans même la tache d’un petit nuage blanc. Vous savez bien, ces petits morceaux de coton si blancs et légers qu’on ne peut décemment appeler ça des « cirrus ».
La température, douce quand je suis arrivé au niveau de la rue après la descente en hâte de quatre étages, a perdu au moins cent degrés quand j’ai ouvert la main.
Une panique terrible m’a saisi quand j’ai vu la coupure de cinquante francs dépliée.
Remonter quatre étages en courant n’était rien.
Remettre le billet dans le porte monnaie après avoir ouvert la porte sans faire de bruit ? Pfff… Même pas un exploit !
Seulement voilà, je n’avais pas les clefs. Seuls ma mère et mon père avaient les clefs.
Ma mère était censée être toujours à la maison et mon père au travail, ergo pas besoin de clefs pour les enfants…
Il ne me restait qu’à frapper à la porte. N’allez pas imaginer qu’il y avait une seule sonnette dans cet immeuble.
J’ai eu alors cette peur terrible, celle qui vous liquéfie le ventre et fait trembler les genoux.
Un peu comme ça arrive plus tard, quand on tombe irrésistiblement amoureux, vous voyez ?
Sauf que cette fois-ci, il était quand même question, après avoir remonté quatre étages en courant, de réveiller ma mère en sursaut, de trouver une excuse vaseuse qu’elle aurait aussitôt détectée. En plus, je la connaissais, elle ne m’aurait pas quitté des yeux, couvé de son regard inquiet. Regard qui se serait illico transformé en lance-flamme à la vue du billet caché dans ma main. Oui, elle avait l’œil pour ce genre de chose, ma mère.
Non seulement j’aurais entamé la journée avec une superbe raclée mais j’aurais eu droit à une mercuriale d’enfer, de laquelle serait ressorti que ce billet était destiné à nourrir toute la famille jusqu’à ma majorité.
En prime, elle m’aurait envoyé au lycée avec une dernière taloche, je serais arrivé en retard sans excuse, ce qui m’aurait donné droit à un séjour gratuit le jeudi suivant…
Et voilà pourquoi, en allant chercher la plus petite à l’école, ma mère eut d’abord la joie de trouver un Molière dans sa boîte aux lettres, puis la rage de s’apercevoir que le sien avait disparu de son porte-monnaie.
D’où les trois évènements du billet précédent.
Capisci Lili ?
Oh ! Je sais bien, lectrices chéries ! J’aurais pu me contenter du suffisant « Voyons Lili ! Mais c’est la panique, Lili ! La panique ! » au lieu de délayer sur plus d’un écran mais que voulez vous, je suis bavard.
Et puis j'aime tant quand une lectrice chérie me souffle le sujet de la note du jour.
Ça me repose…
08:11 | Commentaires (13)