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mercredi, 04 juin 2014

Chéri bibi…

Je vous ai déjà parlé de cette cousine ?
« Béline », elle s’appelait Béline. Il me semble vous en avoir déjà touché deux mots mais je n’en suis pas sûr.
Elle était gentille, Béline.
Mais pourquoi diable viens-je vous parler de Béline, lectrices chéries ?
Mais parce que je viens d’aller chercher le pain.
Et alors ? Vous écriez-vous ?
Eh bien, en allant chez le boulanger, une grosse feuille est venue s’échouer sous mes pas. Une grosse feuille étrange, toute pelucheuse, épaisse duveteuse.
Et c’est là que m’est revenu le mot, « the word », le bon, celui qui va pour qualifier cette feuille.
Mais alors, quel rapport avec la cousine ?
Cette cousine était quelque peu « campagnarde » de vocabulaire, alors qu’on dit aujourd’hui « j’ai  une gastro » elle disait « Pfiouu… J’ai le veson… »
Ce à quoi je trouvais le côté imagé qui exprimait pleinement cette notion d’urgence.
En dehors de ce côté campagnard elle avait par ailleurs un réel souci du mot juste et ne se privait pas de nous reprendre quand c’était nécessaire.
Et c’était souvent nécessaire…
Le mot, donc, le bon, m’était revenu à considérer cette feuille, arrêté sur le trottoir, espérant que la queue avançât avant que ma baguette n’ait le temps de rassir sur le présentoir.
La cousine Béline, je l’aimais beaucoup parce qu’elle n’était pas avare de câlins et vous savez bien, lectrices chéries, que ce besoin de câlin dans des bras féminins ne m’a jamais quitté. La cousine Béline portait toujours, en venant rendre visite à mes parents, un manteau beige et portait un petit chapeau que j’aimais toucher car il était extrêmement doux.
Ma mère lui dit, la première fois qu’elle vit ce chapeau « Mais il est ravissant, ce petit bibi ! Mais qu’est-ce que c’est comme tissu ? C’est tout pelucheux. »  
- Tss… Tss… Roberte, ce n’est pas pelucheux, pour ça on dit « tomenteux ». Oui, c’est comme ça qu’on dit pour ce tissu.
- Bref, c’est duveteux ! A tranché ma mère.
C’est ce jour là que j’ai su que ma cousine Béline, morte il y a des années, portait « un bibi tomenteux. »
Si je ne vous avais pas, lectrices chéries, ce mot aurait probablement complètement disparu.
Bon, ce n'est pas toujours facile à caser.
Elle me manque, parfois, la cousine Béline…
Vous avez remarqué comme une feuille, lorsqu’elle vous arrive sous les pas, pendant que vous rêvassez devant une boulangerie et venue d’on ne sait où, peut vous faire revivre des moments de douceur et raviver des souvenirs lexicaux ?

mardi, 03 juin 2014

Le courrier de lion…

Hier, mon rhume allait mieux.
Il allait nettement mieux.
Je l’ai senti à l’éclosion dès le matin, alors qu’un peu de soleil égayait la salle de séjour.
Oui, je l’ai senti, lectrices chéries, au retour de ce caractère taquin qui fait le charme de votre Goût préféré.
C’est normal car je commence toujours gentiment. Après c’est selon…
J’avais justement quelque chose à faire ce matin là et ne savais pas encore que ça allait me permettre de vérifier que mon savoir-faire ne s’était pas dangereusement émoussé à vivre en reclus et ne me soucier que du prochain reniflement ou de la prochaine quinte de toux.
Je pus donc profiter pleinement de mes heureuses dispositions et suis parti, joyeux pour des courses lointaines.
A la Poste, plus précisément.
J’avais un colis à y déposer, quelques photocopies à faires et à envoyer.
J’ai donc emprunté la passerelle qui m’amène de l’autre côté de la voie et suis entré dans le bureau de Poste.
Seules deux personnes – oui, les femmes sont aussi des personnes- en assuraient le fonctionnement.
Il y avait déjà cinq queues.
Oui ! Cinq ! Dans un bureau de poste où il n’y a que deux guichets.
Et quelles queues, mes chéries !
Ça n’était pas sans rappeler une boucherie moscovite en 1954.
Pourquoi cinq ?
Parce qu’il y a deux machines d’affranchissement, un photocopieur, un guichet pour les colis et un pour les questions de sous.
J’ai honteusement profité de mon statut de bancal pour me présenter avant tout le monde au guichet des colis.
Une dame à peu près aussi souriante que Manuel Valls m’a accueilli d’un sec et rogue :
- Le volet interne du colis, v’l’avez ? C’est la preuve de dépôt, j’dois tamponner.
- Ben non, je ne l’ai pas…
- J’peux pas prendre votre colis…
- Ne me dites pas que j’ai claqué 12.70 € pour rien !
Plus désagréable encore, elle a jeté aigrement :
- J’ai pas dit ça ! J’ai dit que je voulais le feuillet !
- Allons, s’il vous plaît, donnez moi un autre formulaire, je vais le remplir et il remplacera celui que j’ai mis sur le colis.
Elle a fait la moue et m’a tendu, en soupirant d'agacement, un formulaire, désolée de ne pas m’avoir dissuadé.
C’est là que je me suis dit qu’il faisait beau et qu’après tout, j’aurai bien une idée…
L’idée m’est venue en faisant la queue devant le photocopieur. Une dame, devant une des machines d’affranchissement, attendait vainement l’arrivée de la vignette.
Elle s’est perdue en conjecture devant l’écran.
- Oh ben ça ! Qu’est-ce que ça veut dire ?
J’ai regardé.
- Votre transaction est annulée, vous n’aurez pas votre vignette…
- Mais pourquoi ?
J’ai regardé de plus près, ai vu que la zone de la vignette qu’elle souhaitait était inactive.
- Probablement plus de papier dans la machine, le rouleau est vide.
C’est là que l’idée est née…
- Oui, elle doit le savoir mais ça l’embête de remettre un rouleau dans la machine…
La dame a commencé à pester  et s’est dirigée vers Miss Malgracieuse.
Et j’ai continué à attendre. J’ai enfin pu faire mes photocopies et me suis mis à faire la queue à l’autre machine d’affranchissement.
 Devant la première machine, un type a dit :
- Mais je peux pas avoir mon timbre ! Ça déconne leur truc !
- Ouaip… Plus de papier mais apparemment ça la dérange d’en remettre…
Il est allé engueuler Sœur Sourire et est revenu en disant « Elle m’a dit «  Ouais on sait, c’est en panne on n’y peut rien »  cette s… ! »
Quand j’ai pu accéder à la seconde machine, ça râlait beaucoup derrière moi. J’ai posé ma lettre sur la machine, qui m’a réclamé 1.10 € pour l’envoyer.
Je me suis retourné vers les gens.
- Eh ! vous avez remarqué ?
- Quoi ? ont dit quelques uns.
- Vous avez remarqué qu’on paie de plus en plus cher un boulot qu’on est obligé de faire nous-mêmes ?
- Mais... Mais c’est vrai ça ! A dit l'une.
- y’en a marre au bout d’un moment. A dit un autre.
J’ai pris ma vignette et suis parti pendant que les gens commençaient à gueuler très fort après Miss Malgracieuse.
Je n’aime pas qu’on me maltraite sans raison…

lundi, 02 juin 2014

Aaahhh... Emilia-Celina

Une de mes lectrices chéries, Emilia-Celina, s’étonnait hier.
« Y a-t-il un coin de Paris que vous ne connaissez pas ? » demandait-elle, avec j’en suis sûr, l’air surpris de celle qui a complètement oublié qu’elle connaît son coin sur le bout du doigt.
Mais bien sûr, Emilia-Celina !
Il y a des tas de coins de Paris qu’on ne connaît pas.
Imagine un peu le nombre de rues qu’il faut pour caser près de deux millions trois cent mille Parisiennes et Parisiens !
Imagine le nombre de musées, de cinémas, de monuments qu'il faut pour qu'ils puissent oublier un moment que la vie n'est pas rose tous les jours !
Mais il y a aussi beaucoup de coins qu’on aurait aimé ne pas connaître…
Certains coins du XVIIIème, du XIXème ou du XXème, dont aujourd’hui encore on a l’impression qu’ils n’ont pas quitté les années cinquante, sont restés particulièrement riches en malfaisants et en coins peu engageants.
La rue Leibniz, inconnue d'Heure-Bleue, par exemple, a été presque totalement abattue et est devenue « présentable ».
Je l’ai connue, dans les années soixante, avant la grande vague de rénovation et de réhabilitation. J’hésitais à y passer seul. Les immeubles étaient noirs de crasse et suaient la misère. Les rares jeunes gens qu’on y croisait savaient d’un regard combien ils pouvaient tirer des nos chaussures ou de notre veste.
Les pulls « vert-bronze-modifiés-fiente-de-pigeon » concoctés par ma mère m’ont sans doute protégé d’un sort funeste…
Je me rappelle aussi un copain de lycée qui m’avait invité un jeudi. Là aussi, un blouson de velours, les manches largement élimées par des mois de récréations, m’avait évité d’être pris pour un « fils de bourge » vers le haut de la rue de Montreuil à une époque où le périph’ n’existait pas.
Si tu avais vu, Emilia-Celina, le haut de la rue de Montreuil vers 1961, tu aurais été effrayée. Tu étais alors une jeune fille et tu n’aurais jamais osé mettre les pieds dans ce coin.
Mais en dehors de ces coins infréquentables, comme sont souvent les frontières entre Paris et sa banlieue, le reste était magnifique.
Sale et noir, certes, mais magnifique.
Avant qu’André Malraux ne s’avise qu’un sérieux coup de serpillère était nécessaire, des avenues aussi célèbres que celles qui convergeaient vers l’Etoile – Oui, je sais, c’est « Charles de Gaulle » depuis 1970- voyaient leurs somptueux immeubles en pierre de taille recouverts d’une couche d’un noir d’encre.
Seule la basilique du Sacré Cœur restait immaculée. Ce n’était pas dû aux soins jaloux d’une armée de femmes de ménages mais à une particularité de la pierre utilisée.
Elle vient des carrières de Souppes-sur-Loing et de Château-Landon et a été choisie pour ses capacité autonettoyantes… Un coup de soleil ou de pluie et hop ! C’est blanc ! C’est magique !
S'il n'y avait pas eu la Commune, on aurait échappé à cette confiserie géante.
Mais elle a si bien servi, avec son jardin plein de recoins, à des générations de jeunes gens à la recherche de l'âme sœur que, bon, hein...
Bref, tout ça pour te dire, Emilia-Celina, que nous ne connaissons pas tout Paris.
J’en connais plus qu’Heure-Bleue car, gamin entouré des trois sœurs dans un appartement minuscule, la grande m’a traîné des journées entières dans les rues de Paris. J’y ai parcouru des kilomètres, le nez au vent à admirer des entrées d’immeubles, des sculptures, des monuments. A regarder et écouter des gens qui se parlent, s’embrassent, se disputent, se promènent. A visiter des musées le dimanche parce que c’était gratuit le dimanche.
Bref, j’ai appris à connaître et aimer la ville ou je suis né, mais j’ai aussi appris à éviter des arrondissements ou l’ennui suinte de tous les murs. C’est bien plus triste que les quartiers dits « louches » qu’on voit près des portes nord de Paris.
Voilà, Emilia-Celina, un peu de ce que je sais de Paris.
Je t’en dirai plus une autre fois, si tu veux.
Notamment ce qu’on peut voir du côté de la République les matins de printemps animés.

dimanche, 01 juin 2014

Le léopard des Batignolles...

Histoire de donner un nouvel élan à notre vie, Heure-Bleue et moi avons décidé de changer totalement notre façon d’occuper nos journées.
Alors, lectrices chéries, « vous savez quoi ? » comme disent les djeuns et les moins djeuns ?
Eh ben on est allé à Paris…
Mais on a changé. On n’est pas descendu à Saint-Lazare. On est descendu à Pont-Cardinet.
Oh, je sais… Ça ressemble à quelque chose de connu, ça vous a un air de déjà vu.
Alors que non. Enfin si. Bon, peut-être.
Nous sommes allés chercher un döner rue des Batignolles, avons joué à « Carmen et la Hurlette » sur un des bancs de la place puis, les doigts gras et le cœur léger, nous sommes partis vérifier que les choses qu’on connaissait étaient bien là, conformes à nos souvenirs.
Évidemment, Heure-Bleue est tombée à la renverse quand elle a vu la boutique de l’encadreur remplacée par une boutique de « schmattès ».
Je l’ai retenue avant qu’elle ne jetât une brique dans la vitrine de l’usurpateur de souvenirs.
Nous avons continué vers la place Villiers dont nous savons depuis des lustres qu’elle ne s’appelle plus place Villiers mais place Prosper Goubaux. Mais on s’en fout, ça fait maintenant bientôt quarante-cinq ans qu’une autre place autrement célèbre s’appelle Charles de Gaulle mais, à part les touristes étrangers, tout le monde parle de la place de l’Etoile, alors hein...
Ce n’était pas de ça que je voulais vous parler mais quasiment une vie avec « une qui parle fille » tout le temps donne une forte tendance à la digression et au « coq à l’âne »…
Ce dont je voulais vous entretenir, lectrices chéries, c’est de lumière.
Oui, parmi les choses les plus belles de ce coin de Paris, et qui ne changera pas sauf guerre nucléaire, il y a la lumière.
La lumière de cette espèce de « part de camembert » qui va de la place Pereire –je sais, elle est devenue la place du Maréchal Juin mais tout le monde s’en fout- au square des Épinettes et dont la pointe est au Jardin des Tuileries, est exceptionnelle.
Même quand le temps est gris, il n’arrive jamais à y être vraiment triste.
Quand il fait beau, la lumière du printemps illumine tout. Le ciel y est d’un bleu qu’on ne retrouvera, plus au nord, que vers le Sacré Cœur. Après, c’est fini.
Bon, vous me direz qu’éclairer la Porte de la Chapelle, une des plus moches de Paris, avec une telle lumière aurait été un gaspillage…
Mais dans ce coin du XVIIème où Heure-Bleue grappille des miettes d’enfance en protestant d’une absence totale de sensation de nostalgie, la lumière d’hier après-midi était à couper le souffle.
Alors pensez, le souffle d’un emphysémateux…
Il n’empêche que nos pas, conduits par Heure-Bleue, ont soigneusement évité de nous amener jusqu’au boulevard des Batignolles.
Le croisement de la rue de Rome et de ce boulevard offre en effet, par beau temps, une superbe vue du Sacré Cœur et du début du IXème arrondissement qui, vous le savez, est mon arrondissement préféré.
Sans doute dans le but louable de m’éviter un pincement de regret de n’y avoir pas un appartement.
Je vous dirai une autre fois toutes ces boutiques, immeubles et ruelles calmes qu’on peut parcourir quand on connaît le coin…

samedi, 31 mai 2014

Un petit coup de rhume ?

Vous savez toutes, lectrices chéries, grâce à la merveilleuse propension des blogs à répandre des informations inutiles, qu’Heure-Bleue a un rhume.
Et une chose me choque profondément, oui, oui, lectrices chéries, profondément !
Ce qui donc, me choque profondément, c’est que vous la plaignez, elle, au choix, d’avoir un rhume ou d’avoir un mari qui a un rhume !
Mais jamais le mari, moi, votre Goût préféré qui lui aussi a un rhume.
Ce qui me met à l’agonie, bien sûr, mais normalement.
Je me contente de mourir en faisant attention à ne pas déranger, je croupis dans mon coin, je m’éteins doucement, je souffre le martyre mais en silence.
Enfin presque, de temps en temps je m’offre un gémissement, espérant attirer l’instant de compassion de la journée, celui qui me permettra de supporter une agonie que je pressens interminable et douloureuse…
Tandis que chez la lumière de mes jours, le même rhume prend des proportions quasiment dantesques !
Heure-Bleue n’a pas un rhume, elle.
Heure-Bleue ne meurt pas, elle.
Elle n’a pas le ton réservé de Marguerite Gauthier expirant doucement –sauf dans la Traviata où elle officie sous le pseudo de Violetta pour hurler une agonie avec un souffle que lui envieraient tous les tubards de la planète-.
Non, Heure-Bleue a « l’agonie Palais Garnier ».
Surtout la nuit.
Elle me réveille avec des « Je ne te réveille, pas Minou ? » gémissants.
Avec des « Je sais que je ronfle mais j’a le nez bouché, excuse moi Minou, allez dors… »
Comme si je pouvais.
Le matin, après le « Minou, je peux avoir mon petit déjeuner ? » réclamé d’une voix mourante, on me dit « Oui, je peux bien mourir la nuit, tu t’en moques ! » d'une voix nettement plus vive.
Puis « Tu entends comme je tousse ? » et « Dis moi, tu crachais toi, hier ? »
On me réclame des détails, une longue vie commune a salement émoussé la notion de pudeur et de quant-à-soi entraînant des questions comme  « C’était de quelle couleur, Minou ? Moi c’est blanc… »
Oui, l’information significative est là : Heure-Bleue après des décennies de conseils et de nombreuses séances d’entraînement dispensées par l’Ours, a enfin appris à cracher et s’est rendu compte que c’était bien moins difficile à digérer comme ça.
Voilà où mène un rhume chez la lumière de mes jours.
Et c’est elle que vous plaignez ?
Franchement, lectrices chéries, ça me troue !