samedi, 09 mai 2015
Décollation, l’hypothèse décolle…
Aujourd’hui, lectrices chéries, j’ai décidé d’être un peu chiant.
Ce serait gentil que celle qui a dit « Pourquoi un peu ? » ait gardé ses réflexions pour elle...
Je crains en effet que la République, dont on nous rebat les oreilles pour sa pureté, la liberté qu’elle nous promet de protéger, le respect de la volonté du peuple, tout ça, ne soit quelque peu malmenée par la paranoïa sécuritaire qui n'a jamais empêché les malfaisants d’officier mais toujours emmerdé l’honnête citoyen.
Ouaip ! J’ai entendu nos ministres, dont le premier d’entre eux, nous vanter les vertus de la « loi sur le renseignement » censée nous mettre à l’abri des entreprises de malintentionnés.
En y regardant de près, elle risque d’être aussi efficace et d’engendrer autant d’effets pervers que les méthodes d’espionnage de masse de la NSA.
Le genre de système qui va permettre de pourrir la vie du pauvre type qui a la malchance d’être l’homonyme d’un dangereux cinglé mais du coup permettra de laisser échapper ce dernier, le premier étant déjà sous les verrous…
Quelques détails supplémentaires me font discerner des retombées néfastes car il est prévu de donner au fisc un accès assez large aux données récoltées.
Comme la séparation des pouvoirs reste un vœu pieux et souvent enterré sous les considérations politiques, la décision de piller les données personnelles, le contenu de l’ordinateur ou du téléphone d’un citoyen ne sera pas laissée à l’appréciation d’un juge mais à la discrétion du Premier Ministre.
Ça évitera à la Justice, toujours trop sourcilleuse dès qu’il s’agit de libertés publiques, d’aller mettre son nez dans une tambouille peu ragoûtante.
Nos députés et ministres, pour une fois soutenus par la droite et les syndicats de police les plus enclins à vouloir tout savoir sur tout et sur tous, ont voté une loi qui autorise donc « ce qui était jusqu’à présent pratiqué de façon illégale ».
La formule m’avait fait sursauter à l’idée que légaliser par voie parlementaire un acte illégal a quelque chose de choquant.
Puis, un argument lancé par je ne sais plus quel député ou ministre m’a rappelé une phrase lue il y a bien longtemps.
Je lisais à cette époque lointaine des bouquins de la collection « Idées » de la NRF.
J’avais commencé par « La révolution permanente » de Trostky, victime d’un mauvais coup de pic à glace car Staline était assez sourcilleux sur les points de dogme.
Moins fainéant qu’aujourd’hui, j’avais donc pioché les vies des personnages qui avaient engendré les graines du communisme et de l’anarchie pendant la Révolution.
De Gracchus Babeuf à Saint-Just, nombre de lascars avaient été passés au massicot pour avoir manifesté un désaccord avec ce que prônait notre inflexible Maximilien.
C’est donc en écoutant, ça me revient, le Ministre de l’Intérieur, engeance liberticide entre toutes, que m’est revenue à l’esprit la phrase de Robespierre dans un discours de 1794 qui « justifia » la Terreur :
« Je dis que quiconque tremble est coupable car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique. » (Robespierre, le 31 mars 1794)
J’ai retrouvé la phrase exacte ici.
En l’entendant je me suis dit que dans bientôt on allait rebrancher « la veuve » au nom de la République.
Et dire que c’est à ces gens là qu’on laisse le soin de veiller sur nos libertés et les préserver…
10:00 | Commentaires (8)
vendredi, 08 mai 2015
L’alibi d’eau…
Bon, on a la fibre.
C’est efficace.
Les âneries arrivent encore plus vite sur mon écran…
On nous avait envoyé un gamin, un jeune homme de vingt-deux ans, mat de peau et de noir de cheveux, tel que j’ai surpris une lueur d’intérêt dans l’œil de la lumière de mes jours.
Heureusement il parlait mal avec des fautes de temps qui ont fini par faire dire à Heure-Bleue :
- On ne dit pas « si je serais », on dit « si j’étais » jeune homme !
Ça m’a rassuré pour le coup, elle ne pourrait pas s’enfuir avec un gamin, si brun qu’il fût, qui foutrait de tels coups de pieds dans la grammaire…
Rien n’alla de soi, le câblage de l’immeuble avait été fait comme le reste.
C'est-à-dire comme le bon dieu a fait les bossus, autant dire à vue de nez.
Dès que le gamin eut fini son travail, assez tard, nous sommes partis.
A Paris d’abord, pour acheter du café chez Clooney et en boire un chez Illy à l’Opéra.
Nous sommes arrivés un peu tard et nous n’aimons pas ça.
Nous n’avons pas eu le temps de faire ce que nous faisons habituellement le mieux : Glander en traînassant lentement le long des rues à regarder les vitrines et les gens.
Nous sommes donc revenus chez nous en passant par les courses à faire.
Là, j’ai failli avoir la deuxième sueur froide de la journée.
La lumière de mes jours attendait devant le rayon boucherie tandis que je regardais les légumes.
Un type a engagé la conversation avec ma moitié. Je le voyais de là où j’étais.
Je me suis approché.
Mais bon sang ! Ce mec essayait de me soulever ma meuf ! Le chien ! Le rat !
Il la draguait de façon outrageusement voyante !
Et que je papote et que je papote !
J’ai fini par m’inviter dans la conversation.
J’ai été rassuré quand il a dit qu’il était d’origine bordelaise et avait commencé à boire du vin bien avant vingt ans.
J’ai été quand même effrayé quand il a dit « je suis né en 1947 ».
Je ne sais pas pourquoi on nous raconte tout ça quand on nous croise.
J’ai été rassuré car Heure-Bleue n’aurait pas supporté un type qui aurait bu du vin si jeune, je la connais.
En plus c’était un vieux.
Quand nous avons abandonné le dragueur, j’ai dit « P… ! Ce type et moi, on a le presque même âge ! »
La lumière de mes jours m’a rassuré « Mais tu fais plus bien jeune que lui, Minou ! »
Elle a ajouté « mais c’était un brun, je suis sûre… »
Heureusement, tout s’est arrangé à la caisse où la queue était trop longue pour que je n’use pas de mon droit de gruger. Je me suis arrêté juste derrière une Brésilienne (une vraie, elle me l’a dit) enceinte jusqu’aux yeux.
C’était parfait, derrière nous il y avait une jeune fille antillaise et puis deux vieilles atrabilaires.
Ce sont surtout ces deux vieilles qui nous ont amusés.
Mauvaises comme des teignes et me râlant dessus pour avoir osé leur passer devant.
J’adore ça, surtout dire à la jeune Brésilienne :
- Vous voyez ? C’est pour ça qu’on diminue les retraites…
- Ah bon ? Pourquoi ?
- Pour que les vieux meurent plus vite, ça évite les histoires aux caisses des magasins.
Heure-Bleue a mis son grain de sel, justifiant à haute voix :
- C’est pour ça que la piqûre pour les vieilles, c’est pas idiot…
Nos deux vieilles ont fait la gueule.
Bref, ce fut une bonne journée.
Je n’ai plus qu’à me lancer dans la confection du déjeuner.
Nous avons des invités…
09:55 | Commentaires (19)
jeudi, 07 mai 2015
C’est le printemps, alors tout Verdi, c’est bien…
Le printemps semble pousser une de mes lectrices chéries aux soupirs.
Elle alla, probablement après une quinte de toux, jusqu’à écrire « à y repenser, j’étais la Traviata. ».
J’ai alors imprudemment proposé de lui raconter dans une note l’après-midi où mon quartier recula jusqu’au milieu du XIXème siècle.
Oui lectrices chéries, je suis comme ça, j’aime bien raconter de belles histoires aux filles que je ne connais pas.
Évidemment, j’ai appris il y a longtemps qu’une phrase bien faite, c’est un sujet, un verbe et un compliment.
Au cours de l’année 1983, je suis revenu à la maison en passant voir ma libraire préférée à sa boutique.
La voiture (mal) garée, je suis sorti et me suis retrouvé dans le Paris du milieu du XIXème siècle.
Des hommes en redingote, « huit reflets » haut de forme, botte à haute tige et canne à la main arpentaient la rue.
A leur bras, des femmes en crinoline, portant capeline ou chapeau à voilette, les épaules couvertes d’un châle de tissu chatoyant et marchaient à petits pas sur des chaussures montantes assez inconfortables à mon sens.
Je suis passé par la rue de Braque pour éviter quelques carrosses et surtout le crottin.
Là, j’ai été assez surpris parce que la rue, pavée et sablonneuse, je le sais parce que j’y avais vécu quelque temps auparavant et que j’y passais souvent avait été rhabillée de faux pavés exactement comme les vrais qui étaient en dessous…
La rue n’avait pas changé puisque qu’elle est courte, comportait et comporte encore, quelques immeubles anciens et trois hôtels particuliers qui n’avaient pas bougé depuis le XVIIème siècle.
Sauf le tout à l’égout et l’électricité.
La banque qui se trouvait face à l’entrée de la rue dans un hôtel particulier, occupé en partie par le Trésor Public, avait été habilement « déguisée » avec quelques plantes qui en cachaient l’enseigne comme aux autres boutiques de la rue du Temple.
C’est là que j’ai vu Franco Zefirelli soi-même et que j’ai compris pourquoi les films coûtaient si cher.
Au lieu d’aller faire les courses ou de garer ma voiture correctement comme la sagesse le commandait, j’ai regardé un long moment le tournage de « La Traviata ».
Je dois avouer que si j’ai parfois été stupéfait par le côté foutraque du travail, j’ai été ébloui par le travail des comédiens et Violetta m’a époustouflé.
C’était la première fois que j’entendais Teresa Stratas chanter l’air qui clôt le premier acte.
Bref, j’ai fait les courses tard et pris « une prune » pour stationnement interdit mais ce fut un chouette après-midi.
Ma libraire-lumière-de-mes-jours à servi des clientes qui sortaient tout droit d’un tableau de Renoir ou Caillebotte, la mode ayant semble-t-il peu changé depuis « La dame aux camélias »…
11:23 | Commentaires (6)
mercredi, 06 mai 2015
Tour de vice…
Bon, lectrices chéries, certaines d’entre vous ont manifestement des trous dans l’éducation à la vraie vie.
Ou, pour paraphraser Madame Vallaud-Belkacem, certaines d’entre vous « ne sont pas en capacité de vie sécure par manque d’apprentissage à l’autonomie en milieu extra-scolaire »
Vous, Berthoise, Liv Fourmi, Brigitte, Emilia-Celina !
Que diable vous ont appris vos parents ?
Pas un ne vous a mises en garde contre les pièges tendus habilement par des garçons, genre « voyous de la Porte de Clignancourt » ?
Eh bien il vous a manqué une mère comme la mienne !
Une qui usait le soleil à nous mettre en garde contre tout, surtout les autres.
Il vous manquait aussi un père comme le mien.
Pas très habile en discours sur l’éducation mais cador en éducation par l’exemple.
Il savait vous montrer dans les rues tout ce qui devait nous servir de repoussoir ou de modèle.
Il me montra, à défaut de m’expliquer, des exemples à ne pas suivre.
Les boulevards entre Stalingrad et Place Clichy, méritaient bien le qualificatif de « boulevards en enfilade », riches qu’ils étaient en « arpenteuses d’asphalte » et autres « cueilleuses d’asperges » qui donnaient une appréciation différente de Socrate sur l’enseignement de la philosophie.
Ces péripatéticiennes dispensaient un enseignement d’un autre ordre…
Je ne suis pas un expert de l’argot de l’époque d’Aristide Bruant, mon père m’apprit alors que « marcher au pantre » c’est faire marcher le bourgeois bon à gruger, celui qu’on peut facilement amener dans son lit et qui se retrouve tout bête, à poil et sans portefeuille après un coup mal tiré…
Il n’utilisa pas exactement ces termes car il était, comme votre serviteur, assez bégueule, mais l’essentiel y était.
Il ne laissait son langage « coincé » que lorsqu’il s’agissait de faire bondir ma mère.
Écoutez bien lectrices chéries, la chanson « Rue Saint-Vincent » est très claire là-dessus.
« Mais le p’tit Jules était d’la tierce
qui soutient la gerce, aussi l’adolescent.
Voyant qu’ell’marchait pas au pantre,
D’un coup d’surin lui troua l’ventre.
Rue Saint-Vincent… »
C’est pourtant clair, non ?
« Elle s’app’lait Rose, elle était belle. » et comme « elle sentait bon la fleur nouvelle » ben le P’tit Jules a voulu l’envoyer sur le trottoir pour pécho du bourgeois en mal de galipette…
06:57 | Commentaires (8)
mardi, 05 mai 2015
Les ailes des moulins, etc…
Vous vous rendez compte, lectrices chéries ?
Patachou à lâché la rampe !
Même ma mère chantait les chansons de Patachou.
Je sais aussi bien que Mab, à qui j’ai le plaisir de les coller dans la tête pour la journée, des choses comme « La complainte de la butte ».
Avec ses escaliers qui ne sont pas durs qu’aux miséreux, hein Mab ?
J’aimais bien Patachou, elle chantait mon quartier et celui que je traversais pour aller au lycée.
J’ai en fait, de chouettes rencontres, dans ce quartier…
Et je sais aussi bien que ma mère « Rue Saint-Vincent ».
Je sus quelques années après, pour l’avoir demandé à mon père ce que voulait dire « marcher au pantre ».
Il me l’expliqua vaguement en me montrant des dames boulevard de Rochechouart où nous allions au cinéma.
Ce qui me valut, suite à un pari stupide, un épisode gênant quelque temps plus tard en sortant du lycée.
Quand l’un et l’autre arrêtaient de chanter Patachou, Edith Piaf, Mouloudji, Montand et autres morts, la radio prenait le relais.
J’ai remarqué que si ma mère chantonnait volontiers « Marinella » ou « Bella Catarinetta tchi tchi » mon père évitait soigneusement de chanter Tino Rossi.
Probablement parce qu’il détestait « ce Corse calamistré qui chante avec une voix de châtré ».
Mon père avait, comme son fils, une chevelure rebelle et pleine d’épis et je le soupçonne d’avoir pensé que ma mère avait le béguin pour ce brun si bien peigné.
Je l’ai même entendu dire à ma mère, à propos de la femme de Tino Rossi et d’autres qui avaient épousé des hommes beaucoup plus vieux qu’elles « elle au moins, elle sait ce que ça fait de prendre un coup de vieux… »
Ça faisait bondir ma mère et pas nous car nous n’apprîmes que bien plus tard les différentes acceptions du terme…
Bref, mon père était parfois ce qu’on appelle en français moderne « une langue de pute ».
Pour en revenir à Patachou, sa mort m’a quand même fait quelque chose.
Ces temps-ci, des pans entiers de ce que fut la radio de ma jeunesse s’effondrent.
Même si à 96 ans Patachou avait largement l’âge de faire un mort.
Ça me fait penser qu’il ne me reste du coup qu’une trentaine d’années à tirer.
Et que ce n’est que « peut-être »…
09:50 | Commentaires (8)