jeudi, 09 mai 2024
Aujourd'hui le sort ça charme…
Ouais bon, c’est férié aussi, hien…
Je vous avais parlé il y a quelque temps d’un inconvénient de l’âge.
Notamment la réduction dramatique du vocabulaire lors du passage d’une journée à la suivante.
La jeunesse a du mal à se détacher de certaines parties du corps, notamment les moins facilement accessibles.
Mais non pas celles-là, d’autres cachées dans la cervelle mais malgré tout actives et ayant gardé une grande part de leur souplesse.
Mais, les années passant, même elles voient leur activité se réduire.
Au point que le dernier mot de la journée, celui qui précède l’endormissement, juste après ce mouvement censé nous mettre à l’aise, est « Aïe ! »
Le premier mot, celui qui suit le réveil, celui qui accompagne ce retournement qui nous poussera à nous lever est lui aussi « Aïe ! »
Ainsi, un seul mot clôt la journée et ouvre la suivante.
« Aïe »
Il arrive toutefois qu’un jour se lève, comme ce matin où tout semble aller bien.
Ce matin, je me suis réveillé sans dire un mot.
Le premier est venu de la lumière de mes jours « Minou, quelle heure est-il ? »
J’ai répondu tout à fait normalement « Huit heures moins le quart ma Mine. »
Puis je me suis retourné sans un mot, me suis levé et suis allé d’un pas léger vers la cuisine.
Je n’avais mal nulle part !
Pas d’articulations rouillées, pas de lourdeur dans la démarche, le geste facile pour mettre en route la bouilloire des « rico » du petit déjeuner de l’aimée.
Même souplesse du geste pour faire chauffer le lait de mon café du matin, celui qui est adouci d’une petite cuiller de miel.
Et c’est là qu’un instant, une sourde inquiétude m’a soudain frappé.
Ça m’est soudain revenu.
Ce dicton de vieux que j’entends depuis des années et que j’étais prêt à prendre pour parole d’Évangile : « Si, à partir de cinquante ans, un matin tu n’as mal nulle part, c’est que tu es mort ! »
L’effroi m’étreignit soudain au point que je me suis pincé.
J’ai ressenti le pincement tout à fait normalement.
J’ai versé mon lait dans mon bol, une gouttelette bouillante a giclé sur ma main.
Là, j’en fus sûr : J’étais vivant !
Néanmoins, j’ai su ce qu’était le bonheur.
Se lever un matin en n’ayant mal nulle part.
Rien que ça, ça fait supporter sans pester les nouvelles qui ne parlent que de sport, de médailles d’or et de foules en liesse errant dans des rues surpeuplées.
Mais où diable allons nous aller pour échapper à ces p… de Jeux Olympiques ?
10:04 | Commentaires (15)
dimanche, 28 avril 2024
Ethique étique…
Un article analysant les propos de Jean Tirole traitant de la commercialisation des organes me pousse de plus en plus à penser que d’une certaine façon les économistes sont plus dangereux que les militaires.
Pour éclaircir le discours, il semblerait que pour ce prix Nobel d’Économie, le problème n’est pas dans le fait que le monde n’est qu’un ensemble de produits mais dans la réticence morale qui freine la marchandisation de certains de ces produits.
Il a choisi l’exemple des organes humains pour étayer son argumentation.
Dans son esprit, interdire la marchandisation, ergo le commerce, des organes humains est in fine immoral car elle prive des individus de la chance de vivre presque normalement pendant une douzaine d’années avec un rein alors qu’elle vont survivre péniblement cinq ans sous dialyse.
Selon lui, la libéralisation du commerce d’organes permettrait de sauver plus de patients et coûterait moins cher que maintenir en vie difficilement un nombre plus réduit de patients.
Suit une série de chiffres qui montre que piétiner les fondements de l’éthique est nettement plus efficace pour l’équilibre des comptes de la santé publique que les moues de dégoût face aux manquements à la morale qui interdisent de vendre les organes.
De fait, nombre de patients meurent faute de dons en nombre suffisant.
Il faut en effet beaucoup de reins pour trouver un rein compatible avec le receveur.
Bref le problème serait bien plus aisé à résoudre si le marché, tout puissant et autorégulé s’occupait d’acheter des organes et en fixait le prix en fonction de la demande.
Il ne manque pas d’exemples d’un marché efficace et en pleine extension selon l’ampleur des catastrophes naturelles ou des aléas économiques qui frappent le pays.
La morale semble donc tout à fait hors de propos alors qu’il s’agit selon les économistes du fonctionnement d’un marché dont l’offre et la demande assurent la régulation.
Il ne n’agit en fait que de fermer les yeux sur le fait de considérer une partie de l’humanité comme une réserve de pièces détachées destinées et l'autre comme une partie de l’humanité pouvant acheter des pièces de la première partie pour être réparée.
Les plus pauvres vendront un rein ou un œil aux plus riches, après tout un seul leur suffit…
Les plus riches seront réparés avec les pièces retirées aux plus pauvres qui n’ont pas besoin de tous ces morceaux offerts par la nature.
Plus il y aura de pauvres, plus il y aura de pièces de rechange et moins celle-ci seront chères.
Un rêve d’économiste en somme.
Ces mêmes économistes viennent dans la foulée de nous donner un information intéressante tout de même.
Ils nous ont rappelé qu’il nous suffit d’un rein, d’un œil, d’une jambe, d’un pied ou d’un poumon pour vivre.
Sans y prêter attention ils viennent de démontrer que leur domaine d’étude regorge de brillants sujets à qui même un seul cœur est de trop et pourrait servir utilement à ceux qui en ont l’usage pour regarder leur prochain comme autre chose qu’une source de profit ou un produit à mettre sur le marché.
Et je ne peux m’empêcher de penser que si ces économistes vont au bout de leur pensée dans cette idée de l’humain marchandise, ils voient finalement le proxénétisme et l’esclavage comme un élément du « marché » qui à cause d'une morale imbécile tombent sous le coup de la loi…
Me vient une question, tout activité n’étant finalement qu’une transaction, je me demande quelle tête ils feraient si, quand l’envie de câlin les prend, leur camarade de jeux commençait par « OK C’est 200 € avec les fioritures, 50€ si tu vas droit au but rapidement. »
10:41 | Commentaires (7)
jeudi, 25 avril 2024
Notre monde disparaît !
Déjà, l’incendie de Notre Dame de Paris au printemps 2019 était un signe de l’effacement de ce monde.
Bon, heureusement il reste la Sagrada Familia qui ne sera jamais terminée.
Puis, notre ministre des Finances, levant le nez de son dernier ouvrage, trouve que les Français, surtout les plus pauvres coûtent trop cher, que les vieux meurent trop tard, que les plus riches paient trop d’impôts et que la Santé Publique serait plus efficace si elle devenait la Santé Privée.
Le fait que « Santé Privée » signifie surtout que si tu n’as pas de sous, ce sera « Privé de Santé » ne le gêne pas.
Un trou de plus donc dans ce qui faisait de notre pays un pays civilisé, un pays où « solidarité » n’était pas un vœu pieux ou seulement applicable aux mieux lotis.
Cette cathédrale qui me vit passer, dans une indifférence vexante, quasiment chaque matin pour aller à Jussieu crama au grand dam des agences de tourisme qui n’ont rien à cirer du bon dieu mais beaucoup du résultat net, disparut soudain dans les flammes.
On arrive enfin au bout de sa restauration.
Las, un autre malheur, tout aussi dévastateur pour les CA des agences de tourisme que pour mes souvenirs de lycéen s’est produit cette nuit.
Tous ces mois où j’ai remonté le boulevard de Rochechouart puis celui de Clichy jusqu’au lycée Jules Ferry pour retrouver une âme-sœur, je me suis arrêté devant le Moulin Rouge pour en regarder les ailes tourner.
J’en profitais évidemment pour souhaiter qu’elles protègent les amoureux aussi efficacement que le prétendait la chanson.
Bon, je peux vous le dire, ça les protège moyen…
Eh bien, ces « ailes des moulins protègent les amoureux » mais surtout les passants en tombant sur le boulevard à un des rares moments où il est désert.
Là, c’est le coup de Jarnac, ce coup vicieux qui fait perdre tout espoir de victoire.
Les ailes du Moulin Rouge !
Non mais vous rendez-vous compte ?
Bon, même le Sacré Cœur ou la Madeleine pourtant passablement laids ne mériteraient pas d’être abattus.
Pourtant… Bref…
Mais le Moulin Rouge !
Tout fout le camp !
11:44 | Commentaires (13)
mardi, 23 avril 2024
Réhabilitation.
Il y a peu, nous avons pris le 80 boulevard Haussmann avec l’idée d’aller rue Caulaincourt dans une boulangerie qui fait un feuilleté au jambon « à tomber ».
Il passe rue de Saint Pétersbourg que j’ai connue sous le nom de rue de Leningrad jusqu’en 1991.
Pourquoi je vous parle de ça alors que vous n’avez rien à faire du trajet du 80 ?
C’est parce que le 80 après avoir fait le tour de la place de l’Europe, avance rue de Saint Pétersbourg, passe devant le bureau de Poste puis devant un immeuble qui me serre le cœur chaque fois.
Je vous en ai déjà parlé.
Je le regardais attentivement depuis la vitre du bus.
Le premier étage me faisait ressentir cette impression étrange du souvenir.
Cette impression bizarre du souvenir simple qui, pour une raison inconnue devient soudain un souvenir poignant.
Pourtant je ne connais rien de cet immeuble.
Il m’était totalement inconnu.
Sauf qu’il est en moi depuis des décennies.
Cet immeuble est ancien, un immeuble haussmannien mais contrairement aux autres immeubles de la rue il était resté noir de crasse.
Il était comme ces immeubles des années soixante, avant que Malraux n’ait décidé que Paris serait une vitrine aux immeubles propres et sans linge aux fenêtres.
Hélas, trois fois hélas, ce qui devait arriver arriva.
L’immeuble fut « réhabilité » !
En d’autres termes, ça a pris plus de soixante ans mais on lui a retiré son âme
Cet immeuble qui me ramenait chez mon ami B. cet ami du lycée, celui qui disparut et qui précéda mon ami J. quelques années plus tard.
B. était totalement à l’opposé de moi.
Il avait une peau blanche pleine de taches de rousseur et des cheveux roux perpétuellement en désordre.
B. est venu une ou deux fois chez moi.
Je suis allé plus souvent chez lui.
Il habitait rue Gérando, cette petite rue qui va de la place du Delta qui n’existe plus au square d’Anvers qui est défiguré.
Je ne sais plus exactement à quoi nous jouions mais nous jouions.
Assez tranquillement je dois dire, nous n’étions ni coureurs ni batailleurs alors le salon restait calme.
Le salon ? Il était grand et me semblait luxueux.
Dans mon esprit, les parents de B. étaient « riches », et un piano dont on m’apprit qu’il n’était que « demi-queue » occupait un large coin du salon et une vraie bibliothèque occupait tout un mur.
La mère de B. me semblait très belle et jouait du piano.
Elle m’en a joué quelques fois les jeudis où j’étais chez B.
Peut-être parce qu’elle savait que je l’écoutais.
J’écoutais bouche née et plein d’admiration tandis que B., sans doute parce qu’il voyait sa mère tous les jours, lisait sans prêter attention à la musique.
Ils habitaient au premier étage et un lustre éclairait la pièce toute la journée car la rue Gérando n’est pas très large.
Je crois que c’est ce qui me saute à l’esprit quand le 80 passait devant cet immeuble de la rue de Saint-Pétersbourg.
Il y a quelques jours je l’ai revu, plus exactement j’ai rêvé de le revoir.
Il est pétant de propreté, la pierre de taille est redevenue blonde.
Le premier étage n’a plus de rideaux et est éclairé « a giorno »
Adieu les années qui habillaient les murs.
Adieu les fenêtres aux rideaux mal tirés, gris de crasse et d’années qui laissaient entrevoir un salon à peine éclairé par un lustre à cinq ou sept ampoules misérables et jaunes.
Maintenant on en voit les murs.
Propres, sans un livre, sans une étagère.
Je sais qu’en entrant dans cet immeuble je ne croiserai plus personne.
Pas un enfant d’une dizaine d’années qui vient juste de descendre l’escalier qui mène chez son copain B.
Aujourd’hui, à passer le porche, j’aurai toujours mal à ce genou, je ne reverrais pas de mes deux yeux.
Ils ont fait disparaître un monde peut-être sale et noir mais si beau…
19:33 | Commentaires (4)
lundi, 22 avril 2024
Rêve parti
Cette nuit, lectrices chéries et lecteurs chéris, j’ai rêvé.
Bon, je sais que globalement, peu vous chaut.
Ne vous précipitez pas néanmoins pour cliquer en haut à droite pour passer à autre chose.
Il faut quand même que je vous le dise…
J’ai rêvé de vous.
J’ai rêvé, du creux des bras de Morphée, que je vous torchais une de ces notes que vous-mêmes rêveriez de lire dès que le temps se fait plus doux, les arbres moins noirs et le ciel moins triste.
Une de ces notes qui puisse vous dire avec les mots justes cette sensation de cœur qui se serre et dont vous ne savez pas trop si c’est du bonheur brusquement ressenti ou du regret qu’il se soit déjà enfui.
Mais oui, vous savez bien comment c’est.
J’ai donc rêvé de vous dire juste ce que vous attendiez, ces brusques sautes d’humeur au passage d’une rue.
Aussi de vous faire revivre ce tressaillement que vous avez connu j’en suis sûr devant un café ou vous croisiez quelqu’un à qui vous pensiez justement.
Avec tous les rêves et les pensées secrètes qui vont si bien avec.
Oui, j’ai rêvé de vous écrire cette note.
Du fond de mon sommeil, j’étais sûr qu’elle était parfaite.
Totalement en accord avec la sensation de printemps qui arrive et qui, j’en suis sûr, vous remue l’âme autant que le sécateur de Bruno Le Maire Mab sème la panique dans le porte-monnaie du chômeur.
Seulement voilà, lectrices chéries, à peine Morphée eut-il ouvert les bras pour m’en faire choir que cette note est restée accrochée à ses mèches…
Oui, il est comme ça Morphée, il a parfois les travers d’Hermès dont la morale est élastique et l’honnêteté relative.
Du coup, je n’ai rien à vous dire ce matin…
11:39 | Commentaires (8)