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lundi, 11 mars 2013

Au fait…

Il m’arrive de me pencher sur autre chose que ma jeunesse, hélas enfuie, et les amours qui allaient si bien avec.
J’entends depuis quelque temps, en dehors des âneries du genre « tout va bien » ou que « le pays est obnubilé par l’arrivée de David Beckham au PSG », parler de cette obsession généralisée qu’est l’économie.
Je suis exaspéré depuis un long moment par l’approche exclusivement comptable de tous les aspects de notre vie et le « tout a un coût » si cher à feu Milton Friedman.
Je me demande parfois si son approche vulgaire de l’existence l’a conduit à poser un billet de cinquante dollars sur la table de nuit quand son épouse lui accordait un bien peu mérité câlin…
Quoique, vu le type, que je sens assez radin, c’était plutôt le genre à appliquer des taux usuraires sur les subsides qu’il consacrait à sa maison.
Toutes ces agaçantes billevesées m’ont amené à mon tour à remarquer quelques détails de notre vie de tous les jours.
Les salaires n’augmentent pas.
Les charges des entreprises diminuent.
Les coûts de revient des produits baissent car la productivité augmente.
Les prix des produits importés baissent car fabriqués par des esclaves.
Fort de ces constatations, tel un petit caillou dans ma sandale, une question me taraude.
Comment se fait-il qu’il y ait malgré tout cette inflation qui grignote mon pouvoir d’achat ?
Oui, on ne peut pas dire qu’elle le bouffe, un truc si maigre ne peut être que grignoté.
Et l’écart de prix que représente cette inflation ?
Il disparaît dans quelle poche ?
Sans compter que le calcul de cette inflation exclut les carburants et les tabacs, qui augmentent à un rythme démesuré.
Il serait peut-être être temps de ruiner quelques rentiers avant de mourir de faim, vous ne croyez pas ?
Les fourches se font rares mais il reste quand même les battes de base-ball.
A moins que le prochaine taux de croissance ne soit dû à la relance de la fabrication de piques et de reverbères...

 

dimanche, 10 mars 2013

Cigarette en glaise...

Vendredi soir, en préparant le dîner, j’écoutais la radio.
Il y était question des méfaits présumés de la cigarette électronique.
Electronique est un bien grand mot pour une mini-chaufferette qui vous fait inhaler de la vapeur d’eau et quelques autres produits dont la nicotine.
Comme toujours dans ce genre d’émission, on trouve un partisan du produit, des professeurs hospitaliers et un ou deux élus.
Souvent deux élus de partis en guerre sinon, ce ne serait pas drôle et en plus, au lieu de les entendre faire assaut de mauvaise foi, s’ils n’étaient pas là on risquerait d’apprendre quelque chose.
Comme toujours, les partisans du sans tabac semblaient prêts à rétablir la peine de mort pour ceux qui clopent sur les quais de gare.
Comme d’habitude, un des professeurs de médecine remarquait que l’état avait le cul entre deux chaises, préférant augmenter souvent à petites doses le prix des cigarettes ce qui permet de diminuer petitement le nombre de fumeurs en augmentant beaucoup les recettes de l’état.
Comme souvent, un professeur de médecine trouvait l’état franchement hypocrite et disait fermement « si les cigarettes sont dangereuses, l’état est irresponsable d’en autoriser la vente et d’en tirer profit ». Un autre, qu’on s’empressa de faire taire, dit, du haut de son expérience hospitalière et de sa connaissance des statistiques, que le tabac n’était sûrement pas terrible pour la santé mais que, toutes pathologies confondues, seuls 40% des fumeurs devaient leur mort précoce à la clope.
A peine commencé le détail des statistiques, montrant que plus de 70% des cancers bronchiques ne pouvaient être imputés au tabac et que l’environnement était à prendre en compte, paf ! Tais-toi ! Des fois que l’industrie automobile et les compagnies pétrolières voient leurs bénéfices, donc leurs impôts, diminuer…
Une dame téléphona pour dire « le geste est important, la succion compte autant que la nicotine et la cigarette le satisfait »
Un de ces pontes lui répondit de sorte qu’il attira immédiatement mon attention.
Je ne me rappelle plus exactement comment il avait tourné son argumentation mais ça laissait la porte ouverte à des interprétations moins médicales.
Il n’engueula pas l’auditrice mais il remarqua que les femmes fumaient aujourd’hui autant que les hommes.
Pire encore, elles fument des cigarettes et les cigarettes contiennent bien d’autres choses que du tabac ! ! Elles abîment les lèvres et altèrent le goût. De plus elles font tousser, ce qui est gênant.
Là, j’ai tendu l’oreille.
Il insista sur la fait qu’il y a des façons de satisfaire son besoin de succion et de nicotine sans faire appel à la cigarette.
Il me semble avoir entendu un participant étouffer un rire.
J’attendais que le professeur, perdant pied dans ses explications, n’en arrive à un conseil ambigu…
J’ai bien compris le message de ces tartuffes.
Mesdames ! Ce type vous reproche votre cigarette !
En substance il vous dit « laissez tomber la cigarette, la pipe c’est bien mieux et moins dangereux ! »

samedi, 09 mars 2013

Amarcord…

Vous savez bien, lectrices chéries que je n’ai pu que supputer les conditions  ma naissance.
La seule chose que je puisse dire avec certitude, c’est que j’y étais et que j’ai participé activement à mon arrivée dans ce monde merveilleux.
Monde merveilleux parce que vous en faites partie, et plein de choses à découvrir, à commencer par vous.
Malgré tout, quelques détails occupaient mon esprit depuis des lustres, inutiles jusqu’à ce que j’aie besoin d’informations plus précises.
Quelques autres souvenirs me trottaient donc par la tête mais si lointains que les quelques bribes qui me venaient, les quelques noms, les quelques endroits et quelques situations me semblaient, quoique plutôt vifs dans mon esprit, assez irréels malgré tout.
J’ai donc appelé ma grande sœur pour savoir de quoi il retournait exactement, oui, ma grande sœur a l’âge d’Emilia-Celina et se rappelle des choses que je ne suis pas censé me rappeler.
Je peux donc vous affirmer une chose importante à mes yeux : Oui ! On peut avoir des souvenirs antérieurs à l’âge de trois ans.
Voilà. Ça ne fait pas avancer la science d’un grand pas mais ça a néanmoins l’avantage de me prouver que je ne suis pas –encore – complètement dérangé.
Et ça me semble, de façon tout à fait égoïste, important. Je peux donc regarder de haut celle qui partage ma vie, mes repas et mes ennuis quand elle m’assène « Mais mon pauvre minou ! Mais tu déjantes grave sévère ! »
À moins justement que cette faculté mnésique ne soit le signe indubitable de ce que les « djeuns » appellent « avoir un pèt’ au casque »…

vendredi, 08 mars 2013

Flash-back.

R.S. avait très mal ce jour là.
Elle n’avait pas très chaud non plus en ce six janvier 1949.
L’hiver était rigoureux et les fonds plutôt bas.
Son mari, G. était au travail, un de ces emplois d’après guerre, rares et mal payés, qu’on ne pouvait exercer qu’à raison d’une vingtaine d’heures par semaine, faute d’un approvisionnement en électricité suffisant.
Son déjeuner consistait souvent en une baguette qu'il mangeait en faisant le tour de l'usine. Et il s'estimait heureux de n'avoir pas à se contenter du célèbre « sandwich polonais » dont devaient se satisfaire certains ouvriers et qui consistait en un peu roboratif « ticket de viande entre deux tickets de pain »...
G. se demandait, sur le chemin de l’exigu logement qu’il occupait avec R., si c’était pour mener cette vie là qu’il s’était battu pendant plus de quatre ans.
G. avait été « désigné volontaire d’office » pour défendre le pays par son père, un officier de la Royale à la retraite qui ne plaisantait pas avec le sort de la patrie. Il avait passé cinquante-trois mois sur les champs de bataille, y avait été blessé deux ou trois fois assez sérieusement. G. estimait qu’il méritait une vie meilleure que celle qui lui semblait promise. Même en 1949, alors que la guerre s’était éloignée, il faisait quasiment chaque nuit des cauchemars épouvantables dont R. le sortait pour le consoler.
Et consoler n’est pas toujours innocent.
C’est d’ailleurs à cause d’une de ces consolations qu’elle avait très mal au ventre en ce six janvier.
Elle laissa un petit mot sur la table de la cuisine et partit à pied pour l’hôpital Saint-Antoine.
Quelques heures plus tard elle donna naissance à un bébé de trois mille huit cents grammes et cinquante-cinq centimètres.
À onze heures moins le quart du soir pour être précis car à l’époque on n’était pas moderne, il n’était donc pas vingt-deux heures quarante-cinq.
Je me le rappelle très bien car ma mère me l’a rappelé à chacun de mes anniversaires.
Tout comme, signe indubitable d’un destin favorable, elle me rappelait que j’étais né le « jour des Rois ».
Quant à moi, j’ai surtout remarqué, des années plus tard, un détail qui explique sans doute ma répugnance au moindre effort. Le six janvier 1949 était un jeudi, ce jour béni des écoliers…
Précoce déjà, je montrais d’étonnantes dispositions pour pourrir la vie de mes proches, surtout la nuit.
Ma mère s’usa les seins à m’allaiter plusieurs fois par nuit pour permettre à mon père de dormir quelques heures. J’en ai gardé depuis une forte tendance à la goinfrerie et un intérêt certain pour ce qui habille si joliment les poumons des femmes.

 

mercredi, 06 mars 2013

Quand j’avais cinq ans je m’ai pas tué.

Le bus nous a arrêtés là.
Pas très loin de la place de V. à l’automne 1954, une petite place assez triste. Place encore plus triste sous le ciel bas et un vent à décorner les bœufs. Comme toujours, j’ai froid. J’ai toujours froid.
Ma mère m’a pris par la main et m’a tiré pendant qu’elle tenait de l’autre main une petite valise en carton bouilli. Verte la valise. Et lourde…
Ma mère a toujours su faire des valises comme ça. De vrais pièges. Des valises petites mais extrêmement bien rangées et remplies. Des valises qui vous allongent le bras de dix centimètres et vous tassent les vertèbres.
Je suivais ma mère avec un enthousiasme relatif. L’idée de passer des semaines puis des mois, des années peut-être dans cette école n’avait rien de réjouissant.
Je vous ai déjà parlé de ma mère ?
Non ? Il me semblait bien que non.
Pourquoi donc me trouvais-je sur la place de V. le 11 octobre 1954 ?
Je vous parle du 11 octobre parce que j’ai vérifié, je me rappelle seulement que c’était un mardi.
Je me trouvais là parce que mes parents et « la grande école » se sont aperçus, dès le premier octobre 1954, que je savais lire et qu’il était bon de me faire entrer directement en classe de CE1.
Par manque de chance, mon école était au bout de la rue Championnet, proche de cette « porte de Clignancourt » dont j’aurais l’occasion de vous parler plus longuement.
C’était une école dont les élèves étaient assez remuants. Voire franchement voyous pour certains…
Et cette classe de CE1, dirigée d’une main de guimauve dans un gant de tissu éponge par monsieur D. était un vivier de futurs bandits. Leur langage était imagé et on n’en trouvait aucune trace dans les dictionnaires. Langage plus proche de celui des « apaches » que de la Comédie Française.
Ma mère donc, était effrayée à l’idée que son fils unique et chéri finît  les bras liés à une rame sur une galère et avait décidé de me mettre à l’abri chez les Frères.
Je me dis en arrivant devant la porte de l’école des Frères, que ma mère et moi avions des vues divergentes sur la notion d’abri.
Pire, je ne savais rien encore de la vague de honte qui allais me noyer une fois la porte franchie…